Premier tour

J'aime voter. Ce droit m'est acquis quand il ne l'est pas pour des millions d'individus sur terre ; rien que cela justifie que j'aille voter, et le plaisir de l'acte n'en est que renforcé. J'aime retrouver dans ma boîte aux lettres, quelques jours avant le premier tour de scrutin, le matériel de propagande électorale. J'aime parcourir les feuilles A4 des candidats, les lire parfois, rire souvent. Le jour venu, j'aime me rendre au bureau de vote. J'aime le cérémonial qui s'y déroule. J'aime corriger de temps en temps, pour la forme, l'assesseur qui lit mal mon nom et s'effraie illico qu'il y ait une possible erreur, que je ne sois en fait pas moi. Je ne trouve pas qu'on vote trop souvent ; c'est assez, ce n'est pas trop, comme le dit si bien Bobby Lapointe dans une de ses chansons loufoques. J'aime le rituel peut voter / a voté ! qui ponctue les quelques minutes qu'on passe dans l'école voisine. Je n'aime pas le petit pincement coupable qui me saisit, lorsque je repars après avoir répondu que non, je ne souhaitais pas revenir pour le dépouillement. Je garde peut-être enfoui en moi (je dis cela parce que je n'arrive pas à m'en rappeler avec précision) le souvenir d'être resté, enfant, des heures à attendre que mes parents dépouillent. Pourtant, j'aime me dire qu'un jour je répondrai oui à la question du président du bureau de vote. J'aime croire aussi que le droit de vote et les progrès démocratiques ne peuvent que se répandre dans le monde.