Petit chosier

À deux pas de chez moi, un magasin bizarre vend des machins exotiques. En vitrine, un gros cochon sphérique, poli et minéral, regarde, assis sur un petit tabouret en bois précieux, les passants pressés. À côté de lui, des girafes, en troupeau et en bois, des petites et des grandes, douces et élancées, font comme une forêt de cous, une canopée de têtes ébétées. À leurs pieds, des poules céramiques, des lampes biscornues, des choses étranges. Le bric-à-brac se poursuit derrière cet invraissemblable bestiaire, dans une pénombre ambrée et poussiéreuse au parfum de bois de sental.

Ce magasin est toujours vide mais, parfois, des gens en sortent. Ainsi ce monsieur que j'ai croisé, il y a quelques jours.

Il allait d'un pas allègre et semblait content de lui. Il avait à la main un grand sac en papier d'où dépassait, comme un périscope, un cou et une tête de girafe. Elle fixait la vitrine, de son regard idiot de girafe en bois : la plus grande des girafes du troupeau semblait la regarder s'éloigner. Sous son oeil, un nœud du bois dessinait une larme. Sait-on bien ce qui se passe, la nuit tombée, dans ces magasins bizarre qui vendent des machins exotiques ?

Je suis repassé, ce soir, devant cette vitrine : le cochon de pierre couvait une des poules d'un regard lubrique...