Souvenir

Hier, je me suis arrêté au cimetière de Veneux-les-Sablons, desséché par le soleil. La rumeur de la nationale située juste derrière le morceau de forêt m’a rappelé mon enfance : on l’entendait exactement de la même manière de la maison familiale du côté de ma mère, au-delà de la petite forêt qui formait le fond du jardin, située à quelques kilomètres de là.

Ne trouvant pas la tombe j’ai dû demander mon chemin, j’étais en fait passé devant un peu vite dans la bonne allée. J’ai pensé immédiatement à notre passage à Ambert l’été dernier, le soleil déjà bas sur les monts du Livradois. Nous avions cherché en vain la tombe d’Alexandre Vialatte, sans personne pour nous l’indiquer, pressés par la fermeture imminente du cimetière.

J’ai observé quelques instants la sobre dalle grise. On lit Famille Berthier sur la tranche parallèle à l’allée ; sont plantés pour toute décoration deux pieds de pensées bicolores entourant un petit buis taillé en boule. La pierre seule impose le souvenir par l’évidence de la masse, de la surface qu’elle occupe. Moi qui n’ai qu’une très mauvaise mémoire temporelle de ce que j’ai vécu, j’ai pour toujours oublié les dates de décès de ces grands-parents. La pierre ne me les a pas rappelées. Début des années 2000, je ne saurais mieux dire. Quelle importance, quand tant d’autres choses restent vives ! Je partais alors qu’un avion de tourisme traversait le ciel, tractant un planeur, qu’il a fini par larguer au-dessus de ma tête. Les deux avaient probablement décollé du petit aérodrome d’Episy, non loin. On y venait avec mon grand-père Guy ; regarder les avions et les planeurs lui évoquait sa propre jeunesse, lorsqu’il volait.

Aujourd’hui l’ombre des planeurs le survole ainsi que Mireille, avec le même calme qu’autrefois. À la douceur de leurs vols s’est ajoutée une bienveillance, celle qu’on a pour les aînés endormis.