Deux écrivains journalistes

Après Mon tour du Monde d’Eric Fottorino il y a quelques années, je viens de finir de lire Jours de Libération de Mathieu Lindon. Deux écrivains journalistes racontent leur quotidien, et très différemment.

Le Fottorino a un côté balzacien. Entré comme simple journaliste au Monde en 1986, Eric Fottorino en gravit tous les échelons en vingt ans : grand reporter, rédacteur en chef puis directeur du journal, avant de se faire évincer lors du rachat de 2010. L’ascension, puis la chute. Le récit d’Eric Fottorino est prenant, on entre dans le tourbillon de ses aventures au journal en partageant ses expériences, ses succès, ses revers : on apprend comment il en a découvert le fonctionnement, ce qu’il a fait à ses différents postes, les années difficiles du point de vue des ventes et des attaques subies par le journal qu’il a vécues, et ce qu’il a finalement voulu faire du journal Le Monde (et qui en reste beaucoup aujourd’hui, cinq ans après son départ).

Le Lindon, rien à voir. Mathieu Lindon est depuis plus de trente ans journaliste littéraire à Libération, et son livre essaie de capter l’état d’esprit qui y règne fin 2014 - début 2015, lorsqu’un plan de départ volontaire destiné à faire des économies le voit délaissé de ses principaux amis et collègues journalistes. La phrase de Lindon est plus relâchée, il est dans le ton de la discussion avec son lecteur à qui il fait part de ses interrogations, ses doutes ; de son professionnalisme, de ses stratégies pour constamment faire les tâches qui lui plaisent au journal, aussi. Son livre est autant littérature que celui de Fottorino, mais on est plus dans la description d’une atmosphère et dans le sentimental, la relation d’amour qui le lie à Libération, alors que Fottorino est dans la performance et dans la construction d’une carrière (même si les choses se sont faites apparemment sans une volonté forcenée de parvenir). Le livre de Lindon m’a singulièrement rappelé la période ou ma mère lisait Libération et moi avec, à l’adolescence.

On comprend, à la lecture de Fottorino et Lindon, l’attachement qu’un être peut éprouver envers son journal : les deux auteurs également passionnés ont écrit deux livres passionnants.