Si, à quarante ans, tu n'as pas...

Sonnez synthétiseurs, résonnez trompettes : pression vérifiée, turbine activée, autopilote enclenché... Quelque part dans la Vallée de la Mort, un rocher de carton-pâte se creuse ; dans un rugissement mécanique, Supercopter décolle, fonce vers l'horizon, se dissout dans la lumière. Tant de technologie m'émerveillait : la cabine était pressurisée ; le gros bouton rouge passait en mode turbo ; un simple commutateur rendait l'hélicoptère complètement furtif. Je riais de ma naïveté passée : astéro-haches, cornofulgure, transmutation... Comment avais-je pu croire à ces bêtises !

Les filles de la classe étaient amoureuses de Stringfellow Hawke que jouait Jan-Michael Vincent. Je lui préférais la trogne de Santini. Je lui suis  resté fidèle : dans Les Septs Mercenaires, j'aperçois à peine Steve McQueen ; dans New York 1997, j'ignore presque Kurt Russel torse nu. Mais Ernest Borgnine...

Et puis il y avait Angel, qui me semblait l'incarnation de l'élégance : une limousine blanche dont la porte s'ouvrait, une cane blanche qui touchait le sol, puis un mocassin blanc, et il descendait, tout vêtu de blanc, un bandeau blanc sur l'œil. Je l'admirais tant qu'au collège le frère de Magalie Vidal, qui était plus vieux que nous, m'avait surnommé Blanche Neige et voulait me tabasser. Dans mes cauchemars prompts à virer au rêve, Hawke et Santini volaient (littéralement) à mon secours, tandis que, dans la cour de récréation, Céline et Coline prêtaient main forte à Magalie pour me protéger de ce butor.

Mon admiration pour Angel se heurtait pourtant à une limite : un détail, toujours, le ternissait. Sitôt descendu de voiture, il faisait signe à son escorte, une belle dame en blanc qui conduisait la limousine blanche. Elle ouvrait alors le coffre et en tirait une sorte de petite valise, de la taille d'une batterie de voiture, au sommet de laquelle trônait un combiné téléphonique. (Blanc, le combiné téléphonique.) Et Angel téléphonait à Supercopter.

Ce coup de téléphone, qui souvent pouvait sauver une vie, me le rendait un peu péteux, Angel : ce téléphone blanc, je le trouvais un peu tape-à-l'œil, pour tout dire. Sérieusement, qui de normal peut bien avoir besoin de téléphoner en sortant de voiture ? Était-ce tellement urgent qu'il ne pouvait pas marcher jusqu'à une cabine publique, comme tout le monde ?

Tout ceci m'est revenu en tête tout à l'heure, en raccrochant à la sortie du métro : j'ai trente ans, je n'ai pas de limousine blanche et je ne m'habille plus tout en blanc. Mais je suis, et mon ange est, et tous mes amis sont des péteux. Comme Angel.

Commentaires

1. Le mercredi 15 septembre 2010, 22:18 par Pierre

"Spring", pas String -fellow Hawke. pfff, je vous jure ;-)

2. Le jeudi 16 septembre 2010, 08:46 par FabriceD

Désolé, mais j'avais vérifié mes sources en écrivant le billet. C'est bien Stringfellow.

http://www.imdb.com/character/ch003...