Oui, et ?

(Page blanche.)

Me revoilà, donc. Fort bien ; et, maintenant, qu'écrire ?

Une bien belle idée m'est venue, l'autre jour : décrire la peur, l'angoisse, le désespoir de toute cette partie de la France qui voit le monde changer autour d'elle, sans qu'on lui demande son avis. Ca commence par l'Attac de la Place Carrée qui devient un Champion et ça finit par les Hollandais qui rachètent la maison de M'ame Dédions. Entre temps, les Chinois complotent pour qu'on paye l'essence plus cher, et Bruxelles voudrait qu'on arrête de picoler !

J'avais un super sujet, là. Mais comment le raconter ?

Idée de génie : des extra-terrestres envahissent le Berry ! J'avais tout en tête : le narrateur aurait été un gamin du pays monté à la ville qui vivrait l'invasion par ouïe-dire. La paranoïa des habitants avant l'invasion ; le racisme idiot du premier contact ; la vie qui essaie de continuer malgré tout ; les amitiés qui se lient. Les Marsiens, y vallent rien. Mais y en a quand même des bien. Tout cela, ç'aurait été la mère et la tante qui le lui auraient raconté, avec leurs mots à elles, lors de retours au pays ou de coups de fil.

Tout était là, il n'y avait plus qu'à écrire. L'Académie suédoise n'avait plus qu'à m'appeler. Et, satisfait de ce futur glorieux, je suis allé aux toilettes. Assis et grimaçant, j'imaginais les péripéties ; je rencontrais mes personnages ; j'écoutais les premiers dialogues. Quand, tout à coup, une question : restait-il du papier. Oui. Mais une autre question, aussitôt : mon histoire, la cambrousse, la peur, les extraterrestres, ça ne serait pas Signes de M. Night Shyamalan ?

Si. Mince. Alors qu'écrire ? Ecrire qu'on n'a rien à écrire ?

Rah, c'est le dernier film de Kitano !

Alors, quoi ?

Se taire.