mercredi 18 mai 2011

Journalisme de l'extrême

Immenses sont les ténèbres qui nous entourent. On comprend l'univers comme on avance dans une caverne : l'obscurité devant nous s'éclaircit à peine que des ombres plus noires encore s'amassent derrière elle ; on se retourne et le chemin que l'on croyait connaître a disparu. Alors, pour se rassurer, l'homme laisse de loin en loin un brasero, une connaissance brute, violente, sauvage, mais qui suffit à réchauffer l'esprit qui s'égare.

Ces vérités nous viennent d'une ère lointaine, où les hommes habitaient justement les cavernes. La vie était précaire : il ne s'agissait pas tant de savoir que de savoir-vivre — de savoir-survivre. Il ne faut pas toucher le feu, il ne faut pas entrer dans la grotte de l'ours, il ne faut pas traverser devant le mammouth, la femme de ton voisin tu ne convoiteras pas, il ne faut pas mettre les doigts dans la prise, il ne faut pas mettre les couverts dans le micro-ondes, il ne faut pas dire malgré que.

On apprend ces vérités tout gamin, en même temps qu'on apprend à ne pas les questionner. Mais, comme l'enfant arrête un jour de croire que les parents ont toujours raison, l'homme commence à douter et veut savoir de lui-même.

Voilà la noble tâche à laquelle je m'engage aujourd'hui : essayer et dire. Braver les interdits les plus anciens et vous rapporter, lecteur, les enseignements de mon audace. Attendez-vous à voir tomber devant vos yeux les hauts murs de la superstition, contemplez l'immensité du savoir, marchez vers l'horizon de la connaissance !

J'ai commencé dès ce soir et je puis désormais vous le dire : on peut ne pas obéir aux étiquettes ! On peut laver ses vêtements à 90°C sans qu'ils semblent rétrécir. Les étiquettes mentent !

(Ou bien c'est au séchage que se produit la contraction et j'aurai l'air très sot, demain matin, pour enfiler mon caleçon.)

mercredi 9 mars 2011

Fable

Jeunes et beaux, voulurent aller
À l'aventure deux jeunes gens,
Lui grand, viril, elle poitrinée,
Tous deux sans argent.


Un stratagème, ils conçurent
Pour espérer voyager.
Par qui leur prêtait sa voiture
Ils se laissaient déshabiller.


À chaque étape, son vêtement :
Un voile à Tulle ; un vison à Versailles ;
À Nîmes, un jean ; à Gand des gants ;
Par un grand froid, un chandail.


Nos charmes, se disaient-ils,
Franchiront tous les ponts.

Ils ne se faisaient pas de bile
Et comptaient voir le Japon.

Pourtant, leur beauté passa
Plus vite qu'on ne l'eût cru.
Loin du Japon, hélas !
Abou Dabi : ils finirent nus.

vendredi 21 janvier 2011

Demain est un autre jour

Une nouveauté qui sonne comme un adieu : je viens d'entendre la cent-quatrième symphonie de Haydn, dite London, par Antal Dorati. Je la connaissais déjà, par ailleurs et par d'autres. La nouveauté, c'est que, cette fois-ci, j'ai entendu les cent-trois précédentes auparavant, par Dorati aussi. Après cette cent-quatrième, que restera-t-il ? La deuxième symphonie concertante et quelques versions alternatives, trois fois rien. Des souvenirs, assez brouillés : je confonds Marie-Thérèse et le Philosophe, l'Ours et la Poule, le Printemps et l'Été. Un vide.

Il y a quelques années déjà, j'avais lu la neuf-centième chronique de "la Montagne" de Vialatte. Il m'avait fallu trouver des produits de substitution : ses romans, ses Bananes de Königsberg, ses écrits sur l'astrologie... Un jour de rechute, je me suis même lancé dans sa correspondance avec Henri Pourrat. (J'en suis au quatrième tome.)

Le premier sommet escaladé est une folie ; mais les suivants : des nécessités. Sitôt passée la crête, on contemple la vallée, elle semble un précipice, il faut grimper de nouveau, grimper toujours pour ne pas y tomber. Je n'ose pas aborder Zola ou Balzac, comme un alpiniste suisse tremblerait devant l'Himalaya : s'il y va, en ressortira-t-il ?

Qu'écouterai-je demain ? Faisant fi de toute cohérence stylistique, je pense entendre les symphonies de Miaskovsky, une par une, jusqu'à la vingt-septième.

dimanche 17 octobre 2010

Plus forte que Duhamel

Si les chauffeurs routiers s'y mettent, ça va tout bloquer et, là, ça va enfin avancer, parce qu'on a beau manifester, rien n'avance, puisqu'ils ne veulent pas reculer, mais si les routiers bloquent tout, là, ça va avancer et ils vont reculer.

Ma maman, citée de mémoire.

dimanche 18 avril 2010

Rapprochement

Ben se dévoile en ce moment au Musée d'art contemporain de Lyon. (L'exposition s'intitule Streap tease intégral de Ben.) Y voyant un tableau où était écrit en noir, sur fond noir, j'aime le noir, j'aurais pu penser à Yasmina Réza et au tableau blanc, barré de blanc, avec un fin liseré blanc. J'y ai plutôt vu un pastiche de Pierre Soulages et de ses tableaux où le noir vibre, barbouille et éblouit. Et, plus surprenant, je me suis souvenu d'Espagnagna, un morceau pour piano qui parodie España d'Emmanuel Chabrier en en reprenant le thème.

Qu'on me permette ce raccourci : Ben, c'est Erik Satie qui écrirait au mur.

samedi 9 janvier 2010

D'un vice à l'autre

Écrire un blog, c'est très exactement comme arrêter de fumer. On s'y jette plein d'espoir lorsqu'une nouvelle année approche que l'on veut traverser la tête haute. Les premiers jours sont exaltants mais, très vite, les tentations deviennent trop fortes. Un jour, on craque : on a une idée de billet, mais il y a Nicky Larson à la télévision. Avec Jacky Chan. On se doute bien que ce n'est qu'un prétexte, que l'envie n'y est plus, mais on se jure que ce n'est l'affaire que d'un soir. On écrira ce billet le lendemain, ce n'est pas un drame. Le lendemain devient le surlendemain ; les jours deviennent des mois ; et le blog, une jachère. Les commentateurs qu'on aimait tant, malgré leurs smileys, ne s'arrêtent plus que de temps en temps pour déplorer le temps qui passe. Ils laissent quelques mots, comme des chrysanthèmes sur une tombe.

Pour éviter cela, le blogueur ruse, le blogueur s'amuse, le blogueur se force à ne pas s'ennuyer : tel écrit ses billets sur papier et publie les photos de sa graphomanie ; tel autre ouvre un blog, puis un autre, peut-être d'autres encore qu'il nous cacherait ; tel dernier semble avoir renoncé. La toile, qui n'oublie rien, persiste à ouvrir les portes de ces maisons ou personne n'entre plus.

Ce blog-ci va essayer de renaître, sous un nouveau nom et sous de nouvelles couleurs. Ether, c'était un joli nom (merci Pico de me l'avoir trouvé !), mais c'était un nom choisi par défaut. Comme la charte graphique, d'ailleurs : quand on ne pense pas rester dans une maison, on n'en change pas la tapisserie. Eh ! bien, faisons mentir l'entropie, forçons le destin : quelques heures de travail et la peinture est quasi fraîche, désormais. Il reste sans doute quelques finitions de-ci de-là pour qu'Internet Explorer se sente aussi chez lui.

Ayant désormais une idée assez claire de ce que ce blog peut être, je peux lui choisir un titre. Et une figure tutélaire, du même coup : Alexandre Vialatte avait son Grand Chosier, je m'en suis aménagé un petit. Un bric-à-brac de métaphores bancales, de rythmes ternaires et de brimborions. En noir sur blanc, avec des lettrines rouges.

Terry Pratchett dit que tout le monde veut avoir écrit. Le difficile étant d'écrire, tous les jours, un peu. Au travail, donc.

jeudi 7 janvier 2010

En attendant l'apocalypse...

Pour l'instant, tout va bien.

Pas le moindre flocon en vue, les rues sont praticables, à peine reste-t-il quelques centimètres des dernières intempéries sur les toits, sur les branches, dans les recoins. Il gèle, certes. Mais la nuit est encore noire. Pour combien de temps encore ? Bientôt, le ciel virera au jaune, à l'ocre, et l'asphalte au blanc. Entre les deux, de grosses peluches zigzagueront lentement. La neige, quand elle se décide à tomber, ne semble pas pressée : les flocons se baladent, virevoltent de-ci de-là, remontent tout à coup, comme sur un coup de tête, dans un coup de vent. Il fera jour, d'un jour en sépia : le sol, le ciel, l'entre-deux, tous diffuseront la lumière des lampadaires, des phares, des néons. Il y fera clair comme dans une orange quand le soleil tape sur l'arbre, quand ses rayons percent la peau du fruit et en réchauffent les quartiers. Du moins, le piéton l'imaginera-t-il ainsi en avançant voûté, arqué, par réflexe. Pour ne pas se faire mouiller, il baissera la tête ; pour ne rien manquer du spectacle, il la relèvera. À cette oscillation verticale, le verglas ajoutera son incertitude latérale. La ville sera alors un grand magasin de jouet où danseront les culbutos, une grande banquise que traverseront des manchots.

Je viens de vérifier à la fenêtre : tout va bien encore.

Pas le moindre manchot en vue, pas de lumière féérique, la ville n'est pas encore enfermée dans cette orange rêvée, comme un monument dans sa boule à neige. Pourtant, demain, la fenêtre sera aveugle. On l'ouvrira sur un mur d'un blanc bleuté qu'on tâtera sans y croire. La main s'y enfoncera, on l'en retirera bien vite par peur de l'engelure. On montera vers les étages supérieurs, pour trouver une sortie. Au quatrième, au cinquième peut-être, on atteindra enfin la lumière. Dehors, ce sera un désert blanc, des dunes glacées, de loin en loin une oasis de cheminées et d'antennes de télévision, regroupées comme pour se tenir chaud. Pas âme qui vive. Alors on organisera le siège : les réserves sont maigres, mais les chocolats restant de Noël nous tiendront le mois. S'il fait vraiment trop froid, on videra la bibliothèque, on sauvera les livres et on brûlera le bois. On se blottira sous la couette pour se tenir chaud, on n'osera pas bouger, on lira toute la journée en attendant le dégel.

Je viens de vérifier à nouveau : tout persiste à aller bien.

Il faudra sans doute aller travailler demain, finalement. En attendant la prochaine Apocalypse...

dimanche 3 janvier 2010

Marronnier

Surtout, ne pas donner de chiffre. Les chiffres peuvent se vérifier, ce qui complique tout, ensuite. Travailler plus pour gagner plus, parfait. Les chiffres sont de la responsabilité du travailleur, ensuite ; l'important était de donner le cap. Deux ans plus tard, le travailleur gagne sensiblement la même chose ? Mais on n'avait pas dit gagner beaucoup plus ! Et, d'abord, avez-vous vraiment travaillé beaucoup plus ? Hein ?

M'inspirant de cet exemple auguste, voici ma bonne résolution de l'année :

Ventre plat avant l'été.

Vous la reconnaissez peut-être, c'est la même que l'an dernier. Je l'ai économisée, elle n'est pas usée, elle peut resservir.

Ce que j'aime bien, chez elle, c'est la liberté qu'elle me laisse. Vous en trouverez peut-être, des fanfarons qui se fixent des objectifs ambitieux : perdre tant de kilogrammes en tant de mois. Très peu pour moi ! Vous verrez, en août. Tandis que leurs amis leur demanderont des comptes, exigeront des pesées publiques, voudront voir de leurs yeux le mieux promis, les miens n'auront rien à opposer à ma mauvaise foi. Mais si, regardez : si je lève les bras, si je retiens ma respiration, si je rentre mon ventre, on voit presque mes abdominaux ! Et mon visage prend une belle couleur bleutée qui me va bien au teint. Qu'ils doutent et je pourrai insister : je n'ai jamais dit à quelle platitude je compte parvenir, ni même d'ici quel été.

Trêve de bêtises : bonne année à mes trois lecteurs restants et rendez-vous en janvier prochain pour la réitération de ma résolution préférée.

vendredi 27 mars 2009

Aventure dans le corail

Ce billet mériterait presque une catégorie propre.

Lire la suite...

samedi 16 août 2008

Ligne éditoriale

Non.

Lire la suite...

mercredi 30 juillet 2008

Tadam !

Surtout, ne pas se faire remarquer. Avoir l'air innocent ; mieux : ne pas avoir d'air du tout ! Un retour en apnée, en somme. Les yeux qui jaunissent, le visage qui s'empourpre, les lèvres qui bleuissent : pour passer inaperçu, l'Auteur se déguise en arc-en-ciel. D'autant que l'apnée force la concision - qualité dont on a jamais trop. Un inconvénient, cependant : les auteurs apnéiques sont rarement prolixes. Surtout sur la fin.

(Tandis que les auteurs acnéiques, eux, suintent à pleins pores de la poésie dégoulinante d'adolescents frustrés. De la très haute importance des consonnes sur le destin des hommes.)

Evitons l'apnée, donc. Revenons-en aux bonnes vieilles méthodes : pour ne pas nous faire remarquer, écrivons les mains croisées derrière le dos, en faisant nonchalamment les cent pas, en regardant le ciel d'un air absorbé, en sifflottant le thème du Pont de la rivière Kwaï.

Avec tout cela, ce sera bien le diable si quiconque remarque que je suis revenu...

mardi 13 mars 2007

Mode d'emploi

À défaut de savoir ce qu'on fait après, je sais comment on fait :

Pas besoin de rendez-vous : quand vous avez toutes les pièces, vous vous présentez au Tribunal d'Instance - vous connaissez l'adresse ? alors vous vous présentez au Tribunal d'Instance - c'est dans le Nouveau Palais de Justice, vous voyez ? Vous allez à l'accueil, vous demandez le bureau 19. Là, vous allez au bureau 19... Du lundi au vendredi, de 9h à 11h30... Vous allez au bureau 19, mais seulement le matin, hein ! Vous allez au bureau 19, et hop ! on vous pacse.

La dame, au téléphone, avait l'air très gentille. Je l'aurais préférée froide et renfrognée : je ne peux m'empêcher de penser qu'il manque à tout ceci un peu de solennité...

dimanche 4 mars 2007

Déclin d'Empire et autres considérations

Où l'on renoue avec le billet très nocturne.

Lire la suite...

vendredi 1 septembre 2006

Ooops

Contient 143% de vos apports journaliers recommandés en petitesse.

Lire la suite...

mardi 29 août 2006

Transports en commun

Transport, n.m. [...] Fig. Mouvement de passion violent qui nous met hors de nous-mêmes. (Nouveau Littré)

Lire la suite...

mercredi 21 juin 2006

Suggestion

Je viens d'entendre un bœuf du Big-Band de la Région Terre-Sud-Est.

Ce sont des militaires. De l'Armée de terre. Et du Sud-Est, donc. Au répertoire varié, tendance variété sevranaises : Dalida, le Gendarme de Saint-Tropez et Luis Mariano. Ça swingue, les vieilles dames se trémoussent et gigottent, les vieux messieurs s'encanaillent. On enlèvera demain du bitume les traces de pneu des déambulateurs. Finalement arrive le final : une révélation ! Le Big-Band de la Région Terre-Sud-Est, ce sont des gens en uniforme marron qui, gaiment, jouent YMCA !

D'où une suggestion : pourquoi ne les inviterait-on pas, l'an prochain, à ouvrir le cortège de la Gay-Pride ? Après tout, défiler sur des chars, ce doit être dans leurs cordes...

samedi 3 juin 2006

Girafe à vendre

Packet cadeau laissé à la charge du client.

Lire la suite...

samedi 13 mai 2006

Courriers piégés

Partir en week-end, en amoureux, sans en parler ou presque, sans avertir quiconque. Filer vers la Provence, s'aimer tranquillement, regarder ensemble dans la même direction :

  • Tu es trop mignon.
  • Toi aussi, mais regarde la route, mon ange.
Visiter des citadelles, photographier des églises, flâner dans des ruelles.

Envoyer des cartes postales aux amis qui sont en vacances.

Attendre. Savourer l'attente. Recevoir le SMS des premiers à recevoir la carte : ils n'en ont pas envoyé, eux ! Entretenir leur sentiment de culpabilité, avertir le monde, entendre les claquements de dents des vacanciers oublieux. Qui recevra un courier piégé, farci de honte, de reproche et d'opprobre ?

Sourir niaisement, se satisfaire de son machiavélisme, penser à conquérir le monde.

vendredi 12 mai 2006

Envoyé les comment (lol)

Contrairement à ce qu'on pourrait croire, si j'ai un peu délaissé ce blog, ce n'est pas pour en créer un autre.

mercredi 26 avril 2006

Teasing...

Une vieille dame verte, des anecdotes bosniaques, Nebuchazar... Bientôt, sur Ether.

- page 2 de 7 -