Petits bonshommes

Et petites bonnes-femmes, aussi.

J'aime la démarche des enfants : je viens d'en voir tituber un dans la rue.

La marche de l'homme, à bien n'y réfléchir, n'est jamais qu'une chute remise à plus tard. Une chute contrôlée. Comme l'orbite lunaire : la lune passe son temps à tomber sur la Terre mais elle le fait si vite qu'elle finit toujours par ne pas y arriver. (Comme quoi la précipitation ne mène à rien.) Ce sont Newton, des professeurs en blouse blanche et des équations sérieuses qui nous le disent. Mieux, qui nous le prouvent. À coup de dérivées secondes du vecteur position par rapport au temps - c'est vous dire combien la chose est fiable : la dérivée seconde prouve le sérieux de l'équation, comme la blouse celui du professeur. Soit dit en passant, je veux bien admettre, pour la forme, que nos professeurs avaient raison mais, sans vouloir leur jeter la pierre, comment voudraient-ils que le collégien s'y retrouve ? On lui demande de croire des gens qui posent l'impossibilité du pot-au-feu en principe et qui prétendent que si on tombe assez vite on évite le sol. C'est absurde. Le collégien a l'expérience de la partie de foot-ball de la récréation, lui, sur le terrain goudronné, plein de petits cailloux : il sait que plus on tombe vite, plus gros sera le trou dans le pantalon de velour. Et plus grande l'ire maternelle. Le seul phénomène compensateur qu'il connaisse à cette règle est celui qui fait que plus gros est le trou, plus spectaculaire est l'écorchure. Et plus tendre le calin maternel. Bref, encore une fois, les professeurs disent des choses bien étranges. Vraies peut-être, mais vraisemblables non.

Voilà qu'à force d'être dans la lune je me suis écarté de mon sujet. Pas si vite, rassurez-vous, que je n'y puisse retomber.

La marche de l'homme, disais-je fort justement, est une chute contrôlée, une chute remise à plus tard. Celle de l'enfant confine au quantique. Tant qu'on ne l'a pas vu poser le pied par terre, on ne sait pas si l'enfant marche encore ou tombe déjà. En fait, c'est la première partie du corps à toucher le sol qui décide : si c'est le pied, c'est un pas ; sinon, c'est l'annonce d'un hurlement. Cela les rend touchants, ces petits sacs à bave. Ce sont des funambules de la vie, le trottoir est leur fil : ils s'avancent les bras écartés, le public retient son souffle, l'issue est incertaine. On aimerait leur tenir la main, guider leurs zig-zags, les protéger. Mais ils s'en sortent sans nous.

À relire ce blog, j'en arrive à me demander si mon envie occasionnelle d'être père n'est pas liée qu'à l'envie d'éviter la chute d'un animacule à la démarche erratique.

Note pour moi-même : faire boire Romain plus que de raison pour valider cette théorie.

Commentaires

1. Le jeudi 13 octobre 2005, 19:01 par Monster Bill

Méfie-toi, Romain n'a rien d'un animacule. Et ses titubations quantiques risquent bien de t'entrainer avec elles dans l'incertitude statistique de la chute. Bien que guère animacule toi-même, il me semble que ta masse accompagnée d'une certaine dose de force appliquée au sol ne suffiraient pas à compenser la dérivée seconde du vecteur position de Romain, elle-même fortement excitée par l'accélération de la pesanteur.

2. Le vendredi 14 octobre 2005, 12:57 par Rakh

rien compris là non plus