Non bis idem

Ce n’est pas parce qu’une chose a été dite qu’il ne faudrait pas la répéter. De tout temps, les hommes etc. Ainsi des plus grands artistes : Schubert ou Beethoven composaient en se répétant, dix minutes de pom pom pom pom, il y en a un peu plus je vous le mets quand même, ils répétaient en composant et l’on ne leur en a pas tenu rigueur. Ainsi des plus grands artistes : hormis son Fidèle berger, tous les romans de Vialatte semblent une variation sur le même thème, des enfants, une sous-préfecture, l’appel du lointain, monsieur Panado, le titre de l’un devient un élément de décor du suivant, La Dame du Job se retrouve au mur des Fruits du Congo, tous les romans de Vialatte semblent une variation sur le même thème, et tous sont pourtant merveilleux. Ainsi des plus grands artistes : Joe Dassin lui-même, avouez que vous ne l’attendiez pas ici, Joe Dassin lui-même alla siffler là-haut sur la colline, zaï zaï zaï zaï, notez bien, zaï zaï zaï zaï, il aurait pu siffler là-haut sur la colline, zaï, tout simplement, mais non, Joe Dassin lui-même aimait se répéter.

Ce n’est pas parce qu’une chose a été dite, disais-je, qu’il ne faudrait pas la répéter. L’époque est d’ailleurs à cela : les hommes politiques se posent d’écran en écran, comme un vol de perroquets, bruyants, distrayants et un peu ridicules, répétant encore et encore leurs phrases apprises à la volière ; les agences reprennent en leurs dépêches ces formules sans les reformuler, par souci d’objectivité ; les journaux reprennent en leurs pages les dépêches en les reformulant, par souci d’originalité ; les commentateurs commentent, les analystes analysent, les rieurs rient. (Il n’y a pas de quoi.) Quelque part sur l’Internet, quelqu’un remarque le procédé et le dénonce en un message bien troussé. Les internautes indignés de reprendre le message, de le partager à l’identique, de le retweeter. L’époque est à cela.

Ce n’est pas parce qu’une chose a été dite, donc, qu’il ne faudrait pas la répéter. Cela se fait beaucoup au cinéma, d’ailleurs. Combien de King Kong, combien de Dracula, combien de Police Academy ? John Carpenter, dont je devrais dire plus souvent du bien, John Carpenter a érigé la répétition en méthode, lui qui dit ne réaliser que des remakes. Sans doute, cependant, a-t-il épuisé le filon en réalisant un remake (Los Angeles 2013) d’un de ses propres films (New York 1997) : Plus les choses changent, plus elles restent les mêmes, avoue le personnage principal.

Ce n’est pas parce qu’une chose a été dite, me suis-je dit ce soir, qu’il ne faudrait pas la répéter. Et je me suis demandé un instant si je ne pourrais pas vous leurrer, ô Lecteur, et peut-être même vous satisfaire, en répétant un billet ancien. J’en aurais choisi un pas trop poussiéreux, pas trop craquelé : un léger coup de plumeau, au plus, et le tour était joué. Un échange gagnant-gagnant : j’aurais eu l’impression d’écrire, vous auriez lu.

J’ai pourtant fini par renoncer. C’est qu’il serait malhonnête, n’est-ce pas, de meubler ici à coup de répétitions.

Commentaires

1. Le samedi 8 septembre 2012, 15:26 par Bill

Ne serait-ce pas déjà une répétition en abime?