Faites-les taire !

Siouplait.

Commençons par une parenthèse. Commencer par une parenthèse, c'est le meilleur moyen de perdre le Lecteur.

Dans tous les sens du terme, d'ailleurs.

Il se perd dans votre prose touffue comme je me perds à Paris - et j'aime me perdre à Paris ! Ne rien reconnaître mais se sentir en son milieu ; voir défiler des immeubles semblables à ceux qu'on vient de dépasser mais différents pourtant ; ne pas savoir où est le Nord, ce qu'est le Sud, oublier l'Ouest, ignorer l'Est ; se croire rive droite quand on est rive gauche, rive gauche quand on est rive droite, se prendre pour le chat de Schrödinger sur l'Île de la Cité ; sauter d'un arrondissement à l'autre sans logique, comme l'aiguille d'un phonographe sur un disque rayé ; tomber tout à coup sur une rue du Monopoly et s'en émerveiller ; reconnaître tel décor de film, tel endroit où l'on s'était déjà perdu ; marcher jusqu'à un orteil de l'épuisement. Et, quand on en a assez, plonger dans la première bouche de métro et rentrer chez ses hôtes. La parenthèse est le Paris du Lecteur : il y va, il vient, il reconnait telle lubie de l'Auteur, telle tournure qu'il affectionne, telle obsession qu'il cultive - en un mot, il s'amuse. Et, quand il en a assez, il plonge au paragraphe suivant et retrouve la raison. Mais ce qu'il ne sait pas, le Lecteur, c'est que dès qu'il accepte de se laisser piéger dans une parenthèse, il est perdu. Perdu ! Comme Faust signant de son nom le contrat que lui tend Mephisto, il se met à la merci de l'Auteur. L'Auteur se joue de lui. Il le distrait, il le balade, il lui fait faire trois tour sur lui-même, une fois, deux fois, puis dans l'autre sens, il lui donne le vertige et, d'un coup sec, l'immobilise : c'est ainsi qu'on crée l'effet de surprise.

Néanmoins, ceci n'était absolument pas la parenthèse par laquelle je voulais commencer.

Poursuivons donc par une seconde parenthèse.

Il n'y a rien de pire qu'un homosexuel misogyne. Sinon peut-être un pédé qui se moque d'une folle. Ou d'un bear. Enfin, bref. Il n'y a rien de pire que quelqu'un qui réclame pour lui-même la tolérence, mais qui se permet de découper le monde en groupes de niveau. Il y a des Noirs qui ont leur carte du FN, il y avait des homosexuels nazis, les exemples ne manquent pas de ce travers dans lequel l'homme ne manque jamais de tomber. Un autre soir, j'en tirerais peut-être de bien grandes pensées sur la nature humaine, la grandeur de l'humanité et la petitesse des hommes. Mais laissons cela pour une autre fois. Je ne vous ai dit cela que pour vous dire ce qui suit.

Rien au monde ne m'insupporte plus qu'une bimbo jacquetant au téléphone dans un autobus.

Non, mais c'est vrai, quoi ! Vous êtes là, assis, essayant de lire tranquillement quelques pages de Vialatte après une journée éreintante de dur labeur et Madame (ou Mademoiselle - les demoiselles sont pires - surtout entre 12 et 50 ans) n'a rien de mieux à faire que de décrire à son interlocutrice, à l'autobus entier, à toute la Sainte Création même, les avancées laborieuses de la tiède et médiocre amourette de Leila pour un jeune homme dont le prénom m'a échappé ! Il ne veut pas lui parler ? la belle affaire ! Elle rêve de lui ? Grand bien lui fasse ! Mais qu'on ne m'implique pas là-dedans ! Qu'on me laisse lire ! Silence !

Les bébés ont pour eux d'être attendrissants même quand ils hurlent, même quand ils pleurent, même quand ils demandent très fort pourquoi j'ai un gros nez.

Les bellâtres ont pour eux d'être décoratifs.

Mais rien n'excuse les bimbos.

Rien.

Commentaires

1. Le jeudi 2 juin 2005, 11:10 par Xavios

Lol ! J'adore :) Il est vrai que c'est horripilant une conversation à voix forte dans un transport en commun.

Au moins baisser le volume de sa discussion, je sais pas... Enfin bref, tout ça pour te dire que je te comprends, mon FabriceD, et que je partage entièrement ta pensée. ;)

*En profite pour lui faire des bisous* ^_^

2. Le jeudi 2 juin 2005, 13:22 par Stitch

C'est marrant, j'ai eu le même problème avec un black, hier soir, dans le métro, qui hurlait dans une langue africaine incompréhensible à mes oreilles et à celles de pas mal de monde (au moins tout un wagon moins 2 personnes)...

Ceci étant dit, il était vigile et armé d'un rotweiler, alors je n'ai rien dit. Lâche que je suis !

3. Le jeudi 2 juin 2005, 15:00 par Rakh

J'ai fini ton Vialatte, Fabrice, merci encore. Et je m'associe aux deux précédents commentaires : les gens qui font profiter à tous de leur conversation téléphonique dans les transports sont bien soulants.

4. Le jeudi 2 juin 2005, 20:59 par Camille

Tu serais quand même pas venu à Paris en cachette, tout de même ?

5. Le vendredi 3 juin 2005, 09:03 par Val

moi j'ai juste des gens qui me crient dans les oreilles, mais litteralement..