Petit chosier - PolaroïdsBrimborions, babioles et bidules
Par Romain T. et Fabrice D.2024-01-04T21:12:15+01:00Fabrice D. Simoninurn:md5:3d5d88daee63672803dd7148eed1c3c4DotclearJ'ai vu se marier toutes sortes de gensurn:md5:dc60e13ee47b616b01b2f5584d06ddcb2021-10-08T19:49:00+02:002021-10-10T15:55:54+02:00RomainTPolaroïds <p>Un très bon collègue, dont j’ai déjà parlé (je vous laisse retrouver les quelques billets), s’est marié il y a peu avec son compagnon. Cela me réjouit tant que je veux en dire quelques mots.</p>
<p>Collègues depuis 14 ans, nous nous sommes connus à l’école deux années plus tôt. J’ai raconté ici les conditions drôles dans lesquelles j’ai découvert son homosexualité. Il y a quelques mois il m’a spontanément fait part, fait rare s’agissant de lui, de son projet d’adoption, ainsi que du nécessaire mariage associé. Je dis nécessaire : il aurait mieux aimé ne pas graver son nom au bas d’un parchemin. Oui, mes yeux se sont embués à cette annonce, il était lui-même très ému ; qui nous voyant aurait peut-être trouvé la scène charmante.</p>
<p>Mon collègue est extrêmement compétent, parfois un peu râleur, toujours disponible, discret, il fait beaucoup, c’est un pilier de notre équipe. Adorable est l’adjectif qui me vient à l’esprit immédiatement quand je pense à lui. D’ailleurs, tout le monde apprécie sa gentillesse, son charisme subtilement modéré.</p>
<p>Il ne dit rien de sa vie personnelle au travail, en tout cas pas de sa propre initiative, fuyant la contemplation du monde futile. En revanche, si vous engagez la conversation, il répond de bon cœur et se montre volontiers loquace. Je soupçonne que très peu osent le faire, en tout cas dans notre entourage immédiat de collègues, par politesse ou retenue. Alors que nous sommes quelques-uns à pouvoir nous dire bien plus que son collègue ; sans trop exagérer, son ami, et déplorons parfois pour cette raison qu’il ne s’ouvre pas plus. Ces dernières semaines il arborait une élégante alliance à l’annulaire droit. Il semblait s’en cacher presque, ne sachant que faire de sa main ainsi ornée. Personne ne lui en a fait la remarque… jusqu’à jeudi matin. À la suite de ma collègue curieuse qui s’est enhardie à le questionner, nous devons être maintenant plusieurs à savoir que je ne suis plus l’unique homosexuel identifié de notre agence de 90 personnes.</p>
<p>Je suis si heureux pour lui ! De ces moments, de ces années passées et de celles à venir, je garderai toujours le souvenir content.</p>Georgesurn:md5:5c49cad148a3a3f67df2612bbbb4e8342005-10-02T11:22:09+00:002005-10-02T13:14:29+00:00FabriceDPolaroïdsVoici venu le temps de l'île aux enfants. Encore. <p>Le <a href="http://www.petitpaume.com/restaurant-lyon/guide-restaurant-lyon/le-francois-villon-restaurant.htm" hreflang="fr">François Villon</a> est une merveille de bouchon, perdu dans un rez-de-chaussée voûté du vieux Lyon. La nourriture est bonne, le service charmant et le cadre sympathique. Seul défaut, car il faut bien en trouver un : les tables ne permettent pas qu'on fasse des cochoncetés sous elles.</p>
<p>Hier soir, en plus, il y avait Georges.</p>
<p>Georges, qui ne s'appelle probablement pas Georges, est la réincarnation de Georges Brassens : la voix de basse, la guitare, le swing sont revenus d'outre-tombe. Pas la moustache, bizarrement. Et Georges, plutôt bel homme, cheveux gris, silhouette placide, chante Georges Brassens perché sur un tabouret. Georges Brassens et d'autres. Cela surprend, au début : <cite>Retiens la nuit</cite>, <cite>En chantant</cite>, <cite>Sur la colline</cite>, on n'est jamais préparé à ça. Zaï, zaï, zaï, zaï. Mais on s'y fait ; et ça devient un jeu de reconnaître le premier la nouvelle chanson que Georges s'amuse à faire swinger ; et ça devient un plaisir de reprendre la gentille quincagénaire qui croit que <cite>Si j'avais un marteau</cite> est de Richard Anthony. Quand la surprise est trop grande, on éclate de rire ; l'émotion est là parfois, et le swing toujours.</p>
<p>Georges s'arrête de chanter, soudain, et descend au caveau. Calme dans la salle, les discussions reprennent leur cours, mon homme carresse langoureusement le pied de la table en essayant de me toucher le genou. On se concentre sur la nourriture, on se perd dans la contemplation l'un de l'autre, je glousse en demandant encore et encore <a href="http://www.imdb.com/title/tt0112896/quotes" hreflang="en"><q>Mais qu'êtes-vous en train de faire au mobilier ?</q></a></p>
<p>Et Georges revient.</p>
<p>Bruissements dans l'assistance. Pas loin d'une acclamation. Il reprend son tabouret, réaccorde sa guitare, se lance. En face de lui, une table de trentenaires. Des trentenaires peter-panesques, des Enfants de la télé qui se branchent sur TF1 certains vendredi soirs pour se souvenir de quand ils étaient jeunes. (La jeunesse éternelle a un prix, désormais connu : il faut supporter la voix de canard prépubère d'Arthur.) Ils transforment la prestation de Georges en un concert de Patrick Bruel ou un karaoké. Zaï, zaï, zaï, zaï.</p>
<p>Georges s'adapte. Et tout à coup, ce qu'on n'aurait jamais cru entendre. Une guitare sèche et la voix d'un spectre génial se lancent dans le générique de <cite>l'Île aux Enfants</cite>. Les trentenaires suivent. Et n'en finissent plus de suivre. Georges enchaîne : <cite>Céline</cite>, <cite>Santiano</cite>, il les fait toutes.</p>
<p>Mais on nous a apporté le dessert, le café, le digestif, tout en même temps. Il est temps d'y aller : les braillards étouffent Georges. Le serveur (une sorte de d'Artagnan efféminé) nous apporte l'addition.</p>
<p>Lorsqu'on ferme la porte, Georges est toujours là, sur son tabouret. Et swingue toujours.</p>Le bonheur d'être grand-pèreurn:md5:a64b26cea769fc2557cddc1d63a850a02005-05-19T23:44:01+00:002005-05-19T23:44:01+00:00FabriceDPolaroïdsTout un art. <p>Ce soir, en rentrant chez moi, j'ai croisé un homme heureux.</p>
<p>C'était un vieux banquier. Ou un notaire, peut-être. Un homme élégant et sévère, au visage finement ridé, aux cheveux argentés. Un homme dont les années qui passent ne peuvent qu'accroître encore l'autorité. Un homme devant lequel on tremble. Il avançait d'un pas noble sur le trottoir, superbe dans son costume anthracite, impérial derrière sa cravate incarnat. Pour tout dire, il était beau et terrible. Zeus, aujourd'hui, ressemblerait à cela. Un président de conseil d'administration, un chevalier de la Légion d'Honneur, un notable. À ses rides, on ne l'imaginait pas rire mais on devinait des colères spectaculaires car calmes et glacées. Des ordres glissés en un souffle. Des flèches décochées en un mot.</p>
<p>Pourtant brillait dans ses yeux une joie bonhomme. Une joie d'enfant. Car il portait sur son bras droit, contre son cœur, le plus énorme et le plus jaune canari en peluche qu'il m'ait été donné de voir.</p>Andréurn:md5:52ee2f5ed746110a02f31ea04a0295b92005-04-25T22:23:26+00:002005-04-25T22:25:20+00:00FabriceDPolaroïdsQui restera sans commentaires. <p>C'était un vieux monsieur au physique churchillien. Un mètre cinquante-cinq à peine et quatre-vingt-cinq kilogrammes largement de bougonnerie bonhomme.</p>
<p>C'est de lui que je tiens les deux axiomes de ma philosophie culinaire. Tout ce qui peut flamber doit flamber. Et c'est la graisse qui donne le goût. Dans la semaine, ou dans les semaines qui viennent, je me ferai une poule au pot en mémoire de la sienne qui était si bonne. Et, aussi, je rechercherai la recette de ses escaloppes luculus. Il me semble de mémoire qu'elle impliquait des pommes de terres, de l'emmental rapé, des escaloppes de veau, du saindoux et de la bière. Il me faudra m'en assurer.</p>
<p>C'est à lui aussi que je dois un peu de mes opinions politiques. Quand il était pour, être contre. Quand il était contre, être pour. Bons adages. La réaction a la réaction peut être un progrès. Mais rien n'est si simple non plus.</p>
<p>J'ai grandi en l'entendant dire qu'il ne tolèrerait pas que ses petits-fils deviennents des petits pédés avec des boucles d'oreille. Mon petit frère n'a pas été inquiété pour la sienne de boucle d'oreille. Et je n'ai pas jugé bon de l'inquiéter du reste. Peut-être serait-ce passé aussi.</p>
<p>Peut-être pas. Il a rompu tous les ponts avec sa fille, avec ma tante, et avec mes cousines parce qu'il n'aimait pas le prétendant de l'une d'elle. Parce qu'il était d'origine espagnole, avais-je cru comprendre. La copine de mon frère aussi, l'est, et là encore c'est passé. Peut-être n'ai-je rien compris.</p>
<p>Sûrement.</p>
<p>Il était comme Mitterrand, il était comme le pape, il avait toujours été là. Et ne l'est plus.</p>
<p>Mon grand-père maternel est mort, cette nuit.</p>Légendeurn:md5:f179c01183f627f8906c0233edd92aa32005-03-28T21:49:09+00:002005-03-28T21:49:09+00:00FabriceDPolaroïdsQu'on aurait pu intituler "Much Fouss about nothing". <p>Il n'est pas aisé de vivre à la hauteur de sa caricature. Réciproque vérifiable aussi : il est impossible de caricaturer certaines personnes.</p>
<p>Ce soir, alors que je lisais du Vialatte en attendant que mon train ne quitte Clermont-Ferrand et sa gare, je vis passer de l'autre côté du double vitrage Saint-Gobin une silhouette que je ne pouvais pas ne pas reconnaître. Comme un con, je cognai à la vitre, comme un fou, je me précipitai hors du wagon - qui était, est et sera toujours un mot merveilleux au Scrabble™ même si cela n'a aucun rapport.</p>
<p>Cette silhouette pourrait évoquer l'Australie et ses koalas si elle ne me ramenait pas aussi immanquablement au doux temps de la prépa. J'ai connu Nicolas F. au Lycée Blaise Pascal - lycée dont on oubliera un jour que Bergson y a enseigné, puisque les amis que je m'y suis fait ne manqueront pas un jour d'accéder à la gloire. J'y fus, imaginez-vous, son pito, alors que nous y étions taupins. Pardonnez-moi ce lâcher de jargon sauvage mais il est bon parfois de rappeler son appartenance à ce genre de petites francs-maçonneries. Glissez "plug" dans une conversation et les tapettes alentours vous reconnaîtrons comme leur, parlez du pito et les PCSI 2 de <em>Blaise</em> en seront tout attendri. Mais passons.</p>
<p>Que faisait-il, le Gros Fouss, sur ce quai de gare ? N'importe quel autre que lui y aurait pris un train ou accompagné un passager. Mais ç'aurait été décevant. Il se promenait. Après quatre jours passés à <q>faire du social</q> (visiter ses parents), il avait inspecté les travaux du futur tramway - le tramway est supérieur encore, notons-le, au wagon -, se baladait, donc, et aurait <em>peut-être</em> le temps de traverser le centre-ville. Ce peut-être m'émerveille.</p>
<p>Attention, je ne me moque pas. J'ai fait souvent moi-même des pélerinages au Square Conchon-Quinette et à sa fontaine désormais déplacée, lieux doux-amers d'un amour passé dont je n'ai (je le remarque à l'instant) jamais tant parlé que depuis qu'il l'est, justement, passé. Qui serais-je donc pour me moquer de Nicolas en stationnement en gare de Clermont-Ferrand ?</p>
<p>Il n'empêche qu'une telle fidélité à sa propre légende force le respect.</p>Le passanturn:md5:e1cca9f9d916699bd32d29c7fb89bb852005-02-19T12:17:58+00:002005-02-19T12:17:58+00:00FabriceDPolaroïdsOù l'Auteur s'émeut d'un inconnu qui ne passe pas. <p>Qui étais-tu ?</p>
<p>Hier soir, j'étais dans <a href="http://www.laxbar.com/" hreflang="fr">ce bar</a> et tu y étais aussi. J'y étais avec des amis et tu y étais seul. J'y ai beaucoup parlé, tu t'y es toujours tu, j'y ai trop bu, tu y as beaucoup fumé. Mais qui étais-tu ?</p>
<p>Tu étais assis sur ce tabouret de bar, suffisamment droit pour être élégant, suffisamment souple pour avoir l'air décontracté. Seul. Je ne sais pas combien de temps nous sommes restés, mais tu étais là quand nous sommes arrivés et tu n'es parti que peu de temps avant nous. Seul.</p>
<p>Tu étais beau, tu sais ? Un profil superbe, un nez fascinant. De beaux yeux, aussi, lorsque j'ai surpris ton regard qui cherchait le mien. Mais tu étais comme une statue grecque recouverte d'une fine couche de poussière pathétique. À quoi sert d'être si beau si l'on est si seul, à quoi sert de croiser mon regard s'il n'est qu'un des regards que tu auras chassés dans la soirée ?</p>
<p>J'imaginais des raisons à ta présence. Je te cherchais des excuses, je ne voulais pas croire que tu étais seul au point de venir passer toute une soirée accoudé au zinc d'un bar gay. Tu attendais ton amant qui ne viendrait pas car il venait d'avoir un accident que tu ignorais encore ; tu étais un prétendant hétéro de la barmaid et tu venais, tous les soirs, par fidélité, gâcher tes soirées et ta vie à ce bar, juste pour la voir. Mais toujours ces regards mi-séducteurs mi-désespérés que je surprenais.</p>
<p>Je doute que tu me lises, mais je te souhaite d'avoir une vie, vraiment. Et je me souviendrai de toi, vraiment. Comme de ce que je ne veux surtout pas devenir.</p>Deux hommes, et plus si affinitésurn:md5:43f4a8392496a565368e347468fdc10f2005-02-06T03:05:47+00:002005-02-06T03:13:04+00:00FabriceDPolaroïdsOù l'Auteur poursuit sa série de portraits irreconnaissables. <p>Un ami mien, qui aura droit un jour à son polaroïd où il pourra comme tout le monde ne pas se reconnaître, m'avait exposé une théorie brillante. Sur le moment, pour lui, elle faisait sens. Dans les pires moments de déprime, pour moi, elle fait sens aussi. Mais, la plupart du temps, je pressens une faille dans le raisonnement. <i>Grosso modo</i>, ça donne quelque chose comme : <q><i>Qui homines amat, nullus homo amat.</i></q> La théorie est de lui, le latin de cuisine de moi - le latin, c'est ce qui distingue la théorie de la brève de comptoir.</p>
<p>Il suffit d'un contre-exemple pour foutre en l'air une théorie. J'en ai un couple sous la main. Ou, à défaut, en tête.</p>
<p>Théorisons un rien avant de commencer ; la suite du billet sera donc en latin. Euh... Un instant... Finalement, théorisons dans la langue vulgaire, afin que tout le monde comprenne bien - moi le premier. Si on y réfléchit un instant, on se rend compte avec une évidence saisissante qu'il n'y a que trois types de couples. Trois vous dites-vous ? oui, trois.</p>
<p>D'abord, vos amis qui trouvent l'âme sœur : il y a lui, ou elle, d'abord puis la pièce rapportée. Cas idéal, coup de foudre, pas du couple, ça on s'en fout, mais de vous pour la pièce rapportée. Cas réaliste, la pièce rapportée reste une pièce rapportée jusqu'au jour où vous surprendrez à l'adorer. Catastrophe, une haine intense et durable s'installe.</p>
<p>Ensuite, les couples que vous rencontrez en tant que couples. Que vous vous attachiez, que vous vous détestiez, ils resteront toujours cet être bicéphal un peu monstrueux dont vous ne cernerez jamais trop où commence l'un et où finit l'autre. Jamais l'un sans l'autre, toujours l'un sur l'autre. L'un que vous aimeriez plus connaître, l'autre que vous aimeriez envoyer paître, mais deux pour le prix d'un, ces produits ne peuvent se vendre séparément.</p>
<p>Les couples enfin qui se créent dans votre cercle d'amis. Vous les aimiez séparément, vous les aimez ensemble. Vous les avez vus s'approcher, vous les avez vu se tourner autour et se renifler (dans la plupart des cas, métaphoriquement, dans le cas de mon ami Olivier, littéralement), vous les avez vu se trouver. Vous êtes ému, bien sûr, et un peu fier aussi de les voir ainsi avoir trouvé le bonheur autour de vous. Mais vous les jalousez un peu, aussi, car un peu de ce lien qui les unit désormais est tressé du même fil qui les unissait à vous avant.</p>
<p>Je suis catégorique, il n'y a que ces trois types de couple. Et puis, bien sûr, il y a le dernier type.</p>
<p>Vous rencontrez parfois des gens - du moins je vous le souhaite. Des gens que vous voyez de temps en temps, que vous connaissez mal. Des bonjours dans la rue, des signes de tête, des banalités météorologiques. Puis, un jour, il y a plus. Ils entrent dans votre vie, un peu, et vous entrez dans la leur. Or, coïncidence rare, tandis que vous apprenez à les connaître, ils s'accouplent. Et, au lieu de se dissoudre dans ce couple, ils gagnent en netteté. Le peu que vous saviez de l'un éclaire ce que vous ignoriez de l'autre, les lumières du premier illuminent les zones d'ombre du deuxième.</p>
<p>Ceux auxquels je pense - car ici s'arrête la théorie, ici commence la pratique - ceux auxquels je pense, je les aimais bien avant même que de les connaître vraiment. D'ailleurs, je ne les connais toujours pas vraiment, mais passons. En l'un, j'aime l'humour vachard, l'intelligence certaine (même si nous divergeons souvent), le goût assuré. En l'autre, j'aime une différence, une originalité, une altérité. Ils me font rire et ils me font penser, que demander de plus ?</p>
<p>Qu'ils m'émeuvent. Et ils m'émeuvent.</p>
<p>Je les aime beaucoup séparément, je les aime encore plus ensemble. Les couples, en règle générale, me mettent mal à l'aise car ils m'excluent, moi qui ne suis pas dans leur couple, moi qui ne suis pas en couple. Pas eux. Les couples, en règle générale, me frustrent car il en est toujours un que je jalouse, un que je désire, un que j'envie. Pas eux. Non qu'ils ne soient pas séduisants, tous les deux, mais leur couple est d'une évidence qui résout toutes les tentations.</p>
<p>Billet en forme de rondo : pourquoi vous dis-je tout cela, ce soir ? Parce qu'ils sont mon contre-exemple à la théorie exposée plus haut. Chaque fois que je les vois, si tendres, si complices, si - excusez le mot - mignons, une larme me vient au coin de l'œil.</p>
<p>Une larme d'espoir.</p>Un homme, un vraiurn:md5:ce277a5387cd4460030562c12dde5cd32005-01-25T02:25:12+00:002005-01-25T02:26:18+00:00FabriceDPolaroïdsOù l'Auteur arrive à parler de lui en parlant de quelqu'un d'autre. <p>Il y a dans mon entourage un homme. Un homme, un vrai.</p>
<p>Il n'est pas encore un ami, il ne le sera sans doute jamais, j'ai l'amitié rare et déjà distribuée. Mais il est déjà plus qu'une connaissance pour moi et le restera assurément même si nous nous perdons de vue. Il est des gens comme cela qui comptent pour vous sans que finalement vous les connaissiez vraiment, sans qu'ils vous connaissent vraiment, non plus. C'est peut-être l'image que vous vous faites d'eux, la statue que vous leur érigez, le pied d'estale sur lequel vous les hissez qui vous sont chers. Peu importe. Pas d'image sans objet, pas de statue sans modèle, pas de pied d'estale sans merveille à exposer.</p>
<p>De ces gens-là, cet homme en est. D'ailleurs, il en est, aussi, absolument.</p>
<p>Triste constat : il n'y a guère que deux grands types de gens de mon âge. (J'ai vingt-quatre ans.) Les adolescents attardés, dont l'horizon s'arrête au lendemain. Ils sont fêtards, ils se réveillent sans savoir comment ils sont arrivés dans le canniveau. Ils sont révolutionnaires, ils gesticulent sans savoir comment ils arriveront au Grand Soir. Les adolescents attardés, donc, et les vieillards. Qui secouent la tête en regardant passer le monde autour d'eux. Qui haussent les épaules en pensant que c'est ainsi, qu'il est trop tard, qu'ils sont déjà de trop. Qui avancent entre les vivants <q>en s'excusant déjà de n'être pas plus loin.</q> Tous les autres font exception.</p>
<p>De ces exceptions-là, cet homme en est.</p>
<p><q>Si jeunesse savait, si vieillesse pouvait</q>, dit-on. Il a les emportements de la jeunesse - des emportements sans fin, permanents, épuisants - et la pensée du vieux sage. Dieu ! que je me sens vieux, lorsque je parle avec lui. Lorsqu'il s'enflamme, lorsqu'il vitupère, lorsqu'il maudit. Lorsque je souris vaguement en face de lui, en pensant qu'un jour j'ai été comme lui, en pensant qu'un jour - Dieu l'en préserve - il sera comme moi.</p>
<p>Il donne des signes de faiblesse, ces derniers temps, parle de raccrocher les gants, a l'indignation ankylosée. Je n'y crois pas. C'est l'humidité, ça, ça lui passera, j'en suis sûr.</p>