mercredi 14 décembre 2022

Jeunes années

À l’occasion d’un séminaire, j’ai rencontré un ancien camarade de classe préparatoire. Il est aujourd’hui consultant indépendant et a contribué à l’organisation de la journée pour mon entreprise. Nous nous sommes vite reconnus bien que quittés il y a près de vingt ans. J’en ai été passablement amoureux, il est hétéro bien évidemment. Je n’avais rien dit, je crois bien qu’il avait tout compris, je sortais d’une période difficile.

Ce midi, nous nous sommes remémoré assez longuement cette période particulière de deux ans où l’on a fait nombre d’activités ensemble, joué au tarot, ri, et tout de même appris deux ou trois choses de mathématiques et de physique. Au cours de la discussion, il a évoqué l’un de ses amis qui a fait l’école Centrale de Paris avec lui. Il se trouve que ce garçon-là a été mon camarade au collège et que j’en ai été vraiment proche, disons l’un de mes deux ou trois meilleurs amis à l’époque. Oui, j’en ai aussi été amoureux et je reste persuadé que c’était réciproque ; que voulez-vous, on n’ose pas toujours s’approcher quand on a douze, treize ans.

Dans une frénésie vaine, sur mon trajet de retour vers Lyon, je recherche (sur un réseau social professionnel bien connu) d’anciens camarades de ma période scolaire. Moi qui ai une excellente mémoire des visages mais une si piètre mémoire des noms et prénoms, j’en trouve, dont les deux cités. C’est une bouffée de nostalgie étonnante qui m’envahit, j’ai revécu un moment une part de mes treize ans, de mes vingt ans, replongé malgré moi dans un autre monde qui a pourtant été le mien.

J’ai peu été attentif au séminaire. Que sommes-nous devenus ? Où habitent les gens, quelle est leur profession, qu’aiment-ils, qui aiment-ils ? Qu’avons-nous fait de nos quarante ans passés ? Pourquoi ne t’ai-je jamais dit ce qui me portait vers toi ?

samedi 13 mars 2021

Discothèque

Il y a huit ans je comptais près de 4200 disques sur nos étagères.

J’en ai dénombré un peu plus de 6600 aujourd’hui, si je ne me suis pas trompé.

vendredi 8 novembre 2019

Tombé sur la verrière

Une verrière, qui recouvre la cuisine, forme une cible facile pour les éléments comme pour cinq copropriétaires en mal de poubelles qui la surplombent. Voici les objets tombés dessus et y ramassés par mes soins depuis six ans : feuilles, branchages, morceaux de tuiles ; une barre de béton armé rouillée (deux mètres de long, diamètre 20 mm), une plante sans son pot ; mégots, cotons-tiges, squelettes de grappes de raisin ; une tranche de pain de mie, un gant de toilette, une serpillère, un paquet de mouchoirs en papier, une écharpe.

Écho du souvenir fasciné du canal de l’Ourcq près duquel j’ai habité enfant, qu’on draguait parfois : on remontait des profondeurs arbres décomposés, carcasses de voitures, de vélos, d’appareils électroménagers de toute sorte, spectres d’étendoirs à linge et autres objets métalliques de forme et d’usage rendus indéterminés par les eaux.

jeudi 24 octobre 2019

Madeleine, bis

 

Est-ce d’avoir trop ri que leur voix se lézarde quand ils parlent d’hier ?

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jeudi 20 décembre 2018

Bisque bisque basque !

Le quotidien ou le caractère permet rarement d’agir en héros ; toutefois, il est tant d’occasions de faire plaisir par de petites attentions que l’on aurait tort de s’en priver. Je ne manque donc jamais de faire remarquer à mes collègues que s’ils sont très élégants vêtus de leur nouveau manteau ou costume, l’habit leur siérait encore mieux s’ils avaient coupé les petits fils de couture restreignant les mouvements de l’étoffe, dans le dos. Et de prendre mes ciseaux, de joindre le geste à la parole, libérant ainsi les basques entravés. Eh oui, c’est cela aussi la magie de Noël.

jeudi 12 avril 2018

Parce que c'était lui

Moi qui ne suis pas doué pour l’amitié, qui ai oublié plus vite que je n’aurais pensé mes meilleurs amis de certaines périodes, qui se sont eux aussi éloignés de moi, moi qui n’ai gardé que quelques bons amis d’école (et encore, j’ai beau chercher, aucun ne fait partie de ma promotion) mais pas un seul de lycée ni de collège, moi qui ai souvent l’impression de me complaire dans un caractère d’ours naturel alors même que voir des amis (avec lire et écouter de la musique, d’accord) est la chose la plus agréable au monde, moi qui vais terminer cette anaphore de moi qui devient agaçante, bref, j’ai gardé contact avec un ami d’enfance. De très petite enfance, devrais-je dire, car je l’ai quasiment vu naître, étant présent dès les premiers jours qui ont suivi sa naissance : je le connais depuis 32 ans.

Je ne m’explique pas particulièrement pourquoi lui, mais c’est un fait, malgré les divergences géographiques, l’éloignement temporel, et bien que nous n’ayons que peu de centres d’intérêt communs. Un lien a pu subsister qui a dépassé les circonstances et contingences.

Il est aujourd’hui le père d’un charmant petit garçon, parle anglais mieux que je ne pourrai jamais, ce qui me réjouit et que je prends pour lui comme une revanche sur ses difficultés scolaires passées, moi qui l’aidais en langues ; il est épanoui, est resté jeune homme le petit garçon enjoué que j’ai côtoyé presque tous les jours jusqu’à mes 15 ans.

Je l’ai revu hier, cela faisait cinq ans que nous ne nous étions pas vus. Je suis reparti heureux et lui aussi.

mercredi 24 janvier 2018

Opéra (bis)

Il y a quelques mois, en répondant à un sondage lancé par le journaliste Guillaume Tion sur Twitter, j’ai dû me rendre à l’évidence : la première fois que j’avais vu et entendu un opéra en salle, c’était La Damnation de Faust de Berlioz, à l’opéra de Lyon, et j’avais 23 ou 24 ans. Le caractère tardif de cet événement m’avait frappé sur le moment, vu les quantités de musique que j’écoute par ailleurs depuis mes 14 ans.

C’était il y a dix ans, et je ne suis pas retourné une seule fois voir un spectacle d’opéra après cette première. Je parlais un peu de cette forme musicale, avec quelques éléments d’explication (pas vraiment satisfaisants), dans ce court billet de 2013. Aujourd’hui, avec tous les gros coffrets consacrés à des chefs d’orchestre du passé qu’on a accumulés à la maison, ce sont plusieurs dizaines d’opéras, oratorios et œuvres vocales qui attendent sagement une écoute.

Soudain, à la faveur d’une commémoration festive qui tombe à propos, on se décide à aller voir le Dialogues des Carmélites de Poulenc au Théâtre des Champs Elysées, à Paris ; qui plus est, à la faveur d’une soirée de célibataire à venir, je me décide à prendre une place pour Le Cercle de craie de Zemlinsky, à l’opéra de Lyon. Deux opéras en quinze jours. Pourquoi cela, maintenant ? Mystère.

mardi 3 octobre 2017

Un pilote

Robert (Bob) pratique le parapente depuis 1990. La semaine passée, il est allé voler à Saint-André des Alpes, où l’on peut faire de beaux cross tard dans la saison. Il y rencontre par hasard le moniteur qui l’a accompagné pour son premier grand vol, il y a 27 ans.

Bob racontait sur le décollage de Saint-André l’anecdote qui l’avait poussé à commencer le parapente. Il avait appris qu’un vieil homme de 81 ans avait commencé la veille, alors, pourquoi pas son ami Maurice et lui ? (Ils devaient avoir une grosse quarantaine d’années, peut-être la cinquantaine). Un moniteur présent lui aussi sur le décollage l’entend raconter, s’approche, se souvient de l’anecdote du vieil homme, parce que le moniteur, c’était lui. Il se trouve qu’il était également le premier moniteur de Bob. Un décollage en parapente n’est pas si fréquent en 1990, l’école l’avait donc filmé ainsi que le vol. Le moniteur a conservé le film, l’a retrouvé ; Bob l’a récupéré. Bob en a fait part à ses camarades du club de parapente, avec lequel il vole toujours. Il approche aujourd’hui doucement de l’âge auquel le vieil homme avait commencé l’activité, il y a 27 ans.

lundi 5 septembre 2016

En miroir

Vendredi soir, un jeune homme m’aborde dans le métro. Certain de me connaître, incertain sur le prénom. C’était Florian, qui a quitté l’entreprise début 2009. Je m’en souviens bien, je n’avais pas d’affinité avec lui. (Il aimait organiser des pronostics collectifs sur les résultats de compétitions sportives). Il avait visiblement envie de parler, m’a taillé une de ces bavettes, on l’aurait mangée en tartare. Très agréable : j’aurais peut-être bien plus de choses à échanger avec lui aujourd’hui que je n’en avais alors. Vous savez, la vie qui a passé, qu’est-ce que tu deviens, ah, tu te souviens ? etc. Bellecour-Valmy, quatre bonnes minutes.

À midi, dans la file d’attente d’une sandwicherie pour ingénieurs pressés, un jeune homme attend devant moi. Parfois de trois quarts, il laisse entrevoir un air mutin qui connecte instantanément deux de mes neurones qui ne s’étaient pas abouchés depuis dix ans. Je lance, à peu près sûr de moi, avec réponse et grand sourire immédiats :

— Bonjour ! tu n’aurais pas fait l’école centrale de Lyon par hasard ?

— Si, avec toi !

Je serais aussi bon physionomiste de casino que piètre instituteur pour appeler mes élèves : excellente mémoire des visages, affreuse mémoire des prénoms et des noms. J’avais peu d’affinité avec David (bien que je l’eusse soupçonné confraternel) ; j’en aurais certainement plus aujourd’hui. Notre responsable d’option génie civil l’avait hébergé et il repartait au Canada, où il habite désormais. Savait-il qui était Michel Tremblay, ou Patrice Desbiens ? Mais non, vous savez, la vie qui a passé, qu’est-ce que tu deviens, ah, tu te souviens ? quinze bonnes minutes. Je promis toutefois une bière à son prochain passage, ne laissons pas tout s’évanouir.

mardi 23 décembre 2014

Le Nord

On trouve à Lyon quantité de bons restaurants, bouchons, bistros, brasseries. De plus en plus, on se réjouit de certaines petites choses : vins en pot qui ne sont pas issus d’un cubi basique limite buvable, frites maison. Les cafés et brasseries parisiens ne sont peut-être pas sur la même pente vertueuse.

On prend quelques habitudes, on retourne avec plaisir aux meilleurs endroits : Le Café français, Le Comptoir des marronniersGeorgette, Le Maubert… Parfois on réessaie l’un d’entre eux, longtemps mis de côté, pour des raisons diverses (addition élevée, service désagréable, carte immuable). Nous sommes donc allés dîner au Nord, l’une des brasseries estampillées Bocuse, un soir passé.

Les prix ont prix un sacré coup. Parmi les plats phare : la choucroute est à 22,50 euros au lieu de 18,90 euros il y a 3 ou 4 ans, et si elle reste copieuse, je constatai à la table voisine qu’elle est nettement moins bien servie qu’elle le fut. Le foie de veau purée est à 26,50 euros, soit plusieurs euros plus cher que n’importe quelle autre brasserie lyonnaise que je connaisse. Quant au menu, celui du dimanche où nous dînâmes était à 32,90 euros (26,60 euros les autres jours, contre 22,60 euros il y a seulement quelques années), ce qui accorde quelque exigence au convive.

Va donc pour un menu. L’entrée est un saucisson en brioche délicieux, copieux. Un peu dénudé toutefois : une feuille de salade ne l’aurait pas déparé. Le plat, un carré de veau, est une déception. Pour commencer, on ne vous sert pas un carré comme il est écrit mais seulement une côte de veau, et bien fine encore. Je n’attendais certes pas un carré au grand complet (c’est-à-dire l’ensemble des côtes découvertes, secondes et premières), mais servir deux côtes de la taille de celle que j’ai mangée aurait été un minimum pour que le plat servi soit en accord avec son intitulé à la carte. Le tout est accompagné d’une purée maison classique mais basique, et d’un très bon jus de viande. En dessert j’ai mangé une tarte, je ne me souviens plus si elle était aux pommes ou aux poires. Bonne sans être extraordinaire.

Résumons-nous : le progrès fait rage et certains restaurants ne se mouchent pas du coude, ni avec les prix (clairement pas en rapport avec ce qui est proposé dans les assiettes), ni avec les intitulés de plats. C’est bien dommage pour tout le monde.

lundi 8 décembre 2014

La fête des lumières

En quelques années, la fête des lumières est devenue un événement touristique, commercial, international. Cela n’empêche pas que le côté bon enfant perdure : l’ambiance reste familiale, les foules souriantes ne se pressent pas au point de s’écraser les unes les autres. De même pour le religieux : les églises sont ouvertes tard le soir, on dit toujours bien merci à Marie sur les affiches et en capitales à la droite de la basilique de Fourvière, et les bonnes sœurs chantent faux en s’accompagnant à la guitare à certains coins de rue.

Il y a dix ans, on ne voyait pas ces marées humaines se presser dans les restaurants, qui pratiquent souvent des prix outrés pour l’occasion, ou devant les bouches de métro ; ni ces autocars garés en chapelets sur les ponts et les quais. Il y a cinq ans, on commençait peut-être à constater le caractère répétitif de certaines illuminations, notamment celles qui soulignent les traits de façades de monuments emblématiques de la ville (cathédrale Saint-Jean, théâtre des Célestins). On allait les regarder, on continue à le faire, c’est souvent réussi.

Ces dernières années la musique est très présente, bien souvent trop forte. C’est en général au détriment de l’installation lumineuse, qu’elle plombe (par exemple, pour le cru 2014 : les centaines de planètes de la place Antonin Poncet sont gâchées par un tonitruant zim-boum-boum orchestralo-cataclysmique). Il arrive aussi que la musique veuille masquer les faiblesses d’une illumination (cette année : les bambous et leurs bruitages de la place de la république).

On recherchait déjà les installations modestes, plus calmes, les plus poétiques en général (pour 2014 : les tutus de la place Sathonay, le champ de lavande en forme de cœur de l’amphithéâtre des trois Gaules). On le fait toujours aujourd’hui et avec bonheur, car les créateurs originaux sont heureusement toujours présents.

jeudi 12 décembre 2013

Apostille au billet précédent

Apostille, postille et demie, comme le dit si bien le plus célèbre des penseurs méconnus.

 

Que j’aime à faire apprendre un nombre utile aux sages !

Immortel Archimède, artiste, ingénieur,

Qui de ton jugement peut priser la valeur ?

Pour moi, ton problème eut de sérieux avantages.

 

Il existe une version un peu meilleure, littérairement s’entend, mais ce n’est pas celle que je connais. Le problème en question est l’approximation de pi par des fractions, auquel Archimède s’est intéressé entre deux bains. Vous n’oublierez pas la diérèse sur in-gé-ni-eur, si on vous forçait à dire ce truc en public un jour.

jeudi 29 août 2013

Patience et longueur de temps

Une collègue vient de me rendre les Four Stories d’Alan Bennett, que je lui avais prêtées il y a 6 ans. Elle m’en parlait ponctuellement, comme pour se raviver la mémoire, partageant une sorte de pense-bête oral qui revenait un matin ou l’autre, quand je ne m’y attendais pas. J’imaginais l’ouvrage traînant avachi sur une quelconque étagère, attendant un improbable lecteur. Peut-être est-elle la même lectrice que moi, qui acquiers un livre qui fait envie sur le moment et qui parfois patiente des années avant de l’ouvrir ? Peut-être lisait-elle mon livre, qu’en sais-je ?

J’ai moi aussi patienté des mois. Je trouvais piquant le statu quo, le flottement, l’incertitude (si horrible en d’autres choses), la possibilité du lire, la petite éventualité qu’elle finisse le bouquin. Parce qu’elle m’avait dit un jour avoir lu le jouissif The Laying on of Hands, première story, où l’on assiste si je me souviens bien aux obsèques religieuses d’un escort gay avec commentaires et réflexions de l’assistance et de l’officiant. Une petite valse-hésitation silencieuse se dansait dans ma tête : allais-je attendre encore dix, vingt ans, jusqu’à sa retraite peut-être, ma collègue étant mon aînée ? Allais-je plier ? Mais pour quelle raison ? Pour relire The Lady in the van, quatrième story, récit poignant dans lequel Bennett raconte les quinze années qu’une clocharde excentrique a vécues dans une caravane devant chez lui, dans son minuscule jardin londonien ? A ce stade j’en étais presque venu à considérer que j’avais offert l’ouvrage, aux deux détails près que le livre appartient à Fabrice et que si j’avais dit à ma collègue que je le lui donnais, elle n’aurait jamais accepté ; cela eût rompu irrémédiablement la construction fragile sur laquelle on vivait jusque là et le lendemain elle m’eût dit bonjour le livre à la main.

Elle a fait du rangement, a dû épousseter les recoins infréquentés de ses meubles qui ploient sous le poids du papier, a rendu un autre livre à sa voisine. J’ai surpris malgré moi leur discussion. Dans les instants qui ont suivi, ma collègue apparaissait dans l’encadrement de la porte de mon bureau ; me tendait l’objet, me remerciait, s’excusait, etc.

samedi 3 août 2013

Du parapente

Pour mes dix-huit ans, mon oncle et ma tante m’avaient offert un baptême de parapente. C’était à skis, cela avait duré très peu de temps (5 minutes), au-dessus de La Clusaz. Bon souvenir, mais bref.

Fort du goût de trop peu laissé par l’expérience, je rempilai pour une semaine de stage en école l’été qui suivit. Et une autre, une autre, et une autre, au point de devenir autonome. Avec des souvenirs magnifiques plein la tête. Brutalement, sur les coups de 21 - 22 ans, j’arrête tout. Les classes préparatoires ? D’autres centres d’intérêt ? Je ne m’en souviens même plus…

Il y a quelques semaines, à l’occasion des mes trente ans, je profite d’un nouveau vol en biplace offert par les amis lyonnais pour retremper dans cette activité oubliée. Et j’enchaîne une nouvelle semaine d’initiation, tellement c’est bon. Je m’aperçois que je n’ai pas tout oublié, hors l’essentiel des détails.

On n’est plus autonome, mais quelle importance ? On le redeviendra sous peu. On reprend ses repères, on retrouve des sensations, on se replante au décollage ou on s’y reprend à trois fois comme au bon vieux temps. (Là aussi, qu’elle importance ? Je préfère décoller parfaitement la troisième fois que mal la première.) On se souvient que l’atterrissage était un point fort ; il l’est resté : au troisième vol de jeudi, je savais poser seul.

Le parapente est un sport sympathique. Déjà, il ne demande pas d’effort physique particulier : regardez aux sites de décollage, vous voyez des jeunes et des papys, des gringalets, des bedonnants, des gravures de mode. J’aime beaucoup la subtilité, la finesse de cette activité : analyse des conditions météorologiques et aérologiques, technicité du décollage, pilotage en vol, construction des approches pour l’atterrissage, et en toute situation la primauté du regard sur le monde qui nous entoure. Après, on se fait aussi bien plaisir, entre les paysages de montagnes et les sensations fortes que peut procurer un vol un peu chahuté.

Le fait être à la merci du vent et du soleil, de devoir jouer avec eux, d’accepter éventuellement de ne pas voler si les conditions ne s’y prêtent pas concourent à la joie de la pratique du vol libre, avec ce simple tissu gonflé d’air au-dessus de la tête.

jeudi 18 juillet 2013

Hasard ?

Tout n’est pas hasard. Dans un précédent billet, j’évoquais le cas d’une phrase de La Conscience de Zeno d’Italo Svevo qui se trouve aussi mot pour mot dans Adolphe, de Benjamin Constant. Est-ce le fait du traducteur ? Est-ce Svevo, qui parlait français et qui pouvait très bien avoir lu Constant avant d’avoir écrit sa phrase ? Est-ce un pur hasard que je n’ai remarqué qu’en passant, alors que j’en ai peut-être ratés des dizaines d’autres dans mes lectures depuis ?

Autres exemples. Un collègue parisien rencontre fréquemment d’anciennes connaissances de lycée autour de Saint-Michel les week-ends où il retourne à Paris, et s’en étonne toujours. Si c’est un quartier où tous deux avaient des habitudes, rien d’incongru à ce qu’un samedi après-midi ils continuent à faire la même chose que quinze ans auparavant. Un soir, nous étions présents avec un autre collègue dans le même lieu, sans concertation préalable (et pour cause), et à notre grande surprise lorsque l’on s’est trouvés nez à nez. Pourtant Lyon n’est pas une si grande ville, nous habitons tous les deux en son centre, et les homosexuels représentent une minorité de la population.

L’être humain est nul pour se faire intuitivement une idée correcte de probabilités d’occurrence, ou de ce qui relève ou non d’un hasard au sens mathématique. La vie fait qu’on en parle pourtant ; qu’on s’en esbaudit.

dimanche 30 juin 2013

Qui est le héros d'un roman ?

Drôle de question ; je vous la pose.

Je discutais avec Fabrice, l’autre soir, de ce que les notes de l’édition Folio d’A la recherche du temps perdu ne parlent jamais du personnage qui dit je dans le livre comme du narrateur, mais comme du héros. Or, pourtant, s’il est indubitablement narrateur, est-il pour autant le héros ? Rien n’est moins sûr. La galerie de portraits par laquelle on passe à la lecture et d’autres choses évoquées constamment, l’art, la mémoire, le passage du temps font le récit au même titre que les habitudes du narrateur, et en sont bien les héros.

Qui est le héros d’un roman ? Un roman a-t-il seulement un héros, ou doit-il en avoir un ? La question même du héros dans un roman a-t-elle une quelconque importance ?

Je me rappelle de lointains cours de français et un professeur de quatrième, qui soit dit en passant enseignait aussi le latin, le grec ancien et l’hébreu, parlait le grec moderne, et très possiblement des langues moins exotiques telles que l’anglais, l’allemand et l’italien, vu comme elle nous saupoudrait ses interventions de Londres, de Heine et de Toscane, c’est-à-dire avec l’envie de ceux qui ne peuvent s’en passer, mais la question n’est pas là, que j’ai pourtant posée. C’était madame K., qui a habité avenue Jean Jaurès à Boulogne-Billancourt dans le même immeuble que mon père ; mais je soupçonne que de nous deux j’étais le seul qui sache que nous avions ce lieu commun. Car je l’ai compris par recoupement. Et que croyez-vous que madame K. fît en son docte rôle professoral ? Elle demandait pernicieusement à ses élèves qui de Pierre ou de Jean est le héros dans Pierre et Jean de Maupassant. Drôle de question ; je vous la pose. Je n’ai pas souvenir des discussions et des réponses des uns et des autres. Les paysages de Normandie, n’est-ce pas. Nos professeurs de français ont l’art de l’amusement intérieur.

jeudi 30 mai 2013

Apostille au billet précédent

Le Théâtre des Champs Elysées, où a été donnée la première du Sacre du printemps, date de 1913 lui aussi. Il est l’œuvre des frères Perret. En plus de sa façade Art Déco (assez fort en 1913), de ses bas reliefs en marbre d’Antoine Bourdelle, de son plafond dû au peintre Maurice Denis, c’est l’un des premiers édifices réalisés en béton armé. Si ce n’est le premier.

Car oui, j’aime le béton.

Oui, le béton est un materiau noble et fier qui permet de grandes choses.

Qu’on se le dise.

vendredi 15 juin 2012

15 mai 2012

Première déception — Sifflets — Coup de foudre franco-allemand

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