Emmerdeurs

Attention : ce billet contient 176% de vos apports journaliers recommandés (AJR) en clichés éculés.

Outre-Rhin, vingt-deux messieurs - des messieurs adultes, bien faits de leur personne, sains d’esprit - des pères de famille, pour certains - bref : vingt-deux messieurs courent après un ballon sous l’œil sourcillieux d’autres messieurs tout pareils. Tout pareils, mais jaloux : ils n’ont pas le droit de jouer à la balle avec leurs petits camarades. Pour compenser, on leur a donné un sifflet : ils s’amusent beaucoup.

Parmi les vingt-deux, onze brillent par leur seprit libre, fraternel et égal : ce sont nos petits gars. Les autres ne sont que des danseurs de salsa mal reconvertis.

Dans son salon, vautré dans son fauteuil, imbibé de bière, abruti de télévision, Roger Machetu vibre avec l’Équipe de France : il est un des leurs, ils jouent en son nom. À chaque but, Roger Machetu beugle un coup. Puis il reprend des chips.

Zidane est Machetu, Machetu est Zidane. S’en convaincre demande une certaine inclinaison pour l’abstraction, mais quoi ! La Constitution voudrait que des gens honnêtes, responsables et désintéressés se retrouvent en Chirac ; Machetu boudiné dans son marcel peut bien s’identifier à ces athlètes sculptés dans leur maillot.

Le sifflet de l’arbitre marque la fin du match : l’Équipe de France - que dis-je ! la France est en demi-finale. Roger Machetu éructe de joie. Il cherche comment partager son bonheur. Il pourrait honorer Lucette qui a acheté une nuisette bleu-blanc-rouge pour l’émoustiller. Il pourrait sortir Pépette, qui gémit devant la porte depuis le milieu de la deuxième mi-temps. Il pourrait. Au lieu de cela, il prend les clefs de la 405.

Lucette, j’vais faire du klaxon.

Car Roger Machetu fait du klaxon, comme Mozart faisait du piano : la place Bellecour est sa salle de concert, les riverains en sont son public. Toutes les rues sont bouchées, comme un intestin un lendemain de réveillon : Roger Machetu n’arrivera jamais place Bellecour. Mais peu importe : en attendant, comme tous les autres, il klaxonne. Et, tandis que les idolâtres du ballon rond se monoxyde-de-carbonisent les poumons, on se bat un peu partout pour quelques gouttes de pétrole.

Je ne suis pas de ceux qui reprochent aux Français de suivre l’Équipe de France, de trembler avec elle, de la soutenir. J’ai beau être de ceux qui la supportent plus qu’ils ne la soutiennent, je suis tristement conscient qu’il est plus aisé de s’enthousiasmer pour elle que pour notre actuel président, quelque respect qu’on ait pour la Constitution. Mais ces klaxons, ces cornes de brume, ces cris, cette fureur, ces vrombissements de moteur, ce bruit, cette hystérie, ce mépris pour ceux qui voudraient dormir, tout cela suffirait à me dégoûter du football.

Y suffirait, bien entendu, si l’inintérêt total de ce sport en tant que spectacle n’y avait pas déjà suffit.

Commentaires

1. Le lundi 3 juillet 2006, 09:11 par Monster Bill

Hi hi hi !

Très bon, comme toujours. J'aime particulièrement dans l'odre d'apparition :
- l'avertissement nutritionnel ;
- la chute du 3ème paragraphe (avertissement non-compris) ;
- l'identification contre-nature du peuple à son Président ;
- la bnanalité de la réplique de Machetu ;
- la mise en parallèle avec la pénurie réelle et organisée "d'or noir".

Quelques petits bémols, cependant :
- la coquille sur "esprit" dans le deuxième paragraphe ;
- le fait que tu penses que le football soit inintéressant en tant que spectacle.

Je m'explique : il est vrai que, de plus en plus, les matchs de foot sont des exercices dans lesquels les équipes, quelles qu'elles soient ou preque, cherchent à ne pas prendre de but, plutôt qu'à en mettre à l'adversaire. En cela, oui, le spectacle à énormément perdu de son intérêt : jouer à la passe à 10, nous le faisions déjà tous (peut-être pas toi, remarque :-p ) quand nous étions à l'école primaire.

Cependant, il est encore des équipes capables de coller 3 ou 4 buts à leur adversaire durant un match, quitte à en prendre 2 ou 3 elles-mêmes. Ces matchs-là sont, en général, intéressants car ils sont constitués d'actions rapides, qui se succèdent les unes aux autres, parfois parsemées de gestes techniques splendides. Bref, de véritables spectacles.

Je t'accorde toutefois le fait que ces équipes et ces matchs se font rares et que le dernier carré de cette coupe du monde n'en compte(ra) pas.

2. Le lundi 3 juillet 2006, 11:13 par Footix

Et un ! Et deux ! Et trois-ze-ro !

3. Le lundi 3 juillet 2006, 12:45 par Val

t'avais qu'a prendre ton fusil et en flinguer qqs uns, ca s'est vu..

4. Le mardi 4 juillet 2006, 09:00 par Obi-Wan

Le plus difficile pour moi est de commenter après avoir parcourru les commentaires précédents...

Je ne pourrai que faire remarquer que je ne suis pas sûr d'avoir vu une allusion faite à la hausse du moral des Français relative aux victoires de l'équipe nationale en coupe du monde.

Cependant, je partage ton enthousiasme étant donné mon aversion (ou presque) à ce sport.

Mais si le gage d'une stabilité relative de la nation passe par l'enthousiasme quasi collectif pour des sportif et non plus pour ses institutions, je pense que nous faisons face alors à une nouvelle révolution...

En même temps, le fonctionnement de l'Equipe de France de football (la précision est de taille car les autres Equipes de France ne sont pas autant supportées, hélas) semble refleter celui du gouvernement actuel : Domenech est le président, Zidane le premier ministre et en même temps le ministre de l'intérieur...

Serait-ce une prévisualisation des futures présidentielles ?

Obi-Wan,
J'extrapole n'importe comment moi ce matin...

5. Le dimanche 9 juillet 2006, 11:54 par Polatch

Tu vas voir quoi au ciné ce soir ?

6. Le mardi 25 juillet 2006, 21:36 par Stitch

Remarque, vu le vide qui suit, 176% c'était bien le minimum...