A faire avant 30 ans

A 16 ou 17 ans, j’avais écrit un poème dont le titre était A faire avant 30 ans. J’y listai quelques choses et d’autres plus ou moins réalistes, et vous avez bien de la chance que je ne me souvienne que du titre. (A ce propos, pourvu que ma mère ne retrouve jamais de poèmes de jeunesse au fond d’un carton ; j’en ai jeté beaucoup ; j’espère en avoir jeté assez, sait-on jamais.)

A faire avant 30 ans, quelle drôle d’idée. Si j’ai un jour, je ne sais pas, 80 ans, je suis persuadé que j’aurais alors de toute façon toujours l’impression d’en avoir encore 20. Le temps passe, on prend, on fait les choses comme elles viennent, sans trop de préméditation, et c’est finalement très bien comme ça. Je n’aurai probablement jamais lu les Collected poems de Derek Walcott ou le Don Quichotte de Cervantes ; il y a peu de chances que je change radicalement de boulot ou que je publie jamais un livre. Doit-on avoir pour autant des regrets plus fondamentaux concernant les choix qu’on ne fait pas, à tant de moments de la vie, ou sur des limitations personnelles ? Plus je vieillis et moins je le pense.

Il faut dire que j’ai la chance de l’avoir belle, la vie ; de bien la gagner, et d’une façon que je juge intéressante ; de me permettre raisonnablement les loisirs et distractions que je souhaite avoir, ce qui agrémente le quotidien ; d’être entouré d’une petite famille, de quelques bons amis, de quelqu’un que j’aime, ce qui le rend plus heureux encore. Le seul vrai hic dans tout cela est que je ne vois pas bien pourquoi elle devrait s’arrêter un jour, la vie, mais on touche à des questionnements que je remets à plus tard.

Au plus tard possible, si vous voulez bien, car ces idées-là pour l’instant s’envolent comme le brouillard qui fuit on ne sait où avec le jour qui se lève sur le Rhône, les matins d’hiver. Car à 30 ans, on a bel et bien toujours l’impression d’en avoir 20.