Petit bout de perfection

Plus c'est court, meilleur c'est.

À propos de février, qui arrive :

Les Anciens se faisaient une grande idée de son humidité. Ils le représentaient sous la forme d'une jeune fille qui retrousse sa robe bleue pour ne pas la tremper dans les flaques et porte un canard dans ses mains ; à son côté, une urne s'épanchait ; à ses pieds, un héron jouait avec un poisson. L'urne signifiait la pluie, et le héron l'humidité de l'atmosphère ; le poisson l'humidité des eaux, le canard l'humidité des surfaces de tangence entre les eaux et l'atmosphère. Ainsi, croyait-on à une humidité totale de février.

C'est d'Alexandre Vialatte, j'imagine que vous vous en doutiez : de son Almanach des quatre saisons, pour être précis.

Il est trivial de remarquer que certains artistes excellent dans la forme courte (Saint-Saëns, Villiers de l'Isle-Adam, Desproges...) quand d'autres ne s'épanouissent que lorsque le grandiose confine à l'interminable (Wagner, Tolstoï, Proust...). Ce qui l'est peut-être moins c'est de remarquer à quel point cela s'applique à Vialatte : ses romans sont merveilleux, certes, mais ses chroniques le sont plus encore ; ses chroniques forcent l'admiration, mais ses meilleurs paragraphes la déchaînent ; ses paragraphes sont un travail de bijoutier, ses phrases œuvre d'orfèvre. De son appartement face à la prison de la Santé, il écrivait en enfilant les phrases irisées et précieuses, comme on enfile les perles place Vendôme.

Le mois à Rome était affecté à Neptune, dieu des eaux. Februa présidait aux purifications, lustrations, ablutions, humidités et pédiluves. On avait les pieds tout mouillés, l'eau qui coulait des cheveux sous la nuque glissait tout le long de la colonne vertébrale et chatouillait à hauteur des reins. C'était affreux.

Quelle merveille.