In vino veritas

Certain jour de juin, d’aucuns diraient d’août, le front brillant et la goutte de sueur y perlant (c’est qu’il fait déjà 35°C par ici, en cette saison), vous passez Séguret, un des plus beaux villages de France, et vous dirigez vers le Mont Ventoux. Séguret : ses calades, ses maisons de pierres empilées et sa vue magnifique jusqu’à la vallée du Rhône et aux monts de l’Ardèche. Baste, ce n’est pas l’objet.

Vous arrivez au domaine Mourchon. On ne fait usuellement pas de publicité sur ce blog, où l’on s’intéresse (faut-il le rappeler) aux seules choses de l’esprit, de celles qui élèvent, qui… Mourchon c’est du vin, du Séguret, un côtes-du-rhône villages exactement. Le vin y mature dans des fûts en béton, c’est très majestueux quand vous entrez, et puis vous connaissez mon goût pour ce matériau. Vous accueille M. McKinlay (du clan McKinlay ? J’aurais orthographié ça McKinley, moi, comme le point culminant des États-Unis qui comme chacun sait se trouve en Alaska, mais je m’égare), la soixantaine grisonnante et rougeaude, que vous supposez d’emblée bon vivant.

Son comptoir est circulaire ; une douzaine de bouteilles l’entoure, il est retranché comme un soldat de la première guerre mondiale. Il vous fait goûter ses différentes créations les unes après les autres. Il a le charme britannique, l’œil pétillant du connaisseur, de l’artisan sûr de son œuvre. Mon beau-père essaie de lui glisser quelques mots d’anglais ; M. McKinlay n’en a que faire, répond malicieusement en français, qu’il a doux et arrondi. Pour tout dire l’homme et son accent sont délicieux.

Les bouteilles passent, dans l’ordre de complexité aromatique et de degré d’alcool. Fabrice et moi en goutons trois ou quatre, nous modérons pour ne pas abuser ni nous soûler. Le beau-père taille toujours le bout de gras avec M. McKinlay, qui reste d’une patience monolithique. Le beau-père a bu nettement plus de verres que nous, me semble-t-il. Il arrive à la grande cuvée, la grande réserve, le summum, appelez ça comme vous voulez, je ne me souviens plus de l’intitulé de la bouteille la meilleure et la plus chère à la vente.

Ah oui, 16,5° tout de même, lâche le beau-père, déjà un peu attaqué. Après un temps de réflexion, son vis-à-vis a répliqué, sur le ton de l’évidence, et du même accent si sympathique : Ce qui compte, ce n’est pas le degré d’alcool, c’est la structure !

Nous quittâmes le domaine heureux, pleins de sagesse viticole.