Petit chosier

Il y a peu, j'ai reçu un mail d'un ami qui venait aux nouvelles. Cela m'a surpris. Il ne me viendrait jamais à l'idée de prendre de mes nouvelles : je suis un type béat qui, hors crises ponctuelles, va bien. Par définition. Alors je me suis interrogé : est-ce le silence de ce blog qui l'a inquiété ? a-t-il pris la résolution soudaine de reprendre contact avec des gens perdus de vue ? est-il tombé en rangeant de vieux papiers sur un dessin de wombat ? J'ai, dans un tiroir de mon bureau, parmi mille autre brimborions, une photo d'identité de lui qu'il m'avait donnée un jour par plaisanterie. Elle a passé bien du temps dans mon portefeuille, cette photo. À chaque fois que je tombe dessus, je souris et j'amorce un geste pour la jeter. Finalement, je la garde toujours : les couleurs ont passé, le visage a pris un teint verdâtre, on dirait un portrait de Warhol - un jour, cela vaudra des sous. Serait-il lui aussi tombé, me demandé-je, sur un vestige de nos folles années ?

Devant mon impuissance à répondre à ces questions, j'ai cessé de me tracasser. De m'inquiéter. De penser. Et, l'esprit vide de toute distraction, je me suis posé cette même question surprenante.

Alors, FabriceD, comment ça va ?

Eh ! bien, pour tout dire, je vais vachement bien. Certes, ma vie professionnelle est source d'insatisfaction ; certes, j'ai pris du ventre ; certes, le Pulitzer et le Nobel semblent hors d'atteinte ; certes... Mais, même énonçant ces contrariétés, je baigne dans un bien-être inédit. À défaut d'avoir un secret-minceur à révéler, j'ai un secret-bonheur. Qui n'en est plus vraiment un, de secret, n'y revenons pas.

L'ennui est que j'ai le bonheur moins interressant que le désespoir, il me semble. Ce blog, je l'ai déjà dit, en pâtit. Tant pis pour lui : moi, je vais bien, merci.