Petit chosier

Forcément, c'est facile de faire le beau, de faire l'intéressant quand, comme certains, on a de gros tuyaux. Forcément. On parle de sa grosse voix de basse, sensuelle mais un rien effrayante, une voix de tonnerre, une voix jovienne, et tout le monde écoute. Forcément. On est regardé, car on est beau, car on est grand. Et, surtout, parce qu'on a de ces putains de gros tuyaux. Forcément. On fait rougir de plaisir les pucelles, on a toutes les pédales à ses pieds.

Qu'il me soit permis de dire que, franchement, séduire grâce à de gros tuyaux, la ficelle est un peu grosse.

Parce que le grand machin à gros tuyaux, là, vous le mettez au milieu de plus petits, de moins imposants, de plus frêles, il perd de sa superbe. Oh, il est toujours le plus grand et il a toujours ses gros tuyaux. Mais il y en a de plus agiles, il y en a de plus tendres, il y en a de plus violents, il y en a de plus doux, il y en a de plus forts, il y en a de plus charmants, il y en a de plus brillants. Et ce sont eux qu'on voit. Qu'on écoute. Qu'on aime.

Tout ça pour dire que dans sa transcription pour orchestre de la Passacaille et fugue en do mineur de Bach (qui est une pièce pour orgue, comme chacun sait), Respighi a laissé, perdu au milieu d'un orchestre tellurique, l'orgue.

Comme pour l'humilier. Comme pour se venger des gros tuyaux.

(Penser à se documenter sur la vie sexuelle d'Ottorino Respighi, à l'occasion ; ce doit être drôle.)