mercredi 19 juin 2013

Simon Hantaï au Centre Georges Pompidou

À quelque chose malheur est bon. Cette expression ne veut pas dire grand chose, et pourtant c’est bien le moment ou jamais de l’employer. Ma journée de mardi aura principalement consisté à patienter affalé sur un canapé en simili cuir, pour ne pas gagner à un jeu télévisé.

Alors que faire ? Filer au Centre Georges Pompidou !

Les collections permanentes sont toujours aussi impressionnantes. L’une des expositions temporaires est une rétrospective de l’œuvre du peintre français Simon Hantaï (1922-2008). Elle est remarquable, et je suggère à tout amoureux de la peinture, de la couleur, de s’y ruer.

Hantaï a eu plusieurs périodes. Une période surréaliste dans sa jeunesse, plutôt noire, pleine de symboles et de bibelots ; je n’aime pas cette peinture, je suis mal placé pour en parler en bien. (Je vous donnerais tout De Chirico, tout Dali et tout Magritte pour, disons, un ou deux Rothko.)

Les périodes suivantes, surtout celle des pliages, ont révélé son style, qui l’a conduit à produire de grandes choses émouvantes. Le peintre pliait donc la toile, la nouait à intervalles réguliers, et jetait ses peintures acryliques dans les creux restants. Ça a donné les Mariales, pleines de feuilles du tissu de la toile non peinte au milieu de rouges, de bleus puissants, de beiges brique. Cela rayonne, on dirait des vitraux. Puis vinrent les Meuns, du nom du village où le peintre à habité en région parisienne, suivis des Études et des Tabula. Ces grands formats à l’apparence de simplicité sont saisissants, magnétiques : ils vous scotchent. On a du mal à décrocher le regard de ses subtils quadrillages de couleur griffés de blanc, de leur régularité rompue par le détail des emplacements vierges des nœuds pratiqués par le peintre, ou des pans qu’il aura repliés dans les Meuns, et qui font ressembler ces œuvres à des pensées (la fleur) ou des géraniums stylisés géants.

Les presque trente dernières années de sa vie, tel Sibelius reclus dans sa campagne, le peintre n’a plus peint ou presque. Il a même découpé les Tabula gigantesques par leur taille et qui avaient fait son succès à Bordeaux, au début des années 1980. Ultime geste artistique censé se rapprocher des découpages-collages de la fin de la vie de Matisse, qu’Hantaï admirait ? Moments d’incertitude sur l’œuvre créée et déjà prisée par le public ?

Jetez un coup d’œil sur Google images pour avoir une idée d’à quoi ressemble la débauche de formes et de teintes qu’ont les grandes toiles d’Hantaï, dans sa maturité. L’émotion des vraies est à portée de main, jusqu’à fin septembre au Centre Georges Pompidou.

lundi 8 avril 2013

Vienne

Difficile de parler d’une ville célèbre sans tomber dans l’anecdote. Le mieux serait sûrement de s’abstenir ; le bonheur qu’on a pu avoir l’emporte et fait dire deux mots.

Vienne est une capitale où, comme à Londres ou à Paris, on se verrait bien vivre tellement le quotidien et les plaisirs peuvent sembler divers. Cette sensation peut paraitre artificielle : en tant que touriste, on ne vit bien sûr pas en habitant et on a une vision très partielle d’un lieu, a fortiori si c’est la première fois qu’on y vient. Il n’empêche : une ville, on la sent ou on la déteste. L’architecture, les gens qu’on croise (fût-ce fugitivement un garçon de café ou la vendeuse d’une boulangerie), les parcs, l’ambiance plaisent ou débectent assez rapidement. Quand on ajoute des musées à revendre, des orchestres, même si on ne les a pas entendus, des palais, même si on ne met pas forcément les pieds dans tous ; pour résumer l’art de vivre et la culture, tout ne pousse qu’à une chose : revenir.

lundi 11 février 2013

A faire avant 30 ans

A 16 ou 17 ans, j’avais écrit un poème dont le titre était A faire avant 30 ans. J’y listai quelques choses et d’autres plus ou moins réalistes, et vous avez bien de la chance que je ne me souvienne que du titre. (A ce propos, pourvu que ma mère ne retrouve jamais de poèmes de jeunesse au fond d’un carton ; j’en ai jeté beaucoup ; j’espère en avoir jeté assez, sait-on jamais.)

A faire avant 30 ans, quelle drôle d’idée. Si j’ai un jour, je ne sais pas, 80 ans, je suis persuadé que j’aurais alors de toute façon toujours l’impression d’en avoir encore 20. Le temps passe, on prend, on fait les choses comme elles viennent, sans trop de préméditation, et c’est finalement très bien comme ça. Je n’aurai probablement jamais lu les Collected poems de Derek Walcott ou le Don Quichotte de Cervantes ; il y a peu de chances que je change radicalement de boulot ou que je publie jamais un livre. Doit-on avoir pour autant des regrets plus fondamentaux concernant les choix qu’on ne fait pas, à tant de moments de la vie, ou sur des limitations personnelles ? Plus je vieillis et moins je le pense.

Il faut dire que j’ai la chance de l’avoir belle, la vie ; de bien la gagner, et d’une façon que je juge intéressante ; de me permettre raisonnablement les loisirs et distractions que je souhaite avoir, ce qui agrémente le quotidien ; d’être entouré d’une petite famille, de quelques bons amis, de quelqu’un que j’aime, ce qui le rend plus heureux encore. Le seul vrai hic dans tout cela est que je ne vois pas bien pourquoi elle devrait s’arrêter un jour, la vie, mais on touche à des questionnements que je remets à plus tard.

Au plus tard possible, si vous voulez bien, car ces idées-là pour l’instant s’envolent comme le brouillard qui fuit on ne sait où avec le jour qui se lève sur le Rhône, les matins d’hiver. Car à 30 ans, on a bel et bien toujours l’impression d’en avoir 20.

jeudi 7 février 2013

Un aller-retour

Que retenir de ces quelque 33 heures passées en Chine, à part un bilan carbone désastreux ? Les à-côtés, assurément.

Avant que le départ se confirme, je ne savais pas que j’aurais droit à une place en classe affaires. Ce fut une excellente nouvelle, et une première expérience que je renouvellerai avec plaisir si on me la proposait à nouveau. Alors : champagne avant décollage, à l’apéritif ; bons vins avec le repas (Pouilly-Fuissé de chez Louis Jadot, quel bouquet de fleurs fraîches), digestif. Des plats très honnêtes, et un personnel de bord aux petits soins. Dommage que le prix du billet soit inabordable avec des moyens personnels.

Sur place : deux bons repas également. Le soir de l’arrivée, un hot pot chinois : vous faites cuire la nourriture de toute la tablée dans un bouillon chauffé par du charbon, au centre de la table. Légumes, viandes sont ensuite trempées dans un bol individuel de sauce que l’on agrémente de piments, d’oignons, d’herbes. Le tout arrosé d’alcool de sorgho à 53° (il en existe aussi d’autres marques titrant jusqu’à 70°, nous ont dit nos convives, mais nous n’avons pas essayé). Certains chinois peuvent en boire en quantité déraisonnable comme si c’était de l’eau.

Le lendemain matin, réunion.

Le midi, resto chic de l’hôtel. Tous les plats usuellement servis à table en Chine ont dû se retrouver sur la table tournante à un moment ou l’autre du repas (il y avait un esturgeon entier à se damner), mais plus fins que je ne les avais jamais mangés. Donc, un régal. Ah tiens, l’alcool de sorgho titre à 56° ce midi. Pour autant, j’ai fait le repas à la Tsing Tao (la bière la plus consommée) et suis ainsi parvenu à éviter le déshonneur.

L’après-midi, direction la Cité Interdite. Visite glaciale : -5°C dehors, et de grands vents. Les cinq minutes de la traversée de la place Tian’an men furent bien trop longues, et une fois entrés dans la Cité, nous traversions les cours successives au pas de course avec mon collègue. C’est gigantesque, il faudrait revenir, mais déjà nous avons du y rester trois heures, ce qui n’est pas si mal. Une petite déception : indépendamment du froid, quasiment aucun bâtiment ne se visite, ils restent pour l’immense majorité fermés avec des vitres en plexiglas à travers lesquelles on devine les intérieurs.

Ah oui, les taxis, évidemment. Pour aller à la Cité Interdite, nous en avons pris un. Nous nous étions dit que ça ne valait pas le coup de marcher longtemps (voire très longtemps) jusqu’à la station de métro la plus proche vu qu’à trajet égal, un taxi en Chine doit être 5 à 10 fois moins cher qu’un taxi en France. A l’aller, l’hôtel nous appelle donc un taxi : 31 yuans le trajet d’une demi-heure (4 euros) embouteillages inclus, et déjà je comprenais ce qui allait m’attendre pour le retour et qui ne manqua pas d’arriver. J’avais joué demi fin en prenant une carte de l’hôtel, où son nom figure évidemment en Chinois. Demi fin, car j’aurais pu retenir le nom de la station de métro la plus proche de l’hôtel…  Donc, au retour, premier taxi. Heureusement, on est à Pékin, les taxis baragouinent quelques mots d’anglais. Il demande 200 yuans (sans mettre le taximètre, évidemment). J’argumente, je me démène, je m’énerve. Je le laisse partir. Le deuxième : plus sournois encore que le premier, il fait mine de se creuser la tête, d’avoir l’air de réfléchir au chemin pour aller jusqu’à destination. 140 yuans. Je me calme, je lui dit qu’il mette le taximètre et qu’on verrait la somme finale, il me dit qu’il est cassé, etc. Je menace d’appeler le numéro qui figure sur la plaque bleue et de me plaindre de cet arnaqueur au service compétent. Il éclate de rire que déjà je m’éloigne, pour trouver un troisième taxi de l’autre côté de la rue. Même jeu du conducteur. Même jeu de mon côté. Rien à faire, il me demande 150 yuans. Go to hell!, et la voiture s’éloigne. Mon collègue me regardait faire. Quatrième voiture : ça faisait déjà 20 minutes qu’on attendait dans le froid… 140 yuans. Il y avait apparemment comme un consensus sur cette somme. Je demande 20 yuans, j’explique plein de mauvaise foi et de cynisme que c’est juste à côté, que j’ai payé 15 yuans à l’aller, que c’est intolérable l’image qu’il donne des taxis de son pays aux touristes étrangers, qu’ils prennent tous le métro à cause de la malhonnêteté des taxis. Lui : 130. Moi : 30, mais c’est un prix exagéré. Lui : 130. Je laissais de plus en plus de blancs dans la conversation, et lui restait garé là pour autant. Moi : 30, respectez la loi et mettez votre taximètre, vous verrez que c’est le bon prix (je me contredisais déjà…). Lui : 100, je peux pas faire moins, c’est loin, le trafic, le prix de l’essence, etc. Moi : bon, 40, c’est mon dernier mot. Lui : 100. Mon collègue arrive derrière moi, se penche à la vitre, et braille au conducteur d’une colère froide : écoutez monsieur, vous allez nous conduire à notre hôtel pour 80 yuans. Vous savez que c’est plus que deux fois le prix, nous savons que vous attendez depuis 5 minutes et que vous avez aussi besoin de nous pour vivre. Alors voici vos 80 yuans, et nous partons. Il était monté et je faisais de même. Le taxi démarra.

Le soir : travail glande à l’hôtel, glande à l’aéroport, glande dans le salon avant l’embarquement. Retard de l’avion : décollage vers 2h15 au lieu de 1h40. Repas servi à bord à plus de 3h du matin, je pique du nez dans ma pintade ; même jeu du personnel de bord aussi chouette qu’à l’aller. Transfert à Roissy : j’ai couru littéralement pour avoir le Paris-Lyon, en 55 minutes je vous assure que ce n’est pas évident. Je n’ai pas grugé dans la file d’attente au contrôle de sécurité, qu’il faut repasser.

7h23, je mets le pied dans le second avion, je n’étais même pas le dernier passager, facile. Départ 7h30.

vendredi 9 novembre 2012

Le goût de Londres : les vues

Barbican

Barbican

 

Tower bridge

Tower bridge

 

 

Docklands

Docklands

 

 

Hampstead Heath

Hampstead Heath

(Photos de FabriceD)

mardi 6 novembre 2012

Le goût de Londres

Un bon Londres, est un mélange de plein d’ingrédients. Avec le temps on prend ses habitudes, on se familiarise. On finit par se sentir chez soi, il faut dire qu’il suffit de se retourner pour tomber sur un Français… mais ce n’est pas pour cela qu’on y va, évidemment. Presque at home donc, comme le dit Richard Osman (co-présentateur de Pointless), en aspirant le deuxième mot comme jamais je n’arriverai à le faire.

Où manger ? A l’indien près de Russell square (pas de nom mais j’y vais les yeux fermés) ; au Gay Hussard, restaurant hongrois sympathique dans Soho ; dans les pubs, où l’on va pouvoir finir par publier un classement de la meilleure sausage and mash.

Les lieux ? Les pubs, avec pinte tiède obligée. Les librairies d’occasion de Charing Cross road, il n’en reste que trois de bien, prions pour qu’elles survivent encore quelques années. Bon, il y a Foyles bien sûr, mais ce n’est pas pareil même si le choix est démentiel. Parce que malgré tout, il est plus économique d’acheter des livres en anglais dans le bon pays… Jermyn street, et ses boutiques de tailleurs sur mesure. Soho et Covent Garden pour l’ambiance, même si on ne fait qu’y passer, Bloomsbury pour le calme et les grands squares. Les docklands, réhabilités sur des kilomètres, cette déclaration d’amour à la brique sur tous les tons (mais c’est un peu tout Londres comme ça, c’est vrai). Le trajet du Royal Albert Hall à Harrods. Le calme de Chelsea. Holland Park et ses baraques super chics, qui sont peut être seulement concurrencées par celles de Notting Hill. Hampstead et sa lande en centre ville, apaisement et maisons cosy à portée de la main à défaut d’être à portée de bourse (prix certainement aussi horrifiques que Holland Park ou Notting Hill) ; Highgate, presque un petit village un peu plus haut que Hampstead et si charmant. Le quartier du Barbican, bâtiments surélevés au style terriblement 70s, mais pas si moches, l’ensemble étant très unitaire.

Les vues ? Toute la ville depuis Parliament Hill au nord (dans Hampstead Heath) ou depuis l’observatoire de Greenwich au sud, le Royal Albert Hall depuis les Kensington gardens, les Houses of Parliament depuis la rive droite de la Tamise, toute la ville mais de plus près depuis Primrose Hill un peu au nord de Regent’s park.

Que faire absolument ? Passer fût-ce en coup de vent à la National Gallery, où des centaines de tableaux sont directement accessibles (on peut entrer comme dans un moulin, voir huit Monet, deux Van Gogh et la dizaine de Canaletto qu’on ne connait pas encore tout à fait par cœur, et repartir. Si seulement on pouvait faire pareil au Louvre) ; pousser jusqu’à la Tate Modern où les Bacon sont beaux. Regarder les talk shows ou les jeux télévisés, ils sont bons surtout parce que tout le monde essaie d’y rivaliser d’humour, c’est tellement moins lisse qu’en France. S’arrêter chez Foyles juste pour être estomaqué par la taille du rayon consacré à Agatha Christie. Aller voir un concert, une comédie musicale, une pièce de théâtre. Et dire que cette fois on a raté de peu des places pour une des dernières pièces d’Alan Bennett au National Theatre. Marcher dans les parcs, dans les quartiers… Le tube est le tue l’amour de la découverte. Fuir Camden lock ; faire un tour de bateau sur la Tamise (nombreux arrêts entre Westminster et la Thames Barrier proche de l’estuaire) ; se perdre entre les dizaines d’églises de Wren dans la City.

Finir par viser le délire de briques néogothique de Saint Pancras, annonçant déjà qu’il faudra revenir.

dimanche 2 septembre 2012

Brèves d'une mission en Chine - 12

Trois semaines en Chine : cinq vignettes

Vue de ma chambre

Vue de ma chambre

 

Qintou (centre), la nuit

Qintou (centre), la nuit

 

Qintou - billard

Qintou - billard

 

Taishan - une rue commerçante du centre ville

Taishan - une rue commerçante du centre ville

 

Central Hong Kong

Central Hong Kong

jeudi 23 août 2012

Brèves d'une mission en Chine - 11

Mardi 21 août

Manger et bien manger est très important en Chine. Que ce soit chez soi, à la cantine ou au restaurant, plusieurs plats sont sur la table ou sur le plateau. Hormis à la cantine, tous les convives partagent les plats. On picore, on met un peu de ceci ou de cela dans une petite assiette ou dans un petit bol que l’on a devant soi, et on mange.

Les légumes, vapeur ou frits, sont bien verts et bien croquants. Haricots verts, brocolis, salade, branches d’épinards frais sont ainsi parfaitement cuits, respectant le légume. Le riz n’est pas salé, les nouilles non plus mais sont souvent accompagnées de sauces goûteuses ou d’oignons rissolés, de petits piments. Le riz sert à faire éponge et est consommé avec les autres légumes ou viandes, comme nous mangerions du pain. Certains légumes sont cuits au four, entiers, rôtis, tels l’aubergine ou la courgette. C’est délicieux.

La viande : mijotée, elle ressemble à nos plats en sauce de type bœuf bourguignon. Avec, fréquemment, des cacahuètes ou des noix de cajou pour donner un petit goût sucré. Frit, comme l’est parfois le porc, on s’approche du bacon à l’anglaise. Le poulet accompagne souvent, en de discrètes et fines lanières sautées, n’importe quel plat de légumes. J’en ai mangé ce midi avec des pois gourmands.

Le poisson : il est souvent simplement cuisiné, sans apprêt. Au cours bouillon, comme dans la cuisine cantonaise traditionnelle, les poissons blancs sont parfumés, ont un petit goût comme les poissons de rivière chez nous. C’est souvent du poisson d’élevage qui provient de ces étangs qui voisinent les rizières, que l’on voit au bord de toutes les routes. On en sert aussi, des sardines et maquereaux par exemple, juste grillés au four ou au feu.

Les desserts : souvent à la vapeur, à base de fruits. Je n’en ai pas mangé souvent, au restaurant je n’ai pas l’impression que les Chinois prennent tellement de desserts.

Les boissons : l’eau n’est pas potable (même si certains chinois la boivent), mais il existe de très nombreuses eaux de source. Sinon, on trouve aussi tout un tas de boissons bizarres au goût plus que chimique, du genre boisson pour sportif ou yaourts liquides aromatisés. A part ça, le restaurant et particulièrement si vous êtes invités par des Chinois, est souvent un prétexte à beuverie générale avec vin, alcool de riz et bière. (Je n’aurai pas eu l’occasion de voir ça.) Mention spéciale au très bon jus de prune qui parvient à aligner 50% de sucre de plus qu’un Coca.

Qu’on se rassure, la cantine du site n’est pas étoilée au Michelin, on est plus proche du resto U. La viande est grasse, coupée en morceaux mais avec tous les os (que les Chinois recrachent) et le poisson est plein d’arêtes, servi entier ou en morceaux. Gare au piment, aussi, il se cache partout où on ne l’attend pas.

Mercredi 22 août

Les quelques Chinois dont nous sommes proches avec mes collègues ont le cœur sur la main. Après une soirée de mah-jong, elles virent arriver le lendemain matin leur hôte avec deux petits jeux de mahjong qui leur étaient destinés. Nous avons également, avec un canadien, bien sympathisé avec une jeune professeur de chinois. Hier soir, nous avons eu la surprise de la voir arriver avec deux petits marque-pages métalliques, un pour chacun.

Jeudi 23 août

De très nombreuses langues sont parlées en Chine. Si le mandarin est compris et parlé par une majorité de la population, les différentes régions ont gardé leurs langues. Il semble étonnant, pour un pays qu’on dirait unifié depuis des millénaires par les dynasties d’empereurs qui se sont succédé, pays qui a au cours du temps connu peu ou prou la même extension territoriale, qu’aient apparemment toujours existé ces nombreuses langues. Est-ce à dire que l’Italie, unifiée il y a 150 ans seulement, où les langues régionales sont toujours beaucoup parlées (à la différence de la France), aura réussi dans mille ans à conserver toutes ses langues comme il semble que la Chine y parvint ? Probablement l’enseignement du mandarin en Chine a dû et doit encore permettre la survivance de toutes les langues locales. A la différence de l’enseignement du français, qui depuis le XIXe siècle a progressivement écrasé les parlers régionaux. Quoiqu’il en soit, ma connaissance de l’histoire et de la Chine est trop superficielle pour que je puisse tenter de m’expliquer plus en détail ces questions.

Ce qui est sûr, c’est que les langues locales sont parlées en priorité par rapport au mandarin. Ici, dans la province du Guangdong, on parle surtout le cantonais (qui est parlé également à Hong-Kong). A Taishan, on parle le taishanais. Il est facile d’entendre la différence : si le mandarin parait asséné, net, bien découpé à l’oreille, le cantonais est plus arrondi, moins anguleux, avec plus de b, de g et de w, moins de ch et plus de j. A un niveau plus local on croit entendre, dans les différences entre taishanais et cantonais, les différences qu’il y aurait entre le français d’un journaliste de télévision et l’occitan d’un vieux paysan des Cévennes. C’est l’idée très subjective que je m’en fais, en tout cas on m’assure que mandarin, cantonais et taishanais n’ont rien à voir.

Rien à voir, sauf les sinogrammes, qui servent à écrire toutes les langues parlées en Chine. Enfin, pas exactement, puisque une des premières mesures de Mao a été de simplifier des centaines de sinogrammes afin que le mandarin soit plus aisé à écrire, et s’apprenne plus facilement. Le cantonais utilise encore les sinogrammes traditionnels, plus complexes et plus riches. Un hong-kongais vous dirait d’ailleurs la nécessité de l’utilisation des sinogrammes traditionnels, parce qu’ils conservent à la différence des sinogrammes simplifiés tout le sens que les siècles d’évolution ont placé dans la graphie de ces signes.

Jeudi 23 août, 23h21

Oui, j’ai chanté (enfin…) les Beatles et Ricky Martin au karaoké, mais non, vous n’avez rien raté.

samedi 18 août 2012

Brèves d'une mission en Chine - 8

Vendredi 17 août

Les missions à l’étranger et certainement l’expatriation, dans le cadre de grands projets, ont l’avantage de permettre de nombreuses rencontres. Les occidentaux ici ont tendance à vite se retrouver pour les repas et en dehors du travail. Nous voyons également les Chinois avec qui nous sommes en contact quotidien. Oh, je sais bien que sur l’ensemble je ne garderai que trois ou quatre adresses mail ou numéros de téléphone, et que je ne garderai un contact qu’avec une ou deux personnes  — peut-être avec aucune. Mais sur place au moins discuter, passer du temps avec un Canadien, un Estonien, un Parisien de Vincennes qui voyage dans tous les pays d’Asie possibles et bien sûr avec quelques Chinois presque tous originaires de Taishan, à quelques kilomètres de là, cela change. La différence aère et vivifie.

Samedi 18 août

Quelques petites choses, et tout va mieux.

Apprenez un peu de chinois. Cela peut paraître évident, mais le fait est que quelques mots et expressions basiques dans votre bagage permettent d’éclairer les visages et de créer une très bonne relation. Les Chinois savent que pour les occidentaux leur langue n’est pas simple à prononcer ; ils savent aussi que malgré tout les sinisants sont peu nombreux. Alors, dès qu’un petit effort se fait entendre…

Si un Chinois vous propose quelque chose à manger ou à boire, ne refusez pas. Même si c’est un bonbon qui vous parait douteux, mangez-le et refusez le suivant si vous n’avez pas aimé. Refuser d’emblée est très impoli.

Ne jouez pas avec les baguettes. Notamment, ne les plantez pas dans la nourriture car c’est un symbole de mort. Les Chinois ont mis quelques milliers d’années à simplifier leur couvert et son usage jusqu’à l’épure, c’est donc une bonne raison pour ne pas jouer avec.

Négociez les prix. Pas dans un supermarché, ni dans un hôtel à l’occidentale ou dans un magasin qui a pignon sur rue (encore que…). Mais dans la rue, pour prendre un taxi ou au marché, si vous ne négociez pas votre vis-à-vis vous considérera comme le dernier des gogos.

Donnez un papier, un objet, n’importe quoi avec les deux mains. C’est un signe que le don ou la transmission est franche, totale.

mercredi 15 août 2012

Brèves d'une mission en Chine - 6

Mercredi 15 août

Depuis la base-vie ou le site du chantier, je peux me rendre en bus dans les grandes (Taishan, Shenzhen, Canton, Zhuhai) et petites villes (Qintou, Tongou) les plus proches. Je peux également demander un taxi qui me conduira où je souhaite pour un prix très avantageux, mais le retour n'est pas forcément assuré... En gros, je peux aller n'importe où ou presque dans un rayon de quatre heures de route. La contrepartie est la dépendance à un horaire ; de même, le matin et le soir pour aller travailler, les horaires de bus sont stricts : 7h30-7h40 et 17h40-18h, et les Chinois sont ponctuels. Je ne peux pas faire autrement, sauf à emprunter un petit sentier de montagne pour une heure de marche. Il faut dire aussi qu'à moins de repasser son permis de conduire en Chine, un étranger ne peux pas conduire ici. Il faut pour cela parler très bien parler chinois, les épreuves n'étant pas bilingues... Très peu de non-Chinois ont donc le supplément de liberté apporté par une voiture.

D'une façon similaire, la quantité impressionnante d'activités à disposition ne masque pas la contrainte, qui doit être pesante si l'on reste plusieurs mois, de devoir s'y adonner sur place, comme en vase clos.

Autrement, ce serait l'occasion où jamais de lire tout Balzac.

Brèves d'une mission en Chine - 5

Lundi 13 août

La base-vie est donc une ville de 20 000 personnes. On ne s'en rend absolument pas compte, parce que si les expatriés ou les gens en mission comme moi ont droit à un petit appartement, les Chinois eux, y compris les ingénieurs, partagent une chambre à plusieurs. En sorte de compensation, de très nombreux équipements sont présents sur place. Gymnase, courts de tennis, terrains de football et basket-ball, piscine de 50m, salle de musculation, école, restaurant, supermarché, clinique, karaoké (c'est un loisir national en Chine)... il y a également une bibliothèque constituée par les expatriés ; je ne l'ai pas vue mais je suppose qu'elle doit être assez cosmopolite.

Mardi 14 août, 14h19

Je surprends mon plus proche voisin en train de piquer du nez... Les Chinois paraissent continuellement fatigués. Beaucoup dorment dès que l'occasion se présente, dans le car, le vendeur devant son étal de pastèques ; la sieste est de rigueur pour une grosse heure pendant la pause repas. Le repas du soir est pris tôt, autour de 18h (les restaurants ouvrent usuellement à 17h30), pour laisser le temps de faire une sieste avant de ressortir dans la soirée faire du sport ou une autre activité.

lundi 13 août 2012

Brèves d'une mission en Chine - 4

Vendredi 10 août - Dimanche 12 août : un week-end à Hong Kong

Une des difficultés du quotidien ici est justement de s'en échapper, j'y reviendrai. Par exemple, il n'est pas si simple d'aller à Hong Kong, alors que la ville est à vol d'oiseau assez proche d'où je me trouve.

Vendredi 10 août, 14h : départ pour Shenzhen

Il nous aura fallu près de quatre heures pour arriver à cette ville nouvelle, frontalière de Hong Kong, que la Chine essaie de développer pour en faire une rivale de sa voisine. Développement urbain et économique surhumains sont le lot de cette conurbation tentaculaire, qui n'a par ailleurs (m'a-t-on dit) que peu d'attrait touristique. Après manger, on aura tourné énormément pour trouver un bar avec de la musique traditionnelle cantonaise, sans succès. Las, nous avons fini par planter l'accompagnateur (qui se trouve aussi être notre supervisor à tous...) pour aller dormir.

Samedi 11 août, 7h, poste de frontière de Luohu

Pour qu'il n'y ait pas trop de monde, on passe la frontière tôt. Après avoir regardé mon passeport et son écran, la jeune fille me lance dans un français parfait : Mais vous êtes lyonnais ! et nous discutons deux minutes ; elle avait fait des études à Lyon. Trois quarts d'heure de métro plus tard, nous sommes à Kow Loon, le quartier qui fait face à l'île de Hong Kong Central. Ce qui frappe, c'est le monde dans les rues. La nuit, ce seront les lumières (des enseignes, des tours) et le bruit qui ne s'arrête jamais. Nous posons tout à l'hôtel pour filer à Lantau, l'île de l'aéroport. Elle est encore très différente, majoritairement sauvage, et comprend un monastère bouddhiste et une grande statue de Bouddha. C'est assez loin, mais le trajet en télécabine est très agréable et on ne s'imaginerait pas trouver un tel lieu de paix à Hong Kong. Il faut dire que sur 260 îles, il peut bien en rester quelques unes où la nature a encore tous ses droits...

14h, Central Hong Kong

De retour in media res. Balade entre les buildings des banques et des grandes entreprises internationales, hésitation devant la file d'attente pour prendre le funiculaire qui conduit au Victoria Peak. Vu le brouillard et la file d'attente, nous n'y monterons pas ; même si c'est l'attraction n°1 de la ville, je ne vois pas l’intérêt d'une vue panoramique la tête dans les nuages. Même dans ce coin le plus occidental, la culture chinoise est partout : restaurants, petits magasins, métiers traditionnels... le contraste est saisissant.

17h, Kow Loon

De nombreux ferries croisent entre les îles de Hong Kong ; le plus emprunté relie les quelques centaines de mètres séparant Central et Kow Loon. Je prends quelques photos du spectaculaire alignement de buildings, puis on retourne à l'hôtel après un tour dans Kow Loon où s'étalent pêle-mêle bijouteries de luxe, magasins d'électronique de contrefaçon, restaurants de toutes nationalités, par centaines. Je profite d'une pause pour voir Matthew Mitcham et Thomas Daley au plongeon de 10 mètres, et l'on ressort après diner vers un marché de nuit, en passant par deux grands parcs. Retour autour de minuit où magasins et parcs sont toujours ouverts, avec un stop dans un bar très connu et bondé où des groupes de jazz mettent l'ambiance.

Dimanche 12 août, 9h

La chambre d'hôtel que je partage avec ma collègue est typique d'une chambre Hongkongaise bien et pas chère : tout le confort moderne, classe même, mais minuscule. Nous ne pouvons pas nous tenir à deux debout et fermer la porte ! A peine 6 m² de surface, je pense. Et pour y parvenir, nous sommes montés à la réception haut perchée dans un immeuble à l'entrée glauque, pour trouver notre chambre trois tours plus loin (à l'entrée encore plus miteuse). Nous sortons vers 10h faire un deuxième marché, qui comme le précédent est un immense marché à touristes qui m'a fait penser toutes proportions gardées à nos "marchés de Noël", où tous les commerçants vendent la même chose. Dernier coup d'oeil à la vista sur les gratte-ciel, en repassant dans tout Kow Loon, et il est temps de partir prendre le ferry vers Zhuhai, en Chine.

13h30, départ

1h30 de ferry et deux bonnes heures de route plus tard, et je suis de retour à la base-vie.

Hong Kong est une des villes les plus denses du monde, dans laquelle la tension entre l'occident et la Chine est permanente : même si l'Angleterre (les bus, les marques au sol, certains magasins, les hôtels de style colonial) est présente par petites touches, Hong Kong est très chinoise. Les Hongkongais parlent cantonais, et à part une minorité de businessmen très riches toute la population est modeste voire pauvre, et habite les quartiers populaires. Et tout ce petit monde semble vivre à toute allure...

vendredi 10 août 2012

Brèves d'une mission en Chine - 3

Jeudi 9 août

Qintou : 5000 habitants (?)

Base-vie : 20 000 habitants

Taishan : 200 000 habitants

Hong Kong : 7 000 000 habitants (j'y vais pour le week-end)

Canton : 12 700 000 habitants

 

jeudi 9 août 2012

Brèves d'une mission en Chine - 2

Mardi 7 août

Ici, les routes sont balayées. En venant, j'ai même pris une autoroute en train de l'être. Des gens passent leurs journées à cette activité, et ne paraissent pas plus malheureux que ceux qui erraient dimanche dans le village de Qintou, cherchant le chaland pour vendre leurs charrettes de fruits. Seulement... la poussière, le sable sont enlevés pour un instant : quelques secondes après le passage d'un camion, tout est à refaire. Et comme il pleut un jour sur deux, de la terre, des branchages, des gravats reviennent rapidement sur les routes.

Il faut sûrement se considérer bien privilégié de travailler sur des sujets intellectuellement intéressants, mais aussi croire que les balayeurs de Chine sont heureux dans leur tâche de Sisyphe.

Mercredi 8 août

Mon badge comprend une carte à puce. Avec, je peux acheter les produits à la supérette de la base-vie, manger à la cantine, mais également prendre le bus pour aller à Shenzhen, Canton, ou plus près. Des bus au départ de Canton arrivent jusqu'au tout petit village de l'autre côté du tunnel, à quelques kilomètres d'ici. C'est un peu comme s'il y avait tous les jours un bus direct Paris - Candé-sur-Beuvron, je trouve cela fascinant. On a l'impression que l'organisation à la chinoise n'a pas de limite.

mardi 7 août 2012

Brèves d'une mission en Chine - 1

Samedi 4 août, départ

Les petits matins de départ, je suis vide. Je ne parviens pas à m'exciter, à m'imaginer ce qui peut m'attendre, à me projeter dans quoi que ce soit. Ni à délaisser le quotidien. Les dehors de la ville sont plus endormis que moi ; je vagabonde par la pensée dans les rues des bords de la voie de tram tandis que les maisons bariolées passent muettes, comme les jetons d'un Monopoly grandeur nature. J'attends Meyzieu à partir d'où, pour cinq minutes finales, le tram aura définitivement rompu avec la ville pour ne plus viser que le clocher du petit village de Satolas, toujours aussi radieux dans le soleil levant.

Terminal 2E portes L, Roissy - Charles de Gaulle

Deux jeunes enfants sont assis devant un piano droit apparemment à disposition des passagers en attente. Ils jouent une bluette enfantine à quatre mains, encore et encore, en accrochant. Au bout de quelques minutes que je les regarde, une dame se lève. Je crois comprendre qu'elle leur signifie que l'étude est terminée, qu'ils peuvent aller jouer. Elle rêvasse un instant, à regarder les avions. Elle attend on ne sait quoi devant les grandes baies vitrées, la main à plat sur le piano. Elle se décide et prend le siège face à l'instrument pour se mettre à jouer une petite pièce, probablement une des Romances sans paroles de Mendelssohn. Parfaite adéquation au calme des lieux.

Dimanche 5 août

Le petit village le plus proche de la base vie, Qintou, est très, très sale. Les rues sont puantes, les détritus sont partout sur les bas-côtés. Beaucoup de Chinois marchent pieds nus.

Lundi 6 août

La chaleur est pesante ; il pleut, le taux d'humidité dans l'air dépasse les 90%. Je mets un pied hors de la chambre, j'attends quelques secondes : j'ai le visage ruisselant. On m'avait prévenu, mais c'est assez surprenant. J'allais découvrir plus tard qu'aller sur le chantier habillé de pied en cap avec tenue, casque, gants, lunettes, devait confiner au sauna.

Brèves d'une mission en Chine - prélude

Trois semaines en Chine sont bien insuffisantes pour prétendre dire quoi que ce soit de très construit, de très développé ou fouillé sur un tel pays. Il n'empêche que c'est un laps de temps suffisant pour voir des tas de choses ! Selon un mode impromptu, je posterai ici dans les jours à venir quelques nouvelles ou réflexions diverses en passant, sans aucune prétention. Car si facebook, twitter ou même la messagerie de free sont inaccessibles depuis la Chine, il se trouve que les blogs hébergés par free ont la chance de l'être : profitons-en.

samedi 14 juillet 2012

Rediffusion : 14 juillet outre-Quiévrain

Le week-end du 14 juillet 2011, Fabrice venait faire un tour à Evere, en Belgique, et plus si affinités.

Le 14, pluie en hallebardes le matin. On s'était dit qu'on passerait voir le cimetière de Bruxelles, on a hésité, on s'est fait rincer. Petit avantage, le vert des pelouses n'avait peut-être jamais été aussi profond, et le lieu était vide. Le parc est magnifique, comme je le soupçonnais : les arbres sont majestueux, il doit faire très frais sous les voûtes les jours de chaleur. Les allées sont toutes courbes, les pelouses reposantes, les parterres colorés. On en oublie les quelques tombes. Je n'ai pas vu d'horticulteurs, pourtant, on taille les arbres en voûte sous la pluie : elle fait ployer les branchages, ce qui permet de ne pas avoir à monter trop haut ; et lorsque le soleil revient la voûte se reforme. (C'est du moins comme ça que procédait le père de Fabrice, quand il était jeune et qu'il taillait l'allée de tilleuls de l'abbaye de Noirlac.) Après deux heures de bonne drache, direction la basilique de Koekelberg. Un peu l'équivalent de Saint-Paul en Angleterre, c'est aussi une des plus grandes églises du monde. Toute briques à l'extérieur, Art déco. Dedans c'est jaune et aseptisé comme dans un hôpital, ça tient aussi du centre de conférences. Drôle de mélange pour une atmosphère très particulière. Aller et retour par la grande avenue Léopold, bordée de maisons Art nouveau.

Le 15, direction l'Atomium (20 minutes en tram depuis l'appartement que j'occupais, c'était une bonne surprise) puis parc de Laeken : serres royales, pavillon chinois, tour japonaise. On a sûrement mal joué, le parc avait l'air joli mais entrecoupé de routes, du coup on n'est pas resté longtemps. L'Atomium, gadget rigolo, valait le coup d'être vu ; pas grand chose à en dire de plus.

Le 16, on a pris le train vers Anvers, en Flandre. Passage par Malines qui a l'air bien jolie. Anvers est venteuse, pas loin de la mer à l'embouchure de l'Escaut. Plus de maisons à pignon qu'à Bruxelles comme on peut s'y attendre, puisqu'on se rapproche des Pays-Bas. La gare est fabuleuse, sur trois niveaux. Je n'ai toujours pas compris comment les trains peuvent rejoindre les voies à la sortie de la gare... La cathédrale aussi, de style gothique brabançon comme l'hôtel de ville de Bruxelles. D'autres églises et maisons de maître (comme on dit en Belgique), et autres beaux monuments se trouvent sur le chemin des quartiers du centre. Une demi journée permet d'en faire le tour, qui le mérite.

Le 17, un tour dans le centre de Bruxelles puis dans le Sablon, et dans les Marolles jusqu'à Bruxelles-Midi et la fête foraine partout autour de la gare. Quatre heures plus tard Fabrice était à Lyon. Ce dimanche soir, malheureux hères dans nos appartements vides chacun de notre côté, nous ne devions penser qu'à n'être plus jamais séparés trop longtemps. La morosité hebdomadaire prenait déjà le pas sur les quelques jours précédents.

La semaine suivante, ambiance de vacances en Belgique. Seul de mon groupe de travail présent dans les bureaux, ce fut calme. Le jeudi soir qui a suivi, je sortis tôt pour un début de soirée culturelle : j'achetai deux livres galerie des princes, commandai des places gratuites pour le musée Magritte (rénové avec un peu de mécénat GDF Suez), allai voir l'expo Jeff Wall au Bozar et entendis malgré moi une bonne partie de la Flute Enchantée qui passait à la taverne où j'ai dîné. Le meilleur de l'expo Jeff Wall ? les photos de Walker Evans et Wols, celles de Roy Arden, qui ont influencé Jeff Wall. Ah, je serai bien reparti avec une superbe meule de foin d'Eugène Atget, mais bon, la sécurité, les alarmes, tout ça. Allez-y, rien que le bâtiment de Horta vaut le détour.

Eh non, pour répondre à la question en forme de pari que je me posais alors, Fabrice et moi n'avons pas encore lu les plus de 70 romans de Simenon dans lesquels Maigret apparaît. J'évoquais Le Chien Jaune, dont j'aurais juré que Fabrice avait admirablement parlé dans un billet que je ne parviens pas à retrouver, et je pensais déjà à ces vacances anglaises où Oxford, Auden, Londres et Lodge voisinaient...

jeudi 19 avril 2012

Marseille - Lyon (19h44 - 21h24)

Elles sont entrées dans la voiture en gloussant, elles se sont assises, elles ont regardé le paysage, elles ont discuté, elles ont lu, elles ont mangé, elles ont entamé une pomme granny smith (chacune).

Elles ont discuté, elles ont gloussé (doucement), elles ont lu, elles ont regardé le paysage, elles se sont assoupies, elles avaient une petite vingtaine d'années, elles étaient jolies.

Elles se sont réveillées, elles se sont regardées, elles sont restées muettes, elles ont fini leur pomme, elles ont lu, elles ont gloussé (presque en chuchotant).

L'une a pris son manteau pour se mettre dessous ; elles se sont souri, elles se sont enlacées, elles se sont rendormies.

samedi 24 mars 2012

Litanie de nos villes

Square Conchon-Quinette ;

Rue des Quatre Chapeaux ;

Passerelle de la Grange-aux-Belles ;

Rue des Gras ;

Rue de la Brèche-aux-Loups ;

Montée des Carmes Déchaussées ;

Rue Tiquetonne ;

Rue des Sept Arpents ;

Pont des Trois Pierrots ;

Rue des Filles du Calvaire ;

Rue de la Petite Truanderie ;

Quai Malaquais ;

Rue des Fossés Louis VIII ;

Rue du Bât-d'Argent ;

Rue Moyenne ;

Boulevard de Bonne-Nouvelle.

mercredi 29 février 2012

Music for a while

On aime le Royaume-Uni pour ses habitants, sa verdure, ses écrivains comiques ou satyriques ; pour les musées londoniens, pour la musique. La musique classique britannique est assez peu connue en France. Il faut dire qu’on y fait la part belle aux compositeurs nationaux, les Berlioz, Ravel et Debussy dont presque toutes les œuvres sont jouées encore aujourd’hui. Les Russes sont eux aussi beaucoup joués en France, depuis le début du XXe siècle, après que Debussy revint de sa jeunesse en Russie, que Ravel a puisé chez Rimski-Korsakov son talent d’orchestrateur incomparable, que Stravinsky est venu vivre à Paris dans les années 1920—1930, et que Diaghilev y a monté ses plus grands ballets : L’Oiseau de feu, Le Sacre du printemps, (musiques de Stravinsky), Daphnis et Chloé (musique de Ravel), Le Tricorne (musique de Falla)… Enfin, la musique de nos voisins d’Allemagne, d’Autriche, de République tchèque ou de Hongrie a elle aussi les faveurs des salles de concert en France. Regardez les programmes : les symphonies de Beethoven, Brahms, Mahler, les opéras de Janacek ou le piano de Liszt, ils sont partout.

La musique britannique, comme les musiques de la Scandinavie ou de l’Asie, est quasi-absente des scènes de France. On entend parfois quelques opéras de Purcell (1659—1695) ou de Britten (1913—1976), quelques pages orchestrales comme les Marches de pompe et circonstance d’Elgar (1857—1934) ou les Planètes de Holst (1874—1934), mais c’est à peu près tout. On peut pourtant y trouver des merveilles, il suffit de s’y plonger.

Depuis le Moyen-Age où l’on écrit de la musique, la musique britannique a grosso modo connu deux périodes fastes : le pré-baroque et le baroque (d’environ 1500 à 1700), et une période moderne (de la fin du XIXe siècle à nos jours). Entre 1700 et 1875, soit près de deux siècles, on ne trouve pas un seul compositeur britannique d’envergure, tout juste quelques petits maîtres (et j’ai du mal à en recenser, encore) : Arne (1710—1778), dont on ne connaît plus que le Rule, Britannia! ; Stanford (1852—1924), qui a notamment écrit quelques symphonies de bonne facture ; Parry (1848—1918), que le Prince Charles cite comme un de ses favoris ou en tout cas comme un compositeur négligé. Parry est en effet tombé dans un oubli total, y compris outre-Manche ; il me semble que c’est justice.

Le Royaume-Uni a connu d’immenses compositeurs au XXe siècle. Deux géants se détachent : Vaughan Williams (1872—1958) et Britten. L’un a composé beaucoup de musique orchestrale (de grandes pièces, dont dix symphonies), l’autre une vingtaine d’opéra tous encore joués régulièrement dans les maisons d’opéra du monde entier.

De l’autre côté du panorama, des compositeurs plus anciens. Les Britanniques étaient reconnus alors pour trois genres au moins : la musique vocale, la musique de clavier des virginalistes, et le consort de violes.

Tous les grands compositeurs britanniques de la période 1500—1700 ou presque, qu’ils aient été catholiques ou anglicans, ont écrit pour la voix : œuvres religieuses, grandes messes, songs. Les Tallis (1505—1585), Byrd (1543—1623), Gibbons (1583—1625) ou Sheppard (1515—1560) n’ont rien à envier à leurs contemporains du continent. Le virginal (on parle de clavecin sur le continent) a eu les faveurs de très nombreux compositeurs autour de 1570—1620, dont ceux cités, à tel point qu’à cette période la qualité et la quantité des œuvres produites fait du Royaume-Uni l’un des pôles de l’essor de la musique de clavier européenne avec l’Italie. Il faut attendre près d’un siècle de plus pour constater le même développement en France et en Allemagne. Enfin, nos voisins étaient les maîtres incontestés du consort (ensemble) de violes. Ils en ont écrit des centaines avant que la viole passe de mode et s’efface devant le violoncelle autour de 1700 ; et c’est une chose magnifique, le consort de violes. Ces morceaux pour trois, quatre, cinq ou six violes le plus souvent, dont la polyphonie alliée à la douceur, au velouté propre à l’instrument leur confère une grande richesse et une plénitude sonore, sont rarement joués. Pourtant, les compositeurs qui en ont écrit sont très nombreux et restent encore connus aujourd'hui (et sont malgré tout beaucoup plus joués que Parry...). Rendez-nous les perles pour la viole de Byrd, Purcell, Jenkins (1592—1678), Holborne (1545—1602) et autres Dowland (1563—1626) ! On voit paraître un disque de temps en temps, mais l’anthologie réalisée par Jordi Savall dans les années 1980-1990 attend toujours d'être étoffée par ses successeurs.

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