Nouveautés ?

Dans son journal, Alan Bennett se souvient de ses premières vacances à l’hôtel avec ses parents. C’était, je crois, à Morecambe. Il raconte sa mortification à la découverte du papier, dans les toilettes, et de cette première feuille pliée en triangle par la femme de ménage. N’était-ce qu’une fantaisie d’hôtel balnéaire ou toutes les familles se livraient-elles à cet origami hygiénique, sauf la sienne, trop middle class, trop common ?

Mon premier séjour d’agrément dans un hôtel fut à Forcalquier, à l’auberge du Lion d’or, avec Romain. J’avais 25 ou 26 ans et c’était comme une double infraction : aux bonnes mœurs, un peu, en confirmant au réceptionniste que, oui, nous souhaitions bien une chambre avec un lit double ; à ordre des choses, surtout, en goûtant à ce luxe réservé aux riches, l’hôtel de sous-préfecture. J’ai constaté cet été que l’auberge du Lion d’or avait fermé et j’ai perdu, entre temps, ces pudeurs.

Elles ne me reviennent que de temps en temps — et toujours à table.

Avant ma vie d’adulte, je ne me souviens réellement que de cinq restaurants : la cafétéria du Géant Casino, lorsque mes parents cédaient à mon insistance et où je prenais toujours un steak haché alors que je n’ai jamais aimé cela ; la pizzeria du Lypocan où l’on allait chercher l’exotisme des fresques rosâtres ; le Phénix, près de la poste centrale, et la Tonkinoise, dans la petite rue des Gras, dont les patrons toléraient les débordements des premières sorties lycéennes ; l’auberge du Pondy où nous amenait systématiquement mon grand-père lorsqu’il y avait matière à fêter.

En écrivant cela, d’autres reviennent, mais plus rares, moins institutionnels. Ces cinq-là ont formé sinon mon goût, du moins un cadre. Et lorsqu’arrive devant moi un plat nouveau, je ne peux m’empêcher de questionner son originalité.

Aucun doute : la vague de betterave chioggia d’il y a un ou deux ans était inédite et, heureusement, le reflux est désormais bien entamé. Mais le ceviche ? Zone d’ombre d’une enfance de classe moyenne auvergnate ou apport tardif de la mondialisation ? Et le saumon gravelax ? Les espumas ?

L’insécurité jusqu’au cœur des cromesquis.