Je préfère mon fan-club à celui de Dieu

Où l'Auteur fait encore de la pub au New-York Times...

Nicholas D. Kristof consacre sa chronique du jour dans le NY Times à un certain Rev. Dr. Matt Hale. Ce brave homme - un homme d'église, donc - est très officiellement un des chefs du mouvement Raciste Blanc aux États-Unis. Et quand on parle de racisme, là, on parle de gens qui feraient passer notre Le Pen pour un homme d'amour, de pardon et de tolérence. L'organisation de Hale - cela me fait encore un peu mal d'appeler ça une Église - publie un ouvrage appelé The White Man's Bible

That White Man's Bible says: We don't need the Jews, the [blacks], or any other mud people. ... We have the fighting creed to re-affirm the White Man's triumph of the will as heroically demonstrated by that greatest of all White leaders - Adolf Hitler. So let us get into the fight today, now! You have no alibi, no other way out, White Man! It's either Fight or Die!

Qu'il y ait des cons sur Terre, je m'y suis habitué. Qu'il y ait des racistes sur Terre, aussi.

Pour information, cet homme est devenu raciste au lycée en voyant des filles blanches embrasser des garçons noirs. I felt nauseous. Pour information toujours, et avant que quelqu'un ne dise bêtement dans un commentaire que, de toute façon, il ne s'agit là que d'Américains, il y a des gens qui ne m'adressent plus la parole depuis qu'ils m'ont vu embrasser un homme (et quel homme !) au Gala de Centrale Lyon. À voir leur tête, eux aussi avaient la nausée. Mais je m'écarte du sujet.

Ce qui me chiffonne, voyez-vous, j'ai déjà dû le dire mais je le redis, ce n'est pas tant que ces gens prônent la haine mais qu'il le fassent au nom de Dieu et des Évangiles. La forme, encore une fois, plus que le fond, je le crains.

Je ne suis pas croyant, pas plus que je ne suis communiste. Pourtant, cela m'attriste tout autant de voir l'utopie communiste dégénérer en stalinisme que de voir la belle utopie des Évangiles se pervertir en... ça. Dans les deux cas, on a un beau rêve d'amour entre les hommes, de solidarité, d'entraide. Et, dans les deux cas, cela tourne à la tuerie. Car, toujours pour information, Hale avait été arrêté pour avoir appelé au meurtre d'une juge fédérale - juge qui est rentrée chez elle la semaine dernière pour trouver son mari et ses enfants assassinés.

Le problème est bien sûr d'abord que les deux Testaments disent tout et leur contraire. Qu'il faudrait massacrer l'infidèle et lui tendre la main. D'accord, mais dans quel ordre ? Qu'il faudrait exécuter la femme adultère mais sans jeter la première pierre. Ça n'est pas très pratique, convenez-en. Qu'il faudrait rendre œil pour œil et dent pour dent tout en tendant l'autre joue. On frise la schizophrénie. Oh ! me dira-t-on, mais tout est affaire de lecture ! Les gentils croyants savent voir le vrai message d'amour, tandis que les méchant fondamentalistes pervertissent les Saintes Écritures.

Admettons.

Où met-on la limite entre les deux camps, alors ? Parce que les Juifs ne sont plus un peuple déicide que depuis Vatican II, sauf erreur de ma part ; l'Église catholique était donc du côté des méchants jusqu'alors ? Et puis, n'oublions pas non plus que les homosexuels pratiquants sont des abominations qui n'ont pas leur place à la droite ni à la gauche de Dieu. Qu'Il soit loué, moi, je n'en suis pas, ces temps-ci, de manière assez désespérante d'ailleurs. Mais cela fait tout de même quelques millions de personnes dans le monde sur lesquelles les "gentils" jètent l'anathème...

Là encore, je devine l'objection. Mets-toi à la place du Pape... Dans le système de pensée de l'Église, l'homosexualité ne peut pas être officiellement acceptée, cela serait complètement incohérent. Ah. Certes. Voilà qui me gênerait beaucoup, que l'Église se mette à être incohérente, en effet. Ceci dit, un jeune homme appelé Gaël Renoux a eu récemment cette phrase magnifique : Staline était intelligent et parfaitement sain d'esprit - enfin à part la mégalomanie et la paranoïa qui l'ont bouffé sur la fin - lui aussi était cohérent, quoi. Mais c'est surtout la deuxième partie de l'objection que j'attends. Celle où on m'expliquera que le rejet des homos, des divorcés remariés et de quelques autres par l'Église est une position purement formelle. Le Pape a toujours invité les chrétiens à faire preuve de compassion envers eux. Tendre la main, encore, donc. Mais avant ou après les avoir jeté hors des cathédrales à coup de pied au fondement ?

J'aime beaucoup le message des Évangiles - enfin, le message que j'y lis moi. Mais, au risque de blesser mes amis et mes lecteurs croyants, j'ai de plus en plus de mal à penser qu'il y a une différence de nature entre les Églises et les organisations fondamentalistes. Tout au plus une différence d'intensité.

Commentaires

1. Le samedi 12 mars 2005, 15:54 par Plantex

Je pense surtout que l'Eglise et tous les autres, avec leur différence d'"intensité" comme tu le dis, n'ont strictement rien à voir avec le fait de croire ou de lire les évangiles et autres ouvrages sacrés. Ils ont, pour la plupart, perverti les messages à des fins de pouvoir. Le seul bien que l'Eglise a pu faire, à mon sens, c'est d'avoir offert des églises aux croyants. Manque de bol, ils y ont rajouté tous leurs rites et autres déguisements. C'eût été un formidable lieu de tranquilité dans notre monde moderne.

2. Le mardi 15 mars 2005, 00:33 par Gaara

Gros problème que le rapport entre religions et tolérance (qu'on retrouve aussi par extension aux doctrines en général) : faut-il avoir une interprétation littérale des textes ou adapter le discours suivant les époques et les moeurs ? Adapter, interpréter, rajouter du miel et des cas particuliers c'est souvent prendre le risque de dénaturer. Suis-je encore catholique si je me définis comme membre de l'Eglise mais que je ne crois plus à la Trinité ? au diable ? Suis-je libéral si je suis un fervent adepte de la libre entreprise mais que je pense que la protection de l'environnement est devenu une priorité ? Suis-je cartésien si j'aime les sciences rigoureuses et la logique mais que j'attache beaucoup d'importance à mon horoscope ?
Je ne dis pas qu'on a alors affaire à quelque chose de moins bien, mais de différent. Il y a forcément des choses qu'un dogme proscrit, et les accepter cela reviens au final à changer de dogme. Peut on etre homo et voir dans la Bible un texte dicté par Dieu comme un patron dicte une lettre à sa secrétaire ?

Bon il est vrai que comme le souligne Fab, dans beaucoup de courants de pensées il arrive de lire une chose et son contraire. Alors quelle idée conserver ? (ou plutôt quelle vision adopter pour effacer les incohérences, puisqu'un croyant/adepte se refusera en principe à en admettre l'existence)
On aura envie de dire la meilleure. Encore faudrait-il que les valeures morale soient constante d'un individu à l'autre. Un bien objectif quoi. Et justement, on tourne un peu en rond du coup ... non ?