Défendons les traditions !

Où l'Auteur frappe trois fois du poing sur la table.
Certainly I felt, when I decided to become a professional, that, Oh good... I'm going to be able to meet some real-life queers. Because I'd heard that the theater was full of them... and so it has proved.

Sir Ian McKellen, à propos de ses débuts au théâtre, dans une interview pour ign.com

J'avais prévu de ruminer à propos de mon nouveau compagnon de scène dans le précédent billet, mais vu qu'on m'a conseillé de faire plus court et plus fréquent, j'ai cru bon de profiter de l'occasion pour inaugurer ma catégorie "grosse colère".

Bon. Je ne suis pas Sir Ian McKellen : je ne lui arrive en rien de serait-ce qu'à la cheville. Je n'ai rien fait de notable pour la cause gay, je suis loin d'ailleurs d'être aussi flamboyantly gay que lui, je n'ai pas le millième de son talent. Mais j'avais les mêmes illusions que lui. Sauf que, lui, ses illusions se sont avérées ne pas en être, des illusions.

Aussi voudrais-je protester publiquement contre les Amandanes, la troupe de l'École Centrale de Lyon, pour son non-respect des nobles traditions pédérastiques car théâtrales. Un hétéro sur dix est homosexuel, nous dit-on ? La bonne blague. J'ai vu passer, en quatre ans aux Amandanes, une bonne cinquantaine d'acteurs et actrices, une centaine peut-être, j'ai joué avec la plupart d'entre eux, j'en ai mis en scène quelques uns. Combien de pédés dans le lot ? Deux. Dont moi.

Alors de deux choses l'une. Soit les stéréotypes ne sont plus ce qu'ils sont et mon univers s'écroule : il ne manquerait plus que j'apprenne que Jean-Paul et Jean-Claude du salon de coiffure "Jean-Paul et Jean-Claude", à Villeurbanne, ne sont pas pédés, tiens. Soit il serait grand temps que les acteurs et actrices des Amandanes se décident à sortir des coulisses (sortir des coulisses, c'est sortir du placard, dans le monde du théâtre). Parce que ça commence à bien faire. Non mais.

Vous allez voir, ça ne va pas rater, que mon compagnon de scène qui provoque déjà en moi des sécrétions de salive incontrôlées va s'avérer hétéro comme une otarie. (Si on peut être pédé comme un phoque, on doit pouvoir être hétéro comme une otarie. Car neuf phoques sur dix sont des otaries : personne n'est fichu de faire la différence.) Vous me direz, ça ne changera rien, s'il est gay, il est casé, ou je ne suis pas son type, ou il a fait vœu de célibat, ou il a été mutilé lors d'un accident regrettable de sécateur un jour où il fut pris d'une crise d'éternuements en soignant son bonzaï. Bref, notre histoire est sans avenir, je le sais. Il n'empêche !

Au risque de passer pour un vieux con réac', je lance cet appel : défendons les traditions, nom de Dieu !