Simon Hantaï au Centre Georges Pompidou

À quelque chose malheur est bon. Cette expression ne veut pas dire grand chose, et pourtant c’est bien le moment ou jamais de l’employer. Ma journée de mardi aura principalement consisté à patienter affalé sur un canapé en simili cuir, pour ne pas gagner à un jeu télévisé.

Alors que faire ? Filer au Centre Georges Pompidou !

Les collections permanentes sont toujours aussi impressionnantes. L’une des expositions temporaires est une rétrospective de l’œuvre du peintre français Simon Hantaï (1922-2008). Elle est remarquable, et je suggère à tout amoureux de la peinture, de la couleur, de s’y ruer.

Hantaï a eu plusieurs périodes. Une période surréaliste dans sa jeunesse, plutôt noire, pleine de symboles et de bibelots ; je n’aime pas cette peinture, je suis mal placé pour en parler en bien. (Je vous donnerais tout De Chirico, tout Dali et tout Magritte pour, disons, un ou deux Rothko.)

Les périodes suivantes, surtout celle des pliages, ont révélé son style, qui l’a conduit à produire de grandes choses émouvantes. Le peintre pliait donc la toile, la nouait à intervalles réguliers, et jetait ses peintures acryliques dans les creux restants. Ça a donné les Mariales, pleines de feuilles du tissu de la toile non peinte au milieu de rouges, de bleus puissants, de beiges brique. Cela rayonne, on dirait des vitraux. Puis vinrent les Meuns, du nom du village où le peintre à habité en région parisienne, suivis des Études et des Tabula. Ces grands formats à l’apparence de simplicité sont saisissants, magnétiques : ils vous scotchent. On a du mal à décrocher le regard de ses subtils quadrillages de couleur griffés de blanc, de leur régularité rompue par le détail des emplacements vierges des nœuds pratiqués par le peintre, ou des pans qu’il aura repliés dans les Meuns, et qui font ressembler ces œuvres à des pensées (la fleur) ou des géraniums stylisés géants.

Les presque trente dernières années de sa vie, tel Sibelius reclus dans sa campagne, le peintre n’a plus peint ou presque. Il a même découpé les Tabula gigantesques par leur taille et qui avaient fait son succès à Bordeaux, au début des années 1980. Ultime geste artistique censé se rapprocher des découpages-collages de la fin de la vie de Matisse, qu’Hantaï admirait ? Moments d’incertitude sur l’œuvre créée et déjà prisée par le public ?

Jetez un coup d’œil sur Google images pour avoir une idée d’à quoi ressemble la débauche de formes et de teintes qu’ont les grandes toiles d’Hantaï, dans sa maturité. L’émotion des vraies est à portée de main, jusqu’à fin septembre au Centre Georges Pompidou.