Les Variations Goldberg : un aperçu discographique

J’avais parlé des Variations Goldberg ici il y a quelque temps. Ces variations sont parmi les plus célèbres de l’histoire de la musique ; elles sont très enregistrées. Jouées de nos jours au clavecin comme au piano, il en existe également toutes sortes d’arrangements étonnants (orgue, trio violon alto violoncelle, harpe, trio de clarinettes, deux violes de gambe…). On doit plus ou moins facilement trouver 200 interprétations et plus de ces variations, depuis la pionnière Landowska dans les années 1930.

Au fil des années, ayant une tendresse particulière pour le morceau, j’ai acquis certaines des belles versions de la discographie. Il ne doit pas m’en manquer beaucoup. J’ai aussi eu l’occasion d’entendre parmi les pires, et par des interprètes que j’aime beaucoup (Keith Jarrett au clavecin, par exemple). Contentons-nous du meilleur et taisons le médiocre.

De quoi s’agit-il ? Une aria qui énonce le thème à la basse, 30 variations, et reprise de l’aria. Les variations sont de trois types : pièce de caractère, pièce de virtuosité et canon, le tout dans une écriture à trois voix (sauf le quodlibet, dernière variation, qui est à quatre voix). Les enjeux sont donc multiples pour l’interprète : avoir des doigts, faire entendre l’écriture contrapuntique, caractériser les pièces à bon escient, avoir le sens de l’architecture du morceau pour en assurer la cohérence d’ensemble. Il s’agit aussi de ne pas lasser : si on fait toutes les reprises, il faut environ une heure et quart pour jouer l’ensemble.

A tout seigneur tout honneur : Glenn Gould. S’il n’est pas le premier à avoir enregistré le morceau, il a vendu son enregistrement de 1955 à des millions d’exemplaires, ce qui l’a fait connaître en même temps que les variations. Il existe plusieurs enregistrements de Gould, tous au piano. Ceux que je connais : 1954 (radio, oubliable), 1955 (hypervirtuose, bondissant, en un mot jouissif), 1959 (live à Salzbourg, lumineux et souverain), 1981 (quelques mois avant de mourir ; l’aria semble désespérée mais l’ensemble, même si l’interprète s’est un peu assagi, n’a rien perdu de sa cohérence et du côté dansant par rapport à la version de 1955).

Les grandes versions historiques : Landowska 1933 (au clavecin, ferme et rugueux, clavecin Bontempi et qui sonne plus fort que bien des pianos), Arrau 1942 (au piano, grande classe, hauteur de vue un peu sévère mais pas toujours respectueux du texte), Walcha 1961 (au clavecin, aéré et ouvert), Yudina (1968, russe, de la poigne).

Les grandes versions au clavecin : Ross 1985 et 1988 (superbes de franchise et d’allant), Verlet 1992, Hantaï 1992 et 2003 (pour le sens de la construction notamment), Suzuki 1997, Frisch 2000 (simplicité et clarté).

Les grandes versions au piano : Tipo 1986 et Barenboïm 1989 (façon grand piano romantique), Gavrilov 1992 (très virtuose machine à écrire) Dershavina 1994, Tureck 1998 (sophistiqué et maniéré mais d’une grande pureté sonore) Koroliov 1999 (le sens du contrepoint et du chant), Perahia 2000 (d’un classicisme et d’un équilibre solaires), Dinnerstein 2009 (comme une caresse, sur le ton de la confidence).

Si on m’en laissait quatre, je garderais Ross (1985), Frisch (2000), Gould (1959) et Perahia (2000).