Coq à l'âne

Il fut un temps, aux États-Unis d'Amérique, où tous les chefs d'orchestre étaient hongrois. George Szell à Cleveland, Antal Dorati à Minneapolis puis Washington, Eugene Ormandy à Philadelphie, Fritz Reiner puis Sir Georg Solti à Chicago. Ils étaient tous hongrois, sauf ceux qui étaient français, bien sûr : Charles Munch à Boston, Pierre Monteux à San Francisco, Paul Paray à Detroit. Il y avait bien des anglais, aussi, par moment : Sir John Barbirolli est passé à New-York et Leopold Stokowski a parcouru tout le pays. Arturo Toscanini était italien ; Dmitri Mitropoulos, grec ; Serge Koussevitzki, russe ; Bruno Walter, allemand.

Il aura fallu attendre Leonard Bernstein pour voir le premier grand chef américain né aux États-Unis.

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Leonard Bernstein aura été le premier grand chef d'orchestre né aux États-Unis. Ses professeurs : Fritz Reiner, hongrois, et Serge Koussevitzki, russe. Un de ses condisciples : Dmitri Mitropoulos, grec. Plus tard, ses disciples : Michael Tilson-Thomas, états-unien, Yukata Sado, japonais, etc.

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Le grand chef allemand Otto Klemperer, qui a eu une vie difficile, qui parce que Juif a dû fuir l'Allemagne alors que sa carrière naissait à peine, qui une fois aux États-Unis dut courir le cachet, qui mit le feu à son lit en fumant dans une chambre d'hôtel, qui tenta d'éteindre l'incendie au whisky, qui connut comme un été indien bien trop tard, ce très grand chef a eu un fils. Celui-ci, Werner Klemperer, est devenu acteur à Hollywood. Il eut une petite célébrité, brièvement, en jouant le Kolonel Kling dans Hogan's Heroes (en français, Papa Schultz). Ce rôle de nazi stupide, rigide et ridicule, il était très content de le tenir : c'était, disait-il en interview, sa vengeance pour les humiliations que sa famille, son père notamment, avaient dû subir.

Nonobstant, Otto Klemperer était un wagnérien hors pair.

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Laisserait-on entrer tous ces gens chez nous, aujourd'hui, avec leurs noms barbares ?