Le classement Elo

Ces derniers temps, on pouvait entendre quelques bruissements dans le petit monde des échecs : Magnus Carlsen allait peut-être exploser le record du meilleur classement jamais obtenu par un joueur d’échecs, depuis qu’on l’utilise. Ce classement avait été atteint par Garry Kasparov peu avant qu’il ne décide d’arrêter de jouer aux échecs : 2851 Elo. Elo ?

Arpad Elo était un professeur de physique américain. Il a inventé dans les années 1960 le classement qui porte son nom, qui a été adopté par la Fédération Internationale des Échecs dans les années 1970. Elo est parti d’un constat simple : deux joueurs de force équivalente doivent avoir le même classement ou presque, et plus leur classement est éloigné, plus le joueur le mieux classé a de chance de remporter une partie contre le joueur le moins bien classé. Avec un peu de statistique, Elo a pu valider une intuition simple : les performances relatives des joueurs d’échecs, en tournoi, se distribuent selon une loi normale (en réalité, elles suivent plutôt une loi logistique, les formules de calcul ont été adaptées depuis). Restait à fixer quelques niveaux de référence pour que tout le monde s’y retrouve, et le tour était joué.

L’écart de niveau entre deux joueurs peut être évalué s’ils ont disputé entre eux (ou avec des joueurs dont on connaît le classement) un nombre de parties suffisant pour être significatif. Cet écart permet de quantifier une probabilité qu’un joueur gagne par rapport à un autre, dans les tournois à venir. Elo a converti la probabilité de gain d’un joueur contre un autre en une mesure qui exprime l’écart de niveau entre les joueurs, ce qui permet de classer tous les joueurs, y compris ceux qui n’ont jamais joué ensemble.

À sa création, le classement Elo s’appuyait sur les niveaux de référence très simples suivants : un joueur qui vient d’apprendre les règles a 1000 points et tous les grand-maîtres internationaux ont d’office 2500 points. Quelques calculs plus loin, vous jouiez en club un minimum de parties et vous pouviez avoir votre propre classement ! Elo avait prévu que les maîtres internationaux seraient classés autour de 2400 et que le champion du monde plafonnerait autour de 2650, 2700. Résultat des courses, aujourd’hui près de 40 joueurs dépassent les 2700 (dont quelques français), et six joueurs sont au-delà des 2800. Un jeune joueur brillant, Carlsen, talonne les sommets atteints Kasparov : 2851, Arpad doit s’en retourner dans sa tombe.

Le classement Elo permet tout un tas de calculs pratiques, du genre : selon la moyenne des classements des joueurs d’un tournoi, combien de points puis-je espérer faire si je joue au niveau auquel je suis classé ? Également, vous savez qu’à moins de 26 points d’écarts avec votre adversaire, vous avez autant de chance de le battre que de perdre ou de faire nulle. Idem, s’il y a plus de 700 points d’écart entre vous et un joueur, votre probabilité de gagner si le joueur est le mieux classé est de moins de 1%. Le classement Elo ne tient pas compte de votre état de fatigue, des moments de stress d’une partie, qui influent bien sûr sur le résultat final au-delà des chiffres théoriques. Mais il est très fiable.

Pour l’anecdote, votre serviteur a tourné autour des 2000 points, soit un niveau de joueur de club honorable, et a déjà gagné une partie contre un 2200. C’était une partie semi-rapide…