On va tous mourir

Où l'Auteur espère parler du long terme.

Bizarre, le cinéma, non ?

On y va voir un film sur un ancien Président de la République qu'on s'attend à connaître, à l'ombre duquel on a grandi, qu'on a admiré étant petit comme on admirait le vieux barbu céleste du catéchisme, dont on s'est éloigné plus tard quand on ne l'a plus vu de nos yeux adolescents que comme un Guignol, que l'on regrette un peu aujourd'hui malgré tout.

Bien sûr, passent quelques noms, Bousquet, notamment, encore et encore. Bien sûr, on retrouve le sphynx, ce personnage manipulateur et rusé. Bien sûr, il y a quelques allusions aux écoutes téléphoniques. Bien sûr, on retrouve la culture, phénoménale, évidente, du bonhomme - c'est cela plus qu'autre chose qui a marqué tiou avec qui j'ai vu ce film. Dans un plan superbe, le président discute avec le journaliste, joue avec le journaliste, l'aiguillonne de citations, et la caméra les quitte pour glisser sur la table qui les sépare - des livres, des roches et un petit sphynx. Tout est là.

Pourtant, ce film n'est pas vraiment un film sur Mitterrand. Ce n'est pas ce que j'y ai vu, en tout cas.

C'est un film sur un vieil homme qui se meurt. Et qui, se sachant mourant, veut se raccrocher à la vie. Mais que, inexorablement, la mort envahit. Mitterrand parle politique, au début, il parle de sa vie, il parle de sa fille. Et, peu à peu, il se met à parler de sa mort. Encore et encore. Il visite les gisants de la cathédrâle de Chartre, il hante les cimetières, il relit les derniers mots des grands hommes qui l'ont précédé au tombeau. Il veut vivre, parle au futur, s'imagine un avenir, mais la mort est là.

Mitterrand était un homme de lettres - réécoutez, relisez ses discours, pour vous en convaincre. L'égal d'un De Gaulle, bien plus qu'un Giscard, incomparable à un Chirac. Et c'est ce qu'il y a de fort dans ce film : que la mort ronge son discours plus vite qu'elle ne lui ronge le corps.

Ce Mitterrand qui meurt, c'est mon grand-père, un peu. Et moi beaucoup.

Commentaires

1. Le mercredi 23 février 2005, 10:01 par mAnU

...et ça me gonfle assez d'être ici et de ne pas pouvoir le voir. Tu ne cites pas Pompidou, rappelle toi que Pompidou était un homme de lettres encore bien plus que les autres, et déjà par son parcours ce qui faisait sa particularité. En même temps, en face il a Giscard qui peut pas vraiment lui faire d'ombre. Et devine qui a fini à l'Académie Française ?

2. Le mercredi 23 février 2005, 15:19 par Obi-Wan

Jamais je n'aurais pensé une comparaison entre De Gaulle et Mittérand...
Et pourtant tu l'as fait...
Tout les oppose, que ce soit d'un point de vue idéologie politique, que parcours personnel. Ils ont fait la guerre à leur manière, chacun de leur coté, chacun profitant des opportunités qui s'offrait à lui...
A ce titre, si je devais comparrer Miterrand jeune à quelqu'un ce serait sans nul doute à Nicolas Sarkozi car c'est la même fougue et la même ambition dévorante qui les habite.
Et pourtant... Je suis Gaulliste devant l'Eternel (oui je sais le gaullisme est mort en même temps que le Général, mais n'est-ce pas un peu pareil avec le socialisme et Mittérand ?) et je n'ai connu que deux présidents de la république: l'un pendant 14 ans et l'autre depuis 10 ans... l'un de gauche, l'autre de droite...
Et bien non loin de m'offusquer de cette comparaison, je suis heureux que tu l'aies faites car celà permet de voir ces deux hommes comme il doivent être vus : des hommes hors du commun.

Obi-Wan,
Donneur d'avis...

3. Le mercredi 23 février 2005, 15:20 par Gaara

Sacré tonton quand même. Zauraient quand même pu attendre qu'il n'y ait plus d'os dans sa tombe susceptibles de se retourner avant d'en faire un film. Mais bon il parait que c'est la mentalité française qui veut que les figures politiques soient considérées comme artistiquement taboo et que de ce point de vue le film est une avancée. Alors qu'au USA (complétement par exemple), le ciné aime bien les exploiter ces figures (quand c'est pas l'inverse). Bon... à quand le film choc sur la liaison fatale entre Raff' et Lorie ?

4. Le mercredi 23 février 2005, 18:20 par mAnU

"(oui je sais le gaullisme est mort en même temps que le Général, mais n'est-ce pas un peu pareil avec le socialisme et Mittérand ?)"

Le socialisme était pas mort avec l'echec du programme commun en 72 ?
Fallait t'y attendre Fabrice, ça tourne forcément politique :)