Billet n°414 : Où l'on rend hommage au temps jadis...

Résumé des épisodes précédents

Par une froide nuit d'hiver qu'une lune glacée plongeait dans une obscurité laiteuse, alors que le hibou lugubre ululait au loin et que la chouette effrayait les passants, alors que l'inspiration peinait à venir à l'Auteur qui attendait la muse et, l'attendant, s'amusait au Tetris, alors que l'année commençait dans l'odeur épaisse, acide et fromagère de la raclette mal digérée, alors que des cafards festifs erraient dans l'évier pour y finir les verres oubliés, bref, par une froide nuit d'hiver, un invité frappa à la porte et l'Auteur l'ouvrit. (La porte, pas l'invité.) L'invité arrivait avec sa muse, quand l'Auteur n'en avait plus ; il s'installa au clavier, et blogua, blogua, blogua. On ne revit plus jamais l'Auteur. Jusqu'à ce que...

Une pluie lourde et molle mouillait à grosses gouttes les rues de Lyon cette nuit-là. L'eau cascadait le long des reliefs fatigués que l'asphalte recouvrait. Cloportes et limaces lascives s'allongeaient dans les flaques liquides. Les longs lombrics longeaient les feuilles mortes que la pluie plaquait au sol. La terre avide s'abreuvait du nectar que Jupiter lui envoyait.

(Des Auteurs plus sensationnalistes ou moins paresseux auraient poursuivi cette description, auraient parlé de la résistance des réverbères aux éléments déchaînés, mais à quoi bon ? La rue était calme, il y pleuvait, certes, mais il ne s'y passait rien. En revanche, à la façade d'un immeuble, une fenêtre brillait. Coupons court, donc.)

Malgré la pluie, à la façade d'un immeuble, une fenêtre brillait.

*   *
*

Ç'aurait pu être une ancienne gloire du cinéma muet, un play-boy sur le retour ou un mafioso distingué ; ce n'était que l'Auteur, dans sa tenue d'intérieur, tel qu'il passait désormais ses journées : dans sa robe de chambre mordorée, il avait ce charme grandiose et fané des gloires passées, celui de ces palaces de villes thermales dont les stucs s'effritent, les ors se ternissent et les tapis perdent leurs couleurs sous la poussière. Il passait ses soirées entre son cabinet à alcools, un globe d'acajou marqueté, et son fauteuil club dont le cuir fauve s'accordait au cognac qu'il venait se servir.

L'Auteur s'assit et porta le verre à ses lèvres et, à peine le liquide eût-il touché ses lèvres, il se figea. Dans un récit de moins bonne tenue, il aurait écarté lentement le verre de sa bouche, l'aurait fixé avec des yeux écarquillés où aurait tremblé un instant une étincelle d'horreur avant que son regard ne s'éteigne ; le verre échappé se serait fracassé sur le parquet et le feu de la cheminée aurait dansé comme un farfadet joueur dans le cognac répandu ; son corps, empoisonné, mort, se serait affaissé dans le fauteuil. Il aurait fallu inventer un détective qui aurait vainement relevé des indices et un professeur d'un lycée voisin qui aurait finalement résolu l'affaire.

Mais ce n'était pas la mort que l'Auteur avait aperçu dans son cognac : comme la geisha au fond d'un verre à saké du meilleur goût, c'était sa muse qui était revenue.

L'Auteur s'est alors levé et, d'une voix encore mal assurée, dit à son invité :

J'ai une idée de billet.

Fin du billet n°414 : Où l'on rend hommage au temps jadis...

  • L'Auteur renouera-t-il avec l'écriture ?
  • Arrivera-t-il enfin à commencer un billet à propos de J. Edgar, de Clint Eastwood ?
  • Dira-t-il deux ou trois mots de Kingsley Amis ?
  • Verra-t-on enfin des dessins de wombats sur ce blog ?

Vous aimeriez bien le savoir, hein ?
Eh, bien ! Rendez-vous au prochain billet !

Commentaires

1. Le lundi 30 janvier 2012, 08:46 par bertrand

Chic chic chic !

2. Le lundi 30 janvier 2012, 20:47 par Bill

Ben pour un retour, c'est un bon retour. Ton style me manquait. Et vivent les allitérations !