Ambert

Paris est cinématographique ; Clermont-Ferrand, pneumatique ; Aix-en-Provence, picturale. Mais Ambert ? Ambert est à la fois papetière et littéraire : Richard de Bas y moulinait du papier ; Henri Pourrat y est né ; Alexandre Vialatte y repose. On penserait que, dans une ville de lettres, les mots auraient un sens. De fait, ils en ont un, mais qui n'est pas le sens commun : ils font quelques tours sur eux-mêmes, comme le touriste autour de la mairie ronde, s'en étourdissent et finissent par dire des bêtises.

Juillet part de bon matin de Clermont, il s'égare sur les chemins du Forez et arrive à midi à Ambert : il y grelotte, un peu surpris, et regarde sa montre. Serait-il en retard ? Aurait-il dépassé la Toussaint sans la voir ? Non, non : juillet est bien juillet, mais il fait 12 degrés.

Un sous-préfet arrive en même temps, tout frais nommé. Il pense grandeur de l'État, la sous-préfète rêve de garden-parties. Mais la sous-préfecture n'est pas bien grande et n'a pas de jardin. Cela s'appelle un chef-lieu d'arrondissement, cela ressemble à un gros bourg. Un tracteur passe, une vache égarée s'approche et commence à brouter l'œillet que le sous-préfet avait mis à sa boutonnière. Juillet s'éloigne et tous frissonnent : ce ciel gris, cette lumière pâle, ce vent glacial, ce serait donc l'été ? Mais que sera janvier ?

C'est qu'il ne faut pas lire Vialatte avant d'aller à Ambert : les gamins qui courent dans les rues, les tilleuls qui embaument, la statue barbue que les écoliers déguisent, le touriste peine à les trouver sous le soleil pâle. Tous doivent être dans les champs ou dans un lieu-dit au nom pittoresque. Ce sont les grandes vacances et la ville n'est plus habitée que du terrible Monsieur Panado.