Le vol de l'année

Samedi 6 septembre. Nous sommes à près de midi au déco(llage) du col de l’Épine, au-dessus du lac d’Aiguebelette.

Surprise, il n’y a personne, très étonnant pour un samedi alors que les conditions sont apparemment idéales : légère brise qui remonte jusqu’à nous, et vent d’ouest modéré (autour de 10 km/h de vent au maximum en altitude). Je me prépare, je décolle, et je ne fais qu’un plouf de 15 petites minutes. Après quelques virages en huit, je constatai que ça ne tenait vraiment pas. Le spécialiste météo du club avait pourtant bien dit que le meilleur de la journée pour ce site était autour de 15h - 17h. Une fois posé, je dus bien me rendre à l’évidence : il avait raison et cela expliquait ma solitude au moment de l’envol.

Une fois restaurés, on remonte, 13h30 au déco. Le site tient maintenant des Champs Elysées, ce qui est plus habituel pour un jour de week-end. Je retrouve une forte délégation du club, 12 personnes qui vont s’élancer entre les biplaces et les écoles. Fabrice redescend patienter au belvédère. Je traine un peu, puis je m’étale et démêle mes suspentes, une fois qu’une place s’est libérée. Cela va finalement assez vite, les décollages s’enchaînent. Je dois m’élancer à mon tour aux alentours de 14h15 ou 14h30.

J’étale ma voile à l’endroit favorable (en plein milieu), je relève à peine les bras que l’aile se gonfle aidée par le vent qui a forci. Un beau thermique juste devant le déco me fait un ascenseur de 50 mètres alors que je n’ai pas eu besoin de faire un seul pas pour partir. J’ai déjà le sourire aux lèvres, ça s’annonce chouette.

Virage à droite, j’essaie de gratter le relief en allant vers le relais du Chat. Il y a plein d’ailes en l’air, il n’y a qu’à regarder où les autres montent et les rejoindre. De toute façon, ça monte à peu près partout. Je suis tiré vers le haut et chahuté comme jamais je ne l’ai été. Je n’ai pas grand mérite à me retrouver au-dessus du début de la crête du Chat au bout d’une demi heure une heure. Plein de huit, beaucoup de thermiques enroulés. Je suis redescendu, remonté sans difficulté. J’étais déjà fier de moi : bien au-dessus de la crête du Chat cela veut dire autour de 1600 m ou 1700 m de haut, alors que le déco est à 1150 m. J’ai probablement du faire le plafond, c’est-à-dire arriver au plus haut possible dans les conditions météorologiques du jour sur un site donné. Je reste un certain temps à tenir au dessus de la crête, jusqu’à ce que je décide de m’aventurer de l’autre côté du lac d’Aiguebelette, vers le mont Grêle. Pour quelqu’un de plus expérimenté que moi et mes 50 vols, ce serait un cross classique. Pour quelqu’un qui ne l’a jamais fait…

Alors je passe le lac, jusqu’aux deux tiers. Je vois deux ailes bleues qui essaient des choses en chemin, qu’elles remontent sur un coin de falaise. Je m’y aventure aussi, ça ne rate pas, je reprends peut-être 100 ou 200 mètres ! Je joue pas mal dans ces thermiques jusqu’à ce que la soif se fasse sentir, je n’ai pas d’eau avec moi. Sagement, je remets le mont Grêle à une prochaine et je vise le terrain d’atterrissage. Je m’avance en vallée, je suis tellement haut que c’est le moment où jamais pour descendre en 3-6. Ces virages serrés à 360 degrés font perdre rapidement beaucoup d’altitude, 10 à 15 m par seconde selon comment vous y allez. Sensations fortes garanties. J’engage l’aile en 3-6 côté gauche, j’arrête au bout d’un tour. Petite pause, et j’engage l’aile en 3-6 à droite. Je fais peut-être 3 tours, et j’arrête la lessiveuse, il est temps de penser à l’approche et à se poser (j’aurai d’ailleurs mal au cœur plusieurs minutes après l’atterrissage).

Je pose le pied à quelques mètres de Fabrice, je sors mon téléphone : 16h17, j’ai fait un beau vol de deux heures.