Une semaine creusoise

 

Déclaration d’amitié (bis).

Est-il bien raisonnable d’aller passer six jours dans la Creuse, à la fin du mois d’avril ? Nous l’allons montrer tout à l’heure.

La Creuse est bosselée, verte, tachetée de vaches limousines. Venant du Puy-de-Dôme, le voyageur ne peut s’y tromper : des Combrailles fraîches et désertées, il passe la frontière du nord Limousin lorsqu’il arrive dans ce pays de collines humides peu habitées, hormis de ces jolis bovins roux qui se découvrent à chaque virage dans les pâturages. Le département : cent vingt mille habitants, une préfecture d’à peine plus de dix mille (Guérêt), des dizaines de villages et hameaux avec église fortifiée dépouillée ; lacs, étangs, petits cours d’eau éparpillés entre vallons paisibles et contreforts arrondis du massif Central, et deux sous-préfectures.

Il faut probablement avoir de fortes attaches pour y vivre. Les imposantes maisons traditionnelles, construites du granite clair local, sont d’anciennes fermes ou habitations paysannes. Telle est celle du père de notre ami qui nous a accueillis pour une semaine. Truculent, expansif, cultivé, volontiers grivois, notre hôte, d’un commerce des plus agréables, jamais avare d’un contrepet ou d’un bon mot douteux, aime recevoir, parler et vivre. Piano, vin, balades et bonne chère alternèrent comme les quatre pôles de cette semaine étonnante.

Le saviez-vous ? la Creuse est le pays des eaux vives. On n’y rencontre pas que des vaches. De nombreuses sources arrosent chemins et champs, la gadoue colle vite aux chaussures des marcheurs. L’herbe et les feuilles y sont bien grasses ; au détour des sentiers lavoirs, dolmens, que dis-je, arbres majestueux (témoin ce tilleul remarquable) surgissent sans prévenir, pour l’esbaudissement du touriste citadin. D’admirables beautés de site se dévoilent de points de vue tels que ceux de Saint-Goussaud ou du Puy de Goth, d’où de subtiles nuances de bruns et de verts donnent tout leur charme au paysage.

Les sous-préfectures du département, La Souterraine (dites La Sout’ pour faire branché) et Aubusson, modestes bourgades qui subsistent l’une par la ligne de train Paris-Toulouse la maintenant en vie, et l’autre par ses musées consacrés à la tapisserie, bien que d’un intérêt touristique limité, se laissent agréablement visiter.

Trois superbes viaducs ont ponctué notre trajet de retour vers Clermont-Ferrand puis Lyon : celui de Rocherolles (énorme, en pierre) qui enjambe la Gartempe et amène le train à Limoges, émerge des frondaisons à l’occasion d’une jolie balade ; celui de Busseau-sur-Creuse, en treillis métallique, qui passe la Creuse et amène le train à Saint-Sulpice-Laurière ; celui des Fades, sur la Sioule, à quelques kilomètres des premiers puys auvergnats, qui est toujours l’un des plus hauts ponts du monde et n’amène plus le train nulle part.