mardi 29 novembre 2016

Les six symphonies de Tchaïkovski

 

 Pouet !

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vendredi 4 décembre 2015

Le musée gallo-romain de Lyon

Un autre musée, une autre architecture.

Situé sur la colline de Fourvière, en grande partie enterré près des théâtres antiques, se trouve le musée de la civilisation gallo-romaine de Lyon. Le prétexte de notre visite d’il y a quelques semaines était une exposition temporaire consacrée à l’architecte du musée Bernard Zehrfuss (1911-1996), pour les 40 ans de l’ouverture du musée.

Les collections principales m’ont agréablement surpris. Les pièces exposées sont variées : vaisselle, bijoux, statues, morceaux d’habitations ou de monuments, mosaïques. Les mosaïques sont magnifiques ; l’ensemble est bien conservé et bien présenté. Un collègue m’avait parlé de la relative pauvreté des collections, je ne suis vraiment pas d’accord. Il y en a pour tous les goûts et en quantité raisonnable. Petite blague récurrente (involontaire), sympathique : sur les cartels, la provenance des objets dans Lyon est systématiquement indiquée. Litanie de noms de rues qui rappelle qu’un chantier au centre de Lyon a de fortes chances d’être ralenti par des fouilles archéologiques.

L’exposition temporaire est intéressante, très bien illustrée. Sont présentés beaucoup de photos de constructions en chantier, quelques maquettes, des plans, des vidéos d’archive… c’est une jolie petite rétrospective pour un architecte qui a dû être célèbre dans ses années de création (1945-1975) mais qui est moins connu aujourd’hui que d’autres grands noms. Pourtant, avec l’aide de brillants ingénieurs, il a signé des ouvrages importants dont le présent musée : le siège de Sandoz, maintenant Novartis, à Rueil-Malmaison (avec Jean Prouvé pour la conception du mur rideau), le CNIT à la Défense (avec Nicolas Esquillan pour l’éblouissante conception de la structure), le siège de l’UNESCO à Paris (avec Pier Luigi Nervi et Jean Prouvé à nouveau)… 

La pièce maîtresse de la visite est bien le bâtiment lui-même. Intégré à la colline, l’ouvrage ne dénature pas le cadre des ruines des théâtres antiques. Quand on se trouve dans le grand théâtre, on voit peu du musée. Une forme longiligne en haut de la colline, deux grandes fenêtres en guise de puits de lumière, et c’est tout. L’intérieur vaste, mi-caverne mi-cathédrale, est libéré par de puissants arcs-boutants qu’on voit une fois entré. Ils sont tous différents, supportent les niveaux successifs du musée et la poussée de la colline sur laquelle le bâtiment s’appuie. Bernard Zehrfuss s’est inspiré du musée Guggenheim de New York de Frank Lloyd Wright : il n’y a pas réellement de niveaux, c’est une unique large rampe qui dessert l’intérieur. Partant de l’entrée, au sommet de la colline, elle se déroule jusqu’à son pied, tagliatelle déployée en hélice aplatie. Une fois en bas, soit on remonte la rampe et on repasse devant les œuvres qu’on a préférées, soit on prend l’ascenseur. L’ensemble est sobre, élégant, en même temps que les lignes de forces de la structure sont mises en valeur pour le plaisir visuel du visiteur. Quelques éléments notables qui ponctuent le musée participent à sa beauté architecturale : l’escalier en forme de marguerite à l’entrée, le garde-corps le long de la rampe de descente, les plafonds alvéolés.

Bernard Zehrfuss, après l’achèvement du musée en 1975, n’a plus fait d’ouvrage marquant. Il a concouru pour le musée de la préhistoire des Eyzies en 1986, a proposé un principe très similaire au musée de Lyon, n’a pas été retenu. Sic transit gloria architecti.

vendredi 7 novembre 2014

Robin des bois

Lorsque j’étais enfant j’aimais Robin des bois. Le dessin animé de Disney, d’abord. Un peu loufoque, avec ce prince Jean débile, il comprend quelques scènes mémorables (dont celles du vol de l’argent pendant le sommeil du prince, je ne sais pas si vous vous en souvenez). Mais je suis vite passé au film de Michael Curtiz de 1938.

Je l’ai infligé à mes parents des dizaines, peut-être des centaines de fois. Musique luxuriante de Korngold (que l’on pourrait qualifier aujourd’hui de très présente), Technicolor scintillant, costumes tape-à-l’œil caractéristiques des films d’aventure d’Hollywood en cette période, lumières chaudes des scènes d’intérieur. Les bas verts d’Errol Flynn en Robin ! La cape vermillon de Basil Rathbone en Gisbourne ! Le satiné des robes de Havilland en Lady Maryan !

Claude Rains en prince Jean est mielleux et machiavélique à souhait. Basil Rathbone est d’une méchanceté noire, transpire la hargne et la jalousie à toutes les scènes. Una O’Connor qui joue Bess, la servante-duègne de Lady Maryan, geint, pleurniche à la limite du supportable, mais c’est tellement bien fait. Olivia de Havilland, 21 ans, a les yeux brillants pendant une heure quarante, amante éplorée qui n’attend que la délivrance. Et l’insolence d’Errol Flynn, charismatique, cabotin, virevoltant ! il bondit partout. La diction des acteurs de la version originale comme des doubleurs de la version française, datée mais parfaite, est un plaisir de fin gourmet.

La scène de duel finale entre Robin et Gisbourne, ponctuée des trompettes haletantes de la musique de Korngold et de gros plans sur les visages luisants de sueur des acteurs, est l’apothéose échevelée (et attendue) de la lutte du bien contre le mal qui traverse le film. Qui pour autant reste léger et délicieux.

vendredi 14 mars 2014

Jeanne

Jeanne a revêtu ses beaux atours de lumière. Une veste dans le style de Christian Lacroix, une jupe de laine épaisse, de coupe moderne, et des bottes de cuir qui ne sont plus de son âge. Jeanne ne le fait d’ailleurs probablement pas, son âge, mais vous ne le saurez pas plus que moi. Jeanne me fait penser à ma grand-mère Madeleine, 84 ans à la fin du mois, qui ressemble à la reine d’Angleterre mais que vous ne verriez jamais à un concert (Madeleine est la femme de Roland). Jeanne, elle, ne ressemble qu’à une dame âgée pomponnée pour la sortie. Elle a du mal à s’assoir ; j’ai cru que j’allais me proposer de l’aider à se relever mais non, vaille que vaille elle s’est extirpée de l’assise, son orgueil pour seule force. Je lui avais ramassé sa canne coincée derrière les sièges, qu’elle ne pouvait pas attraper.

C’est que Jean n’est plus à son côté, et Jeanne a cet triste et doux des vielles gens esseulées.

Jeanne n’a pas fait un bruit de toute l’œuvre jouée. Elle a applaudi. Elle est restée discrète, sur son quant-à-soi : plus de Jean à qui donner un mouchoir après avoir farfouillé forte dans son sac pendant les pianissimi de violons. À la fin du concert Jeanne a remercié le jeune homme à son côté du ponctuel service, a gravi voûtée les marches de la salle, pour les descendre cahin-caha jusqu’à la sortie.

Ô fortune ! pense à la Jeanne solitaire qui a aimé la musique de ce soir, et donne-lui encore mainte occasion de jouir de la vie.

mercredi 29 mai 2013

Un siècle

Aujourd’hui, il y a cent ans exactement que la première du Sacre du printemps de Stravinsky a été donnée.

Demandez à des musiciens et chanteurs de citer une oeuvre de musique qui a marqué le siècle passé, je suis prêt à parier que la majorité vous répondra Le Sacre du printemps, loin devant le Boléro de Ravel ou Yesterday des Beatles.

Cette grosse demi-heure de musique ne laisse pas indemne. Elle est si violente et éruptive, ses rythmes si sauvages et agressifs, son orchestration parfois si glaçante que je me demande qui peut sincèrement dire avoir apprécié l’oeuvre à la première écoute (à moins peut-être de la découvrir après des oeuvres aussi ardues sinon plus, ou de baigner dans une famille à forte culture de musique savante). Comme beaucoup d’oeuvres difficiles, il faut un peu de persévérance pour se laisser apprivoiser l’oreille. Ce processus, comme lorsque l’on se trouve face à toute réelle nouveauté d’ailleurs, ne peut venir que d’une démarche volontaire, personnelle ; si un proche peut guider dans la découverte, aiguillonner, expliquer, communiquer un enthousiasme, l’effort du premier pas vient de soi et de personne d’autre. (Je veux dire nouveauté au sens fort : une oeuvre vraiment différente de ce à quoi on peut être habitué au quotidien, quelque chose qui vous fasse sortir de vous.)

Je ne me souviens pas bien de ma première écoute du Sacre du printemps, ni de la familiarité que j’ai pu développer ces dernières années avec ce morceau. Il ne fait pas partie de ceux que j’écoute régulièrement. Une nouvelle première a été récemment d’entendre l’oeuvre lors d’un concert, par l’Orchestre National de Lyon dirigé par Leonard Slatkin. L’interprétation m’a parue d’un engagement incroyable : les musiciens et le chef semblaient tous hyper concentrés, très précis, certains suant plus que de raison, pour sortir des entrailles de l’orchestre ces sons et mélodies si fortes. Je suis sorti de la salle littéralement étourdi par la grandeur de la musique.

Les rééditions d’enregistrements du Sacre sont nombreuses, l’industrie du disque aimant beaucoup les anniversaires. Avec le pavé de 38 versions édité par Decca, Fabrice et moi avons décidé de mettre à l’écoute toutes les versions présentes dans la discothèque, soit 50 gravures en incluant les versions à deux pianos. Il est assez fascinant de voir les différences de conception que peuvent avoir les chefs, et l’exécution que chefs et orchestres arrivent à donner de ce morceau complexe ; certains orchestres sonnent comme des casseroles quand d’autres sont rutilants de virtuosité.

Les musiciens, comme les auditeurs, ont eux aussi progressivement apprivoisé cette oeuvre d’un siècle.

lundi 27 août 2012

Pitches

Les classiques

2001, Une Odyssée de l’espace, de Stanley Kubrick : L’humanité évolue de monolithe noir en lumières multicolores, puis inversement.

Rencontre du troisième type, de Steven Spielberg : Richard Dreyfuss sculpte de la purée, l’armée endort des vaches et François Truffaut joue du synthétiseur à un doigt.

Citizen Kane, d’Orson Wells : Rosebud !

Les économes

Boogie nights, de Paul Thomas Anderson : Mark Wahlberg en caleçon.

Splash, de Ron Howard : Darryl Hannah en bikini.

Charlie et ses drôles de dames, de McG : Bill Murray.

Les bizarres

Shivers, de David Cronenberg : Des sangsues phalloïdes poussent les habitants d’un immeuble québécois à des orgies mortelles.

Fog, de John Carpenter : Un brouillard hanté tue des descendants de naufrageurs, laissant derrière lui une odeur de poisson.

Inception, de Christopher Nolan : Des manipulateurs de rêve rêvent qu’ils manipulent les rêves d’un manipulateur qui rêve de manipuler les rêves d’un manipulateur de rêve.

Les inratables

Anaconda, de Luis Llosa : Un anaconda tue des gens.

Piranha, de Joe Dante : Un piranha tue des gens.

Piranhas!, de James Cameron : Des piranhas tuent des gens.

Cube, de Vincenzo Natali : Un cube tue des gens.

Rubber, de Quentin Dupieux : Un pneu tue des gens.

Duel, de Steven Spielberg : Quelqu’un tue un camion.

lundi 26 mars 2012

Un soir de concert

A l'auditorium de Lyon, les concerts commencent à 20 heures. Vous pouvez arriver avant, vers 19h, pour assister à un propos d'avant concert qui vous apprendra deux ou trois mots sur les œuvres au programme. (Les conférenciers ont malheureusement l'habitude de passer des extraits des œuvres. Je comprends mal l'idée vu qu'on va les entendre quelques minutes après.)

19h50, vous vous asseyez, vous embrassez la salle d'un regard. Deux possibilités : une œuvre ou un concerto (un morceau pour soliste et orchestre) très connu va être joué. La salle est alors pleine à craquer, c'est la bousculade dans les gradins, le brouhaha général. L'autre terme de l'alternative : le programme comporte des œuvres peu connues, ou pire de la musique contemporaine. Ou d'un compositeur oublié. La salle est alors à peine remplie au quart. Il faut dire que Joséphine-Eugénie, dans son petit triplex du boulevard des Belges, n'aime guère s'aventurer à écouter au-delà de Beethoven ou Chopin.

20h03, les lumières se tamisent. Quelques instants avant, les musiciens de l'orchestre sont entrés sur scène, certains même étaient là avant pour vérifier une dernière fois un trait ou l'autre de leur partie. Tous sont donc arrivés, sauf le premier violon qui en France arrive seul après tous les autres musiciens ; il a droit à quelques applaudissements pour lui seul, premier parmi ses pairs. (En Allemagne et en Angleterre, le premier violon arrive plus démocratiquement avec tous ses collègues et ne bénéficie pas de ce petit traitement de faveur.) Le silence se fait, l'orchestre va s'accorder. Le hautbois solo se lève et donne un premier la à tous les bois et cuivres. Deuxième la du hautbois : le premier violon épaule alors son instrument et le relaie à l'ensemble des cordes. Le hautbois étant le plus juste des instruments de l'orchestre symphonique, c'est à lui que revient la primeur de faire s'accorder ses collègues. Une exception toutefois : la présence d'un instrument à clavier. A fortiori si c'est un orgue, il n'est plus temps d'en modifier l'accord : c'est donc sur son la que tout le monde va s'accorder.

Le silence se fait ; le chef arrive ; le concert commence.

En plus de la musique, on entendra plus ou moins de bavardages, froissements de papier, fouilles dans des sacs à main, toux diverses. Le public lyonnais est peu discipliné (c'est particulièrement vrai des gens âgés), tout se perd ma bonne dame si les vieux sont les plus impolis. Si un concerto est joué, en général à la fin du premier mouvement quelques mécréants ne se priveront pas d'esquisser un début d'applaudissement. Sévère chorale de chut réprobateurs s'ensuit immanquablement, menée par Joséphine-Eugénie et ses amies du Club-des-bonnes-manières-à-respecter-en-société. On ne sait pas trop bien pourquoi il faudrait se retenir d'applaudir, si la musique fut particulièrement bonne, le morceau spécialement bien enlevé. Ce sont souvent les mêmes qui discutent avec leur voisin pendant la musique et qui ne tolèrent pas un clap après, allez comprendre.

La première partie du programme se termine, suit un entracte. Certains snobs en profitent pour partir après le concerto, ce serait dommage d'entendre la symphonie qui suit en deuxième partie, pensez, la musique risquerait d'être meilleure. A la fin du concerto l'artiste aura parfois joué un bis, souvent seul, l'orchestre faisant alors partie du public. Il est rare que l'on entende un vrai bis, c'est-à-dire que l'un des mouvements du concerto soit joué à nouveau.

Après l'entracte, reprise. A la fin de la deuxième partie, il est encore plus rare que l'orchestre donne un bis (j'ai du le voir deux ou trois fois en huit ans). Dès la dernière note jouée, une partie du public se lève et monte les escaliers quatre à quatre pour atteindre la sortie, de peur de rester enfermé. Les autres applaudissent, rappellent plusieurs fois le chef parfois. En France, on pratique peu voire pas du tout la standing ovation, plus courante dans d'autres pays. Le public applaudit beaucoup, même si ce fût mauvais (cela arrive rarement). On ne siffle pas, comme cela pourrait se produire à l'opéra ; on ne s'abstient pas non plus d'applaudir en signe de protestation. Fabrice me rappelle souvent que cela arrive parfois, en Israël.

Pour ne pas coucher là, après le quatrième ou cinquième rappel les musiciens d'orchestre se font la bise et quittent la scène, mettant fin aux applaudissements. Alors, les gens de goût rentrent chez eux, vont manger un morceau, croquent un carré de chocolat et se servent un cognac ABK6, ainsi dénommé parce que c'est son nom. Par la suite, ils se rêveront peut-être sur scène, à faire de grands gestes arrondis pour modeler une phrase à la mélodie infinie, comme dans le mouvement lent de la cinquième symphonie de Sibelius. Et les cygnes s'envoleront...

lundi 5 mars 2012

Berenice Abbott au Jeu de Paume

Samedi après-midi, direction la Galerie nationale du jeu de paume à Paris, près de la place de la Concorde. Ce lieu d'exposition est moins connu que les grands musées de la capitale, ou autres lieux d'exposition tels que l’Hôtel de Ville ou le Grand Palais souvent pris d'assaut lors d'expositions monstres qui attirent les foules (Claude Monet au Grand Palais il y a peu, Robert Doisneau en ce moment à l'Hôtel de Ville, par exemple). Le Jeu de Paume est plus discret, plus confidentiel aussi. J'y ai vu des toiles illuminées de Zao Wou Ki, sidérantes, mais il faut dire que le format du bâtiment se prête particulièrement bien à des expositions de photographies. Ces dernières années, Robert Frank, Lee Miller, Richard Aveydon, ou plus proches de nous André Kertesz (dont les vues parisiennes valent les clichés les plus parfaits d'Henri Lartigue ou de Henri Cartier-Bresson) et Diane Arbus ont eu les faveurs d'une exposition. Que j'ai ratée, d'ailleurs.

Pendant deux mois, c'est l'américaine Berenice Abbott (1898—1991) qu'on voit sur les murs crème de la Galerie. Influencée par le travail documentaire autant que sentimental d'Eugène Atget sur le vieux Paris, Abbott photographie New York sous toutes ses coutures. Avant ce travail d'une vie : des portraits, d'une grande sobriété, qui m'ont rappelé ceux d'Irving Penn vus ils y a quelques années à la National Portrait Gallery de Londres. Les épreuves gélatino-argentiques des années 1920 et 1930, dont on voudrait toucher l'épaisseur reluisante, sont superbes. On avait vu des tirages similaires durant l'exposition Kertesz ; on voudrait toujours voir de telles photos si présentes, si chaleureuses. Après la seconde guerre mondiale, Abbott change d'angle de vue et se la joue Walker Evans, en photographiant minutieusement les États-Unis profonds : petites gens, petites villes, champs. Elle effectue également un travail de photographies scientifiques, dans le cadre de la réalisation de manuels scolaires ou pour des ouvrages de vulgarisation. Ceci me semble moins essentiel, bien que le parti pris esthétique de ces photographies, pleinement assumé, est éclatant.

On est heureux d'avoir patienté si peu de temps pour entrer. Une fois à l'intérieur, on a compris : on se bouscule devant les petits cadres. Dehors, dans la file d'attente, on se souvient d'une attente précédente au même endroit, durant laquelle une Italienne posait de façon outrée pendant que son copain la mitraillait avec en toile de fond la Concorde et la tour Eiffel. Cette fois-ci, on n'a pas perdu une miette de trois jeunes filles à grosses lunettes œil de mouche, trop dénudées vu le froid ; elles se gelaient pour un shooting de photos de mode. L'attente fut ponctuée par le passage de joggeurs, dont un jeune blond qui faisait le tour des Tuileries à une vitesse où moi je courrais pour attraper un bus. Il est passé trois fois avant qu'on entre. Il courait toujours quand on est sorti.

samedi 10 décembre 2011

My magic flute

Ce soir, à l’auditorium de Lyon (alors que quelques milliers de personnes s’entassaient dans les rues pour voir les installations de la fête des lumières), il y avait James Galway. Flûtiste irlandais, bonhomme, et un programme de musique américaine. Il a plus de soixante-dix ans, joue encore parfaitement, et les traditionnels irlandais en guise de bis étaient plutôt chouettes. Les lignes mélodiques du lyric concerto de Bolcom, l’arrangement soupesque de Shenandoah de McTee, il les a rendues comme un jeune premier.

Un récital dont le titre était celui de ce billet avait paru il y a quelques années, qui s’était fait incendier par la critique. Même dédain affiché la semaine passée par un collègue flûtiste lui aussi, dont le professeur lui aurait dit de ne pas y aller, Galway ce n’est plus ce que c’était. À ce stade je dois préciser que je déteste la flûte, mais j’ai passé un très bon moment. Hors les instants de cabotinage sympathiques entre le chef et le soliste, Galway a joué pour finir son concert la plus rapide badinerie de Bach que j’aie jamais entendu. Et, après avoir raclé toutes leurs bronches pendant les mouvements lents, les vieux du sixième amateurs de vieux flûtistes sont ressortis de la salle heureux.

mercredi 6 avril 2011

La malédiction de l'évier

Phil s'est fait virer et il lave la vaisselle. À quoi sa femme peut-elle bien penser ? Elle dort sur le canapé, irresponsable. À croire qu'elle ne va pas au cinéma : elle saurait.

Le spectateur, lui, comprend dès le premier plan. Il ferme les yeux et prédit la scène, rapidement, entre deux coups d'éponges, comme il l'a vue sur tant d'écrans. Il les rouvre, pour vérifier, et n'est pas surpris.

Phil termine sa dernière assiette, la met à égoutter et repose l'éponge. Il se sèche les mains. Il ouvre le placard sous l'évier, en sort un sac poubelle. C'est un symbole, le sac poubelle : des déchets mis au rebut, des objets inutiles, des choses en fin de vie. Le regard s'attarde longuement, tendrement, sur sa femme. Elle ne se réveille pas — ç'aurait pu tout changer. Il sort vers le garage qui est éclairé, à l'américaine. Il jette le sac dans un bac et se retourne pour affronter la nuit, une dernière fois. En entrant, il actionne un interrupteur et, tandis qu'il longe sa voiture, la porte se referme derrière lui. À travers la vitre, on le voit monter en voiture. La porte du garage s'immobilise avec le bruit de la première pelletée de terre. Phil met le contact. Noir.

Tout personnage qui fait la vaisselle dans un film américain finit par se suicider en laissant tourner sa voiture dans son garage.

jeudi 14 janvier 2010

Regrets éternels des éternels seconds

Y a-t-il seulement un film qui ait été sauvé de la médiocrité par son acteur principal ? Le talent des stars est en cuivre ; il ne brille que si un scénariste, un metteur en scène, un réalisateur le frottent à la paille de leur génie ; livré à lui-même, il se ternit, se vert-de-grise, se réduit à une petite chose décorative mais sans éclat. Tandis que les seconds rôles ! Ah ! les seconds rôles... Des pépites qui persistent à briller une fois tombées dans la fange.

Certains réalisateurs acceptent certains scénarios pour une scène, une seule, qu'ils veulent pouvoir tourner. Brian De Palma et l'interminable plan-séquence au début de Snake Eyes, par exemple. Certains spectateurs, de même, n'acceptent certains films que pour une apparition, une éclaircie, un miracle. Ces spectateurs, dont je suis, vénèrent des saints obscurs dont les noms sont oubliés et dont seuls les visages flottent dans la mémoire collective. Ils apparaissent à l'écran comme, sur un vitrail, tel chevalier terrassant un dragon : l'icône est familière au plus mécréant, mais était-ce Saint-Georges ou Saint-Michel ? L'enthousiaste, seul, reconnait Joe Viterelli ou Vincent Schiavelli. La liste est longue de ceux qui s'entassent dans ce Panthéon mal éclairé : Jürgen Prochnow, Patrick Bauchau, J.K. Simmons, James Cromwell, Holland Taylor, Robert Prosky... Des querelles de chapelle apparaissent : Max von Sydow est-il trop connu ? et Christopher Plummer ? et Vincent Price ?

Pourquoi tout cela ? A cause de tout le reste : Anything else n'est pas un grand Woody Allen. C'est un film honnête, mais un peu lent, un peu bavard, sans la magie ou la folie qui illuminent les meilleurs opus. Pour autant, je le reverrai sans déplaisir et je le conseillerai à quiconque. Car Danny De Vito. Même plus besoin de verbe : Danny De Vito, dans une scène surtout, que je ne dévoilerai pas, Danny De Vito est l'action. Danny De Vito s'installe à table, bouscule involontairement la table, la salière manque tomber, Danny De Vito la stabilise d'une main, s'excuse auprès de la star, s'assoit, attend, écoute, est surpris, est peiné, est énervé, vocifère, postillonne, n'essuie pas la bave qui lui reste sur le menton, hurle, envahit le décor et le parcourt comme une boule, un flipper. Pour cette scène, et pour sa chute, je reverrai ce film, inévitablement.

Inévitablement, aussi, une légère tristesse m'étreint lorsque je croise un de ces merveilleux seconds couteaux. Joe Viterelli a-t-il toujours rêvé de ne jouer que des hommes de main mafieux ? Danny De Vito n'aurait-il pas voulu, un jour, être un jeune premier ? Christopher Lee n'aimerait-il pas, un jour, ne pas faire peur ? Que font-ils tous, entre deux films ? J'aime les imaginer jouant Shakespeare dans un petit théâtre poussiéreux où l'on ne les oblige pas à être eux-mêmes. Ils y jouent sous pseudonyme ou exigent pour leur nom le corps de police le plus minuscule de l'affiche. Le texte est bon : pas de miracle pour aujourd'hui, c'est relâche, c'est récréation. John Goodman est Roméo, Mariane Sägebrecht est Juliette, le balcon n'a qu'à bien se tenir.

Peut-être, plus simplement, attendent-ils tous les matins le scénario de leur vie en enviant Bill Murray dans Lost In Translation.

mardi 26 juillet 2005

Bonbons au poivre

Die, Peter Pan, die!

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mercredi 23 février 2005

On va tous mourir

Où l'Auteur espère parler du long terme.

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mercredi 9 février 2005

L'aidant de la mère

Où l'Auteur pense layettes.

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