Catastrophes annoncées

Surtout, ne paniquons pas.

La marine à voile doit beaucoup à Archimède. La marine à vapeur aussi, d'ailleurs.

Qu'il me soit permis une digression liminaire sur la marine à vapeur. Pour corriger une idée fausse. Le vocabulaire est trompeur, surtout le vocabulaire technique ; l'ingénieur généraliste se doit d'aider le quidam à en déjouer les pièges. Voyez : bateau à vapeur, cheval-vapeur. Qu'on me laisse préciser, avant de revenir à mon sujet, qu'on ne trouve pas dans les cales des bateaux à vapeur de ces grosses roues façon lunapark pour hamster où coureraient des chevaux-vapeurs. La marine à vapeur est beaucoup plus complexe que cela - ne serait-ce que parce que l'absence de cavalier-vapeur sur le cheval-vapeur rend périlleux le domptage - et qu'un cheval-vapeur non dompté n'entrerait pas de lui-même dans une roue pour hamster. (Il n'y tiendrait pas, de toute façon.) C'était une idée fausse que je me devais d'annihiler.

La marine à voile, disais-je, doit beaucoup à Archimède. La marine à vapeur aussi, d'ailleurs, ajoutais-je. Car c'est Archimède qui a dit qu'en principe les bateaux devraient flotter. Ce dont les marins à voile et à vapeur lui savent gré. Et ce qui, notons-le, comme tout principe, ne souffre d'aucune exception. Même pas le Titanic. Si l'on admet que le Charles-de-Gaulle flotte, que le radeau de la Méduse flotte et que mon père flotte (occasionnellement, au large des plages atlantiques, en recrachant l'eau par la bouche comme un très gros chérubin de fontaine versaillaise), comment ne pas admettre que le Titanic flotte encore ? Les sous-marins flottent entre deux eaux, les orages d'été flottent à grande eaux, le Titanic flotte sous les eaux. Ce n'est qu'affaire de style. Ce n'est pas un glaçon même énorme qui va donner tort à Archimède, tout de même. Et encore, énorme, n'exagérons rien : je doute que cet iceberg aurait suffit à rafraîchir la consommation annuelle de pastis de mon grand-père. (L'expérience mériterait cependant d'être tentée : l'iceberg est propre à la climatisation du pastis - ou du whisky, si vraiment vous n'aimez pas l'anisette - contrairement à la banquise qui, elle, est salée.) Bref, en principe, les bateaux flottent. Car Archimède était un homme de principe.

Il n'avait cependant pas parlé des avions. Génial mais pas visionnaire, Archimède. En principe, les avions volent, mais ce n'est pas grâce à Archimède. On ne sait qui a décrété cela, exactement. Mais l'actualité récente semble lui donner tort, en tout cas. Semble, seulement. Moins de mille morts en avion par an dans le monde, près de cinq milles dans le même temps sur les routes rien qu'en France. Les avions volent nettement plus que les voitures ne roulent, de toute évidence. Seulement, ils volent de plus en plus, du coup ils tombent de plus en plus. C'est comme les trous et le gruyère, tout ça. Et ça ne fait que commencer : le traffic aérien augmente, sans cesse. Et le taux de panne des avions reste stable. Bientôt un accident par semaine. On y arrive déjà, d'ailleurs - n'y serait-on pas déjà ?

Dans le même temps que les avions tombent, le prix du pétrole monte. Ils doivent se croiser quelque part. À la une des journaux, notamment.

Le plus dramatique dans la hausse récente du prix du baril est sans doute que Dominique Perben m'est récemment apparu comme admirable. Sympathique, du moins. Enfin, courageux, disons. Ce qui est déjà beaucoup. L'idée de limiter la vitesse sur les autoroutes à 115 km/h me semble une très, très bonne idée. Allez-y, hurlez, je m'en moque. Les prix du pétrole ne sont pas près de redescendre. Du pétrole, il y en a de moins en moins, il est de plus en plus difficile à obtenir, il s'extrait dans des zones dangereuses où l'on se bat justement parce qu'il y a du pétrole. Et plus on le brûle, plus l'atmosphére se réchauffe, plus le climat se fait violent. Et le moindre typhon envoie les plateformes pétrolières par le fond (Archimède n'a rien laissé dans son œuvre qui concerne les plateformes pétrolières, les experts s'accordent là-dessus), et le prix du pétrole monte en conséquence. Les plateformes, les prix, les avions se croisent au journal de Claire Chazal. Ils y valsent avec les cadavres, les rescapés et les naufragés de la route.

Ses résidus, son prix et sa rareté font du pétrole un triple problème écologique, économique et énergétique. Réduire la consommation, coûte que coûte, est du ressors des politiques. Les 115 km/h de Perben sont un geste dans ce sens. Et qui, accessoirement, réduirait la mortalité des transports autrement que la "liste noire" de l'aviation civile. On reproche assez aux hommes politiques de ne penser qu'à court terme, les yeux sur le calendrier électoral, pour ne pas leur reprocher d'enfin prendre conscience des problèmes liés au pétrole. Ce qui ne devrait pas les dispenser, ceci dit, d'aider ceux qui sont le plus frappés par la hausse des cours du brut - la TIPP flottante (rien à voir avec Archimède, non plus) est une idée séduisante.

Fermons cette parenthèse automobile et revenons-en à nos avions.

À terme, le moyen le plus sûr d'éviter que les avions ne tombent, c'est de ne pas les laisser décoller. Ne nous agaçons pas à chercher des moutons noirs du transport aérien : au rythme où nous y allons (130 km/h sur autoroute), dans une vingtaine d'années, le problème se résoudra de lui-même. Par panne sèche.

Commentaires

1. Le mardi 6 septembre 2005, 22:55 par Rakh

Voile ou vapeur, il faut choisir. Voiture ou bus. La guerre OU la paix. Tolstoï ou Dostoïevski. Mozart ou Bach. Rien n'est simple.

2. Le mercredi 7 septembre 2005, 08:38 par Monster Bill

Voile ou vapeur ? Que dire de la pédale alors ?

3. Le mercredi 7 septembre 2005, 10:25 par Bibi@CDI

À terme, le moyen le plus sûr d'éviter que les avions ne tombent est de limiter la vitesse sur les pistes de décollage à 115 km/h.

4. Le mercredi 7 septembre 2005, 17:43 par lolo

heureusement que le cerveau humain n'a jamais été aussi créatif que lorsqu'on l'oblige à réfléchir ...
Mais bon il faudrait quand meme que celui du PDG de Total, par exemple, commence à souffler à son propriétaire d'investir dans d'autres formes de carburants (afin qu'il ne reste pas le lobby du pétrole)...
J'espère aussi qu'on trouvera de meilleures idées que les 115 km/h qui, concernant la consommation d'essence, ne font gagner qu'un plein par an (soit disant ... car j'ai pas fait les calculs)... Le jour où on sera obliger de pédaler, ce sera de toute façon difficile d'atteindre les 115 km/h.

5. Le jeudi 8 septembre 2005, 22:04 par Pierre

Mmmmm
L'ennui est qu'à 115 km/h nos voitures sont moins polluantes qu'à 50km/h. C'est bien le problème, nos voitures sont construites pour ces vitesses (et plus).

L'idée de 115 est pourtant très bonne, car limitera sans doute à terme l'achat de berlines qui dépassent les 8l au 100km.. pour favoriser celui des C2, Forfour et autres jolies petites voiture.

L'ennui est que la solution c'est de ne pas rouler. Perben étant Perben, sa majorité sa majorité, et les beaufs des beaufs, n'espérons pas mieux de ce gouvernement, cela semble difficile.

6. Le jeudi 8 septembre 2005, 22:09 par Pierre

OUBLI:

la TIPP flottant est un outil économique, mais néfaste écologiquement parlant car favorisant la consommation et la poursuite des habitudes.

Et pourqui les riches pétroliers vivent-ils au Texas et pas à la nouvelle Orléans, c'est assez injuste je trouve. Classique diront d'autres.

7. Le vendredi 9 septembre 2005, 14:28 par Sylvain

Au fait, Fabrice... J'aurais besoin de quelqu'un pour m'aider à déménager une machine à laver à Clermont-Fd. En voiture. L'inconvénient c'est qu'elle est super lourde et moi super peu musclé... Tout ça pour dire que ce serait sympa de rentrer un WE à Clermont avec moi pour m'aider.
Et je te jure que nous ne dépasserons pas le 110.
Parce que Perben me fait bien rire. Si les gens sont trop cons pour ne pas voir d'eux mêmes qu'on consomme moins à 110 qu'à 130, ce n'est plus du ressort des politiques... La politique peut-elle être une solution à la connerie ambiante?
Car comme le disait Coluche, n'oublions pas que la majorité des Français est plus con que la moyenne...