Tabula rasa

Cela faisait longtemps que l'idée nous trottait dans la tête, que nous en parlions sans nous voiler la face. Maintenant c'est chose faite. Lassitude et contentement mêlés nous y auront poussé.

Plus de 5000 disques, la dernière fois que je les ai comptés : bien des raretés, comme ces Introuvables d'Igor Markevitch, encore en vente il y a peu sur ebay à des sommes à trois chiffres. (On ne les trouve maintenant même plus nulle part, ni chez les disquaires, ni sur ebay, amazon ou arkivmusic. Nulle part.) Ou comme ce concert de Joseph Hoffman, à Carnegie Hall en 1938, que j'ai finalement trouvé après des années de recherche chez un petit disquaire de Soho à Londres ; ces Great pianists of the century, excellente série de doubles CD de Philips maintenant épuisée, qui s'arrache aujourd'hui à des prix indécents.

Pour l'essentiel, nos chers artistes nous auront accompagnés pendant une bonne dizaine d'années avant de tirer leur révérence pour aller flatter d'autres oreilles bienheureuses. De cette trentaine de Variations Goldberg, je ne garde qu'une version : celle de Murray Perahia, qui tutoie les anges. Même pas une de Glenn Gould. De ces sept intégrales des symphonies de Sibelius ne nous resteront que l'impeccable troisième de Kurt Sanderling et la deuxième de Bernstein (jeune). Foin des quantités, de ces redites verbeuses, de l'écrasant et vain surnombre, de ces 13 Cinquième symphonie que nous avons tant et tant écoutées. Et que dire pour la défense des symphonies de Beethoven ? De la centaine sur le mur, bientôt plus une seule ne sera plus là pour nous rappeler que le vieux sourd fut bel et bien, avec Bach, le compositeur le plus génial de l'histoire de la musique.

Adieu, cires révérées. Adieu, galettes chéries. Jeudi soir, nous nous séparerons et pourrons démonter le meuble ; le réorganiser. Car il sera vide, prêt à accueillir tous ces livres trop en vrac dans la bibliothèque qui lui fait face.

Vous l'aurez compris, Fabrice et moi avons vendu notre collection de disques.

Post scriptum du 2 avril 2012. J'avais aussi en tête un texte ou j'aurais défendu froidement mon vote pour Nicolas Sarkozy. Sérieusement, vous auriez cru Fabrice capable de se séparer de sa chère Fonderie d'acier (Mossolov) ou du Fragment de l’Apocalypse (Liadov) ?

Commentaires

1. Le dimanche 1 avril 2012, 13:37 par Bill

Oh! Avez-vous senti ce bouleversement dans la symphonie de l'univers ?