Carpentras

On y fait des Berlingots. On y trouve, comme dans toute ville moyenne, un coiffeur tous les cent mètres. On peut y marcher jusqu’au marché gare, parce qu’il y en a un, regardez bien. 

La ville a toujours l’air endormie, les petites rues du centre ville resserrées, désertes sous le soleil de Provence. Les habitants du coin y vont le moins possible : Carpentras, c’est la ville, c’est trop grand, et donc c’est moche. Jugement très injuste d’un point de vue touristique. Foyer d’implantation de juifs au cours du Moyen-Age, la ville a bien failli accueillir les papes français à la place d’Avignon. Une belle synagogue, une cathédrale, de belles maisons de ville et monuments imposants valent ainsi le coup d’œil.

Mais l’essentiel est ailleurs. L’été, la ville accueille une brocante. Le voyageur impénitent aime les brocantes. On y voit souvent les mêmes choses, les mêmes gens qui essaient de se débarrasser d’objets ignobles, mais c’est prétexte à une balade qui permet le plus souvent de découvrir des endroits insoupçonnés. Office de tourisme de Carpentras, un début d’après-midi d’août, il doit faire 50°C au soleil. Une jeune dame nous renseigne, ah oui, la brocante du marché gare, c’est bien simple il suffit de descendre l’avenue Victor Hugo, vous continuez et vous y êtes. Merci madame. On laisse la voiture, il fait beau, on marchera ; c’est le but. On égrène les ronds-points, les concessionnaires d’automobiles, les marchands de meubles. Il se succèdent à n’en plus finir, avec une régularité confondante : un rond-point, un concessionnaire, un marchand de meubles, oh, une jardinerie, tiens, et cela recommence. La descente de cette avenue interminable qui ne s’appelle plus avenue Victor Hugo depuis longtemps nous fait douter un instant, parce que ce marché gare, on ne vous indique jamais dans quelle direction il se trouve. Cela doit faire trois quarts d’heure que l'on avance, on a perdu deux litres d’eau malgré le mistral et ô, miracle, une voie de chemin de fer traverse l’avenue. Ha ! Deux neurones ont pu se toucher même si le cerveau est nettement moins irrigué qu’au sortir de l’office de tourisme. Un panonceau de type « lieu-dit » confirme le pressentiment d’une conclusion rapide. On tourne à droite, on marche encore un bon cinq cents mètres parce que tomber sur ce marché gare si vite aurait été trop simple, et là, merveille des merveilles. Un grand espace ressemblant à une friche industrielle (on penserait les lieux désaffectés alors qu’ils doivent servir en temps normal), un millier d’exposants en plein cagnard, c’est désolé et glauque. Cela pourrait avoir le charme qu’ont parfois les vieux sites industriels délaissés, mais non. On se console comme on peut, on voit en arrière-plan le Ventoux et les dentelles de Montmirail. On se rembrunit bien vite, la perspective du retour par le même chemin qu’à l’aller, le plus court, étant évidemment des plus réjouissantes.

Le voyageur impénitent y regarde maintenant à deux fois, quand il pense « brocante ».