Je me suis vendu au Grand Capital

L'Auvergne s'étant vue délaisser par ici, ces derniers temps, évoquons deux de ses enfants les plus illustres : Pascal et moi. (George Clooney viendra dans un second temps.)

Je me sens obligé de me justifier, tout à coup. Si, Pascal est illustre : il est de ces très rares philosophes incontestables dont la gloire est telle qu'un prénom leur suffit. Pascal, comme on dit Alain ou Socrate. (Même si Alain ne s'appelait pas Alain et que plus personne ne s'appelle plus Socrate.) Mais pas comme Pascal Obispo, par exemple.

Par ailleurs, Pascal est bien auvergnat : la porte de sa maison se trouve dans le jardin Lecoq à Clermont-Ferrand ; elle donne sur le petit pont qui franchit le bassin aux canards. Si la géographie et l'ornithologie ne suffisent pas, reste la preuve par Vialatte :

Pascal aimait tellement l'Auvergne qu'il naquit à Clermont-Ferrand.

L'Auvergne absolue, éd. Julliard, p. 107.

La littérature et les canards s'accordant, je tiens pour acquis que Pascal est un Auvergnat illustre. Mon cas est hélas plus douteux. Je ne me suis illustré que par l'honneur qui m'est fait de vous avoir pour lecteur. Et, avouons-le, je ne suis qu'un Auvergnat exogène : j'ai germé dans le Berry, on m'a rempoté dans la pouzzolane, je n'ai poussé qu'ensuite à l'ombre du Puy de Dôme. Je ne me réclame de l'Auvergne que pour attirer l'indulgence de Pascal, pour adoucir son jugement. Car, à travers les siècles, il me juge et me jauge ; son regard sombre comme la pierre de Volvic pèse sur moi.

Nous ne vivons jamais, mais nous espérons de vivre, et nous disposant toujours à être heureux il est inévitable que nous ne le soyons jamais.

Certes, mes études n'étaient qu'un passe-temps qui ne m'occupait qu'entre deux répétitions ou deux chapitres à écrire. Ma voie était tracée : je serais romancier-comédien. Je suis ingénieur et je n'ai pas mis les pieds dans un théâtre depuis cinq ans. Mais mon travail n'est qu'un gagne pain qui me nourrit entre deux chapitres à écrire... Qui essayé-je de convaincre ? Qui trompé-je encore ? Ouvrons les yeux. Je n'écris pratiquement plus : je réduis des coûts, j'améliore des performances, je rends possible le difficilement faisable. Ce qui n'est pas rien, mais je n'écris pas.

Dans In the Air, J.K. Simmons est Bob, un employé lambda d'une entreprise anonyme. Costume-cravate, air respectable, établi ; mais il n'y travaille qu'en attendant de vivre sa passion, d'ouvrir son restaurant, d'oser, dit-il depuis au moins quinze ans. Dans In the Air, toujours, George Clooney liste les choses qui nous lestent et nous empêchent d'avancer : toutes ces babioles qu'on achète, qu'on accumule ou qu'on se voit offrir. Toutes ces choses dont l'attachement rend chaque jour plus difficile de franchir le pas.

J'ai depuis une grosse semaine un nouvel ordinateur professionnel. Écran de 17 pouces, coque en acier brossé, un bel objet ; un objet aguicheur, un objet flatteur, un objet flagorneur. Ce modèle s'appelle EliteBook...

Faut-il y voir un signe ? Ce billet est le premier depuis qu'on m'a offert ce nouveau jouet : une semaine sans écrire, une pause dans la laborieuse résurrection de ce blog. Il y a sans doute un choix à faire : céder à l'EliteBook flambant neuf ou dompter ce vieux portable qui me sert à bloguer et dont la touche "a" ne fonctionne plus ? Ne pas choisir serait déjà un choix.

À voir.

Commentaires

1. Le mardi 9 février 2010, 13:30 par Pierre

Merci pour la citation de Pascal.
Pff, vendu !

2. Le mardi 9 février 2010, 13:31 par Pierre

de Vialatte, voulais-je écrire