Vertiges de l'amitié

Je n'y comprends que pouic.

Le cœur a ses raisons, dit le philosophe, que la raison ne connait point.

Plus qu'une citation, c'est un cliché ; on commence ses billets comme on peut. Difficilement, en l'occurence : car c'est un cliché inapproprié. L'amour, on n'y comprend rien, c'est connu. On s'y attend, on en fait des films, c'est merveilleux. L'homme d'affaire aime la pute, le prince la souillon, le chef comptable la responsable du service ventes. Moi-même, je suis amoureux et je n'y comprends pas grand chose, pour tout dire. Je passe mon temps à m'inquiéter de ce que tout cela est trop beau, à attendre un retour de bâton qui ne vient pas, à m'émerveiller de ce que tout cela soit. Mais, disais-je, tout cela est hors sujet puisque, aujourd'hui, c'est l'amitié qui me préoccupe. Quoique je ne sache pas exactement dans quel organe la physiologie fantasmée des sentiments la place, l'amitié. Je mise sur le thymus et je me lance...

Le thymus aussi a ses raisons que la raison ne connait point. Ma raison, en tout cas.

Comment se fait-il que la seconde personne la plus importante dans ma vie aujourd'hui soit aussi celle que j'insulte le plus abondamment et qui n'hésite pas à me rendre la pareille ? Comment se fait-il que des gens que j'appréciais me soient devenus étrangers, que j'aie pu me rendre insupportable à certains, détestable peut-être ? Comment se fait-il qu'avec certaines personnes trois mois, six mois, un an peuvent n'être que des parenthèses ?

Je n'y comprends rien, vous dis-je.

Je vous ai parlé de cette clique que je ne vois plus guère. Des Clermontois avec lesquels j'ai grandi. Ou, pour rétablir la vérité historique, minci. Bref de ces amis de dix ans qui font partie de ma vie depuis l'adolescence. Je les vois, parfois ; on se perd de vue, longtemps ; on se rejoint, de moins en moins régulièrement. Et ils sont tous là, toujours : ils retrouvent sans difficulté la place réservée pour eux dans mon euh... thymus. Il en est de même de quelques autres. Ceux que j'ai laissés au train hier soir, notamment. Comment expliquez-vous cela, vous ? Serions-nous des âmes-sœurs, des destins unis à jamais sous un ciel étoilé, des correspondances karmiques ? Ou serions-nous chanceux, tout bêtement ? Et, surtout, tout ceci durera-t-il ? Je vous dis, je n'y comprends rien.

Il y a, dans Art, une phrase terrible : On ne devrait pas perdre ses amis de vue, sinon ils vous échappent. Je ne sais pas si c'est lui qui a manqué de vigilance ou moi qui n'ai pas été suffisamment attentif, mais un ami et moi venons de nous perdre. Ou, pour jouer un peu sur les mots, nous avons laissé échapper notre amitié qui s'est brisée. Pas avec éclat, d'ailleurs. Tranquillement, dans le murmure étouffé de l'épave qui s'enfonce dans la vase. Nous ne nous comprenons plus. Nous n'en faisons plus l'effort. Depuis quand, d'ailleurs, fallait-il se forcer ? Tout ceci n'a plus d'importance, en fait. Mais, encore une fois, je n'y comprends rien.

Je n'y comprends rien mais cela, du moins, ne m'inquiète pas. Ni le passé ni le présent ne me font trop peur. Mais le futur...

Et si un jour venait l'insulte de trop ? Il y a sans doute une limite quelque part, consentie implicitement - saura-t-on voir un jour si le consensus cesse ? Il m'a blessé, une fois, d'une plaisanterie brillante. Je n'allais pas bien, ce jour-là, je le savais : j'ai su reconnaître que la blessure était largement autoinfligée. Mais la prochaine fois ? Ou si c'était moi, un jour, qui insultais quand je devrais consoler, ou écouter, ou sympathiser ? Et l'on voudrait que je ne sois pas stressé ! Je vais continuer d'insulter, cependant - que vaudrait la vie si l'on se privait de se comporter en connard avec les râclures ? Je vais continuer d'insulter en cherchant après chaque crachat de venin à croiser le regard de mon meilleur ennemi. Dans la peur d'y voir un jour plus de peine que de joie.

De pareilles pensées me brisent le euh... thymus.

Commentaires

1. Le lundi 28 novembre 2005, 23:10 par Camille

Tiens, au fait, c'est quand que tu m'appelles ? (et réciproquement ?) J'ai pas eu mon dialogue du mois !!! (mais j'ai chatté avec Romain, il est vrai.)

2. Le mardi 29 novembre 2005, 08:46 par Monster Bill

Il est en effet troublant, le moment où l'on se rend compte que l'amitié s'est brisée. Il est douloureux aussi. Et par dessus tout, oui, comme tu le dis, il porte en lui l'incompréhension. Et ça, c'est vraiment terrible. :-(

3. Le mardi 29 novembre 2005, 10:22 par Val

Ca fait bien longtemps que je ne te supporte plus, raclure.

4. Le mardi 29 novembre 2005, 18:00 par Virginie

Parfois, les insultes ne viennent pas à la fin, mais au début. Nous savons tous les deux que c'est bien aussi. Et puis au moins c'est original !

5. Le mardi 29 novembre 2005, 18:13 par Virginie

Ah, au fait, une précision qui a son importance : toute la clique a oublié les 25 ans de Sylvain...

6. Le mercredi 30 novembre 2005, 01:21 par saxeco

freud disait: "le premier homme qui, au lieu de lancer une pierre a lancé une insulte est le fondateur de la civilisation."

Depuis le temps que je cherchais à la caser cette citation.... :D

7. Le mercredi 30 novembre 2005, 22:17 par Sylvain

N'empêche, toute la bande de clermontois a oublié mon anniversaire. Alors que la bande de Lyonnais dégénérés et alcooliques de l'école véto, y' en a pas un qui a oublié !!!!
D'ailleurs, comme on me le fait très justement remarquer, c'est bien parce que je ne parviens jamais à me souvenir des anniversaires de personne que j'arrête ici de me plaindre... Mais quand même...

8. Le jeudi 1 décembre 2005, 09:39 par Obi-Wan

L'une des personnes dont l'opinion compte le plus pour moi m'a dit un jour, tandis que je lui disais qu'à mes yeux il était mon ami : " Brice, il n'y a pas d'amitié, il n'y a que des preuves d'amitié !"

Depuis ce jour, il doit être l'une des personnes qui reçoit le plus de preuves d'amitié de ma part...

Obi-Wan,
Plus dur en amitié qu'en amour...

9. Le vendredi 2 décembre 2005, 11:22 par Camille

Mince, je l'avais noté, pourtant, cette fois, ton anniversaire !!! Mais faut dire que je regarde jamais mon agenda. Je suis donc fort embêtée, surtout que je suis la première à téléphoner à Fafa pour lui rappeler de ne pas oublier celui de Virginie, cette année, ou de se souvenir que Loopy, c'est le 9, pas le 12. En somme, bon anniversaire, cher Sylvain.

10. Le vendredi 2 décembre 2005, 11:32 par Virginie

Ben c'est de ma faute, j'aurais dû vous le rappeler aussi... Mais bon, de toute façon si je n'étais pas là, il ne penserait pas souvent aux vôtres (il ne sait même pas quand son nés ses parents, alors...). Heureusement pour Noël, il va avoir un PDA !

11. Le vendredi 2 décembre 2005, 12:00 par FabriceD

Le PDA, c'est pour qu'il retienne la date de Noël ?

12. Le vendredi 2 décembre 2005, 14:17 par Virginie

C'est malin ! Si j'étais toi, je ne la ramennerai pas trop, FabriceD. Non parce que si tu vas par là, nous pourrions tous nous cotiser pour t'en offrir un, ça te serait presque aussi utile qu'à lui ! De toute façon il n'a pas besoin de retenir les dates : je le fais pour lui. Je suis son PDA géant (avec alarme surpuissante intégrée). Le PDA, c'est pour mettre dessus le DMV. Pas calmé, là ?

13. Le vendredi 2 décembre 2005, 20:27 par sylvain

Salaud, fabriceD !