lundi 13 février 2012

Dominique Fernandez est décevant

Transsibérien, de Dominique Fernandez, illustré par quelques photos de Ferrante Ferranti, est un récit de voyage. En 2010, à l'occasion de l'année de la Russie en France, une vingtaine d'écrivains, photographes, journalistes étaient invités à faire le voyage de Moscou à Vladivostok. Fernandez en a ramené ce court opus.

Fernandez nous conte sa Russie, celle de la musique, de la littérature russe beaucoup, mais aussi de la vie dans les villes du pays traversées par le transsibérien (ou ce qu'il a pu en voir). Le trajet était ponctué de visites, rencontres, débats et autres tables rondes.

Après que je l'ai refermé, ce livre me laisse un goût finalement déplaisant. Quelques pages enchanteresses (sur la taïga, sur Andreï Makine par exemple) sont mêlées à d'autres bien moins réjouissantes, particulièrement venant de quelqu'un comme Dominique Fernandez. Né en 1929, ouvertement homosexuel et militant (au moment du vote du PACS notamment), grand lecteur, grand connaisseur de l'Italie et du baroque, il n'a rien à prouver. Il laisse juste parler son cœur. Ça le gonfle d'aller voir un barrage sur l'Ienisseï, quel intérêt ? alors que la visite n'inclut pas d'aller voir la petite école de musique du coin, supposément bien plus intéressante. Va pour l'école de musique. Ce musée de la science, il n'ira pas le voir non plus, lui préférant la visite d'un théâtre. C'est vrai, qu'a-t-on à faire de la science soviétique ? En revanche, il fait de bonne grâce le tour des maisons constructivistes d'Ekaterinbourg, l'architecture blockhaus léninienne primant probablement sur l'ingénierie stalinienne. De la même manière, ses covoyageurs sont bien bêtes de ne pas aller voir un opéra quand l'occasion se présente ; c'est vrai, la musique est tellement consubstantielle à l'âme russe, quel déni de culture ! Ils auront simplement préféré une ballade en ville, imaginez, ils auront même pu boire un coup dans un bistro local quitte à échanger trois mots avec l'autochtone. Pourquoi s'abaisser à cela, vraiment ?

A longueur de pages, je trouve triste que quelqu'un que je pensais plutôt ouvert et progressiste d'esprit puisse avoir de telles barrières mentales et établisse de tels jugements préconçus, ce qu'il faut voir, ce dont on se passe, et plus encore qu'il nous dise en termes crus que ceux qui pensent le contraire ne comprennent rien à rien. Qu'un barrage construit à l'époque des grands travaux de Staline vaille a priori moins qu'une école de danse d'un bled paumé, que l'on m'explique.

mardi 20 décembre 2011

Le Guépard

Giuseppe Tomasi di Lampedusa a écrit son seul roman, Le Guépard, à la fin des années 1950. Ce récit assez bref décrit la croisée de deux mondes, celui d’une aristocratie sicilienne en perte de vitesse après les événements qui ont conduit à l’unification de l’Italie, à partir de 1860, et le nouvel état italien. L’auteur puise dans sa famille pour camper des personnages hérauts de leur époque, ancrés dans leur temps, parfois ouverts aux évolutions modernes. On suit tout par l’œil du patriarche, le Prince Salina, qui doit justement s’adapter à des mœurs qui ne sont plus celles de son passé et qu’il a connues, même si cela ne l’empêche pas de déplorer le tour que prend la fin de son siècle. 

Un récit proche me revenait constamment en mémoire, à la lecture de ce Guépard : La Marche de Radetsky, de Joseph Roth. Ou le déclin de la famille von Trotta, conjoint à celui de l’Autriche, du XIXe siècle à la première guerre mondiale. Perspectives similaires, souffle épique, personnages plus grands que leur temps et qui essaient de s’y adapter ou refusent cette adaptation, emportés et finalement balayés par la tempête de l’histoire qui enterrera leur nom et leur trace.

J’ai lu le Guépard avec grand plaisir, mais je trouve que Lampedusa est loin de parvenir aussi bien que Roth à décrire l’effet des bouleversements de l’histoire à l’échelle d’une famille aristocratique. Roth décrit des scènes apocalyptiques entre le père et le fils von Trotta, on a l’impression qu’il a intériorisé le drame du changement dans ses personnages au point qu’ils sont l’histoire. Roth aurait raconté l’histoire de l’empereur François Joseph soi-même qu’il aurait eu les mêmes accents, qu'il aurait laissé venir les mêmes scènes grandioses sous sa plume. Chez Lampedusa l’histoire est certes vécue, subie, observée, commentée ; chez Roth elle est le paysage dont les personnages et ce qui leur arrive sont tout : arbres enracinés dans la terre, collines, oiseaux, montagnes au fond du cadre, vent dans les feuilles mortes et boue torrentielle des ruisseaux en crue. Il y a plus de distance chez Lampedusa, plus de demi-teinte. C'est probablement justement l'effet qu'il voulait obtenir ; le contre-coup est que je me suis senti parfois un peu laissé sur le carreau. Il faut que je voie le film, qui apportera un éclairage sur le livre, la vision d'un cinéaste d'une œuvre littéraire en étant a minima un commentaire à connaître. Je vais me relire Kaputt, tiens, j'en serai quitte pour nettement moins de demi-teinte.

jeudi 8 décembre 2011

Le Renard et les raisins

Le Renard et les Raisins

Certain Renard Gascon, d’autres disent Normand,
Mourant presque de faim, vit au haut d’une treille
     Des Raisins mûrs apparemment,
     Et couverts d’une peau vermeille.
Le galand en eût fait volontiers un repas ;
     Mais comme il n’y pouvait point atteindre :
Ils sont trop verts, dit-il, et bons pour des goujats.
     Fit-il pas mieux que de se plaindre ?

Jean de La Fontaine, Fables, livre III, XI

 

La Fontaine est un écrivain d’une subtilité remarquable. Nous l’allons montrer tout à l’heure par le biais cette fable, une de mes préférées : elle en est l’éclatant exemple.

En quelques vers, on nous fait goûter la fierté ou la ruse, on ne sait trop, de maître Renard qui joue les flegmatiques devant de beaux fruits. Trop beaux pour lui, à ce qu’il semble, ces Raisins mûrs, pourtant si bien mis en avant par La Fontaine, accentués par le décalage qu’apporte la survenue du premier octosyllabe (vers 3). Le renard se défend de s’abaisser au rôle de valet, ainsi que le veut le sens d’origine de goujat, à qui serait réservé le mets de second rang correspondant à sa classe : il délaisse la vigne d’un geste dédaigneux et superbe de seigneur. Grand seigneur ? pas si sûr. En Gascon : en vantard, avec aisance peut-être. En Normand ? P’têt ben qu’oui, p’têt ben qu’non : il hésite… Il est affamé tout de même ; mais les divins raisins sont haut, il les voit mal (apparemment), c’est que l’éclat du soleil doit les rendre éblouissants (une peau vermeille) ou simplement que la distance permet en toute fantaisie de les idéaliser, de les imaginer comme on les voudrait, juteux, dorés.

Et ce galand plein de sentiment, il est transi dès le début de la deuxième partie de la fable, ces quatre derniers verts, dès ce eût plein de doute qui est tout ce que laisse supposer l’emploi du subjonctif. Le volontiers renforce l’effet, laissant croire à la volonté de l’animal. Il y a de l’amour dans cette fringale, je disais affamé mais le presque la tempère. A-t-on jamais vu oxymore aussi bien adouci ? Comme le galand d’ailleurs, qui n’est pas un assoiffé de passion, mais un être de raison, d’équilibre : il est bien l’honnête homme de l’époque, il reste modéré et campe dans un juste milieu. Son estomac crie famine, certes, mais il arrive à en étouffer les cris puisqu’il ne persiste pas. Quand l’équilibre s’obtient par la force d’un grand écart…

Cette courte fable est saupoudrée de ce qui permet l’ambiguïté, à quasiment tous les vers : Certains / d’autres et Gascon / Normands vers 1, presque vers 2, apparemment vers 3, eût et volontiers vers 5… adjectifs, noms, adverbes, verbes : toutes les natures de mots sont convoquées. Le Mais concessif qui se détache au début du vers 6 prépare la chute ; le dit-il, au vers suivant, ce passage au discours indirect libre, annonce qu’on n’est déjà plus dans le récit mais dans la liberté d’affabulation de l’animal. La Fontaine ne met pas de guillemets, notez. On se place entre l’invention et la mauvaise foi, les fruits ne peuvent pas être en même temps vermeils et verts, n’est-ce pas. Dès lors, tout est possible. L’auteur ne se prive pas de surenchérir et se fait complice du renard ; mieux, il se fait renard à son tour : Fit-il, miroir du dit-il et tout aussi équivoque puisqu’il laisse la question sans réponse. Que le lecteur en fasse ce qu’il veut.

Drame miniature en deux actes. Première partie, premiers quatre vers, on plante le décor : le héros, son état, l’objet du délit. Deuxième temps, derniers quatre vers, on précise les doutes instillés, on conclut à deux voix. Et ces quatre octosyllabes qui cassent la platitude des alexandrins : ils sont la vraie ponctuation, la respiration de cette fable. Ils introduisent les fruits, centre de l’attention, apportent une explication (Mais…) puis un commentaire (Fit-il…). Si on devait résumer ce court texte, on ne garderait que les octosyllabes, ce sont eux qui comptent : on convoite des raisins situés trop hauts qui semblent beaux, on s’en détourne et c’est bien ainsi. Essayez avec les alexandrins, on n’y parvient pas !

Et c’est ainsi que La Fontaine est parmi les plus grands du grand siècle.

mardi 22 novembre 2011

Le mai le joli mai en barque sur le Rhin

Heine aussi a rimé le Rhin, Apollinaire la Seine ; Du Bellay son "Loire gaulois" ; Hugo, tellement de fleuves que j'en oublierais sûrement, à vouloir m'en souvenir ou les rechercher. Parler cours d'eau serait l'apanage des poètes ?

Danube, de Claudio Magris : rien qu'au titre, on entrevoit la Bavière, les cafés de Vienne, les rhapsodies hongroises de Liszt...C'est à un voyage multiple que l'on nous convie. Bien calé au fond d'un fauteuil ou au bar au bout d'une aérogare, c'est parti ! Magris est ce genre de personnage culturel central, comme Umberto Eco, Jorge Semprun ou George Steiner. Je ne veux pas le dire "intellectuel" parce que l'épithète est trop connotée, avec un vernis français, et qu'un intellectuel à la française me parait ne pas avoir la même envergure. Qui, en France, possède à la fois une aura médiatique importante, est reconnu comme un grand homme ou une autorité dans son domaine, parle plusieurs langues (pour Magris l'italien, le frioulan, l'allemand, le français, l'anglais, d'autres peut-être...), est très ouvert à d'autres civilisations, à l'histoire, a eu un engagement politique, et surtout possède, comme un supplément d'âme, une culture scientifique ? On a beau chercher, on sèche lamentablement...mais on s'égare, aussi.

De la source (des sources) à la mer Noire, Magris nous emmène avec des amis à lui le long du fleuve et nous balade un peu à droite et à gauche. Il nous raconte son parcours. Il s'arrête où bon lui semble ou passe très vite au gré de sa fantaisie, tour à tour grave, joyeux, grivois, anecdotique ou philosophique. Sa rêverie le mène souvent dans les limbes de ses plaisirs artistiques, architecturaux et surtout littéraires, de détails historiques en précisions hydrographiques ; il arrive aussi qu'elle soit bassement terre à terre. On se plante devant une porte, un escalier. On cherche la source jusque dans les maisons où elle est censée jaillir ; on essaie d'entrer dans l'immeuble à l'emplacement d'une des maisons où a vécu Beethoven, mais la concierge vous jette sans ménagement. On s'assoit dans de nombreux cafés (Magris a écrit son livre dans un café). On passe par les camps de concentration de Mauthausen et Maïdanek, car l'auteur se devait de mettre du noir dans son rose (comme le dirait joliment Charles Dantzig) et que c'est notre histoire récente à nous, européens.

Je suis ébloui. Le récit est renversant d'érudition, et pourtant jamais lourd parce que ramené toujours au quotidien des pérégrinations touristiques. Il faut dire aussi que son découpage en tant de petits chapitres, vignettes parfois de quelques lignes, y aide. Le tourisme est d'une hauteur de vue superlative, la digression élevée au rang de genre littéraire. Dans ce livre-monde, celui de la Mitteleuropa de cœur de l'auteur, on est bercé, on s'évade avec tous ces paysages mentaux. On voudrait même marcher dans les pas de l'auteur à la façon de certains guides qui proposaient de refaire le parcours du héros du Da Vinci Code, à Paris.

Au sortir de toutes les stations de Magris, après la traversée de siècles et de pays divers, à la poursuite d'ingénieurs compulsifs, dans le drame de Mayerling ou simplement avec à l'esprit ces jolies aquarelles des reflets du Danube le matin, on a vu mille choses sans avoir été écrasé par la densité qu'ont certains chefs-d’œuvre imposants. Celui-là plonge dans des abîmes de pensées et de situations qui élèvent, qui font sortir le lecteur de chez lui comme de ses habitudes. C'est bien ce que l'on peut demander à ce guide : toutes ces bribes d'évasion inutiles. Mais elles enchantent tant...

mercredi 12 octobre 2011

Le regret des éléphants

Au bon vieux temps des colonies, dans l'Inde britannique, les militaires paradaient, les éléphants défilaient.

It was then the custom for the elephants to salute as they marched past by raising their trunks, and this they all did with examplary precision. Later on the custom was abolished because vulgar people tittered and the dignity of the elephants or their mahouts was wounded. Later on still, the elephants themselves were abolished, and we now have clattering tractors drawing far larger and more destructive guns. Thus civilization advances. But I mourn the elephants and their salutations.

Winston Churchill, My Early Life

jeudi 6 octobre 2011

L'enfance d'un chef

Après avoir parcouru les contrées hostiles de l'arithmétique et passé les détroits polynomiaux...

We turned aside, not indeed to the uplands of the Delectable Mountains, but into a strange corridor of things like anagrams and acrostics called Sines, Cosines and Tangents. Apparently they were very important, especially when multiplied by each other, or by themselves! They had also this merit—you could learn many of their evolutions off by heart. There was a question in my third and last Examination about these Cosines and Tangents in a highly square-rooted condition which must have been decisive upon the whole of my after life. (...)

I have never met any of these creatures since.

My Early Life, Winston Chirchill

lundi 3 octobre 2011

Pourquoi écrire ?

Selon mon professeur de philosophie, ne doit s'écrire que l'universel. Corollaire : l'écrivain peut ne parler que de lui-même, pourvu qu'il parle à tous. C'est une exigence de philosophe, un impératif moral, une condition nécessaire. (Mais pas suffisante : il faut le style. L'art et la manière.) À ce titre, l'autobiographie est le tube à essai idéal : le quotidien révèle le talent aussi sûrement que le nitrate d'argent, les chlorures. Ce qui précipite, c'est cet universel, c'est l'humain. C'est ce qui distingue, disons, Alan Bennett de tous ces footballeurs, starlettes et politiciens qui se font raconter leur vie.

Pour autant, cela ne répond pas à la question : pourquoi écrire ?

Ne croyez pas ces camelots qui, prenant un air pénétré, prétendent écrire pour leurs lecteurs : ce sont ou des charlatans ou des démagogues. Il faut écrire comme si ses parents étaient morts, dit Julian Barnes. Allons plus loin : comme si l'on était mort et les lecteurs aussi. Il ne manquerait plus qu'on doive écrire pour les lecteurs ! Écrire pour être lu, c'est renoncer : aux auteurs qui pourraient ne pas avoir été lus, aux sujets qui pourraient fâcher, aux mots trop compliqués pour finir. C'est ainsi qu'on écrit les tracts et les prospectus, mais est-ce écrire ?

Moins gentils, mais plus vraisemblables :

  • écrire pour boire et tendre sa couverture au coin des étals, comme une écuelle à la porte d'une boulangerie, se faire une tronche d'ivrogne grandiose qui aide à vendre, les ventes aidant à s'enivrer, l'ivresse finissant par tarir l'écriture, l'argent continuant à couler du nez violacé ; 
  • écrire pour coucher et coller son visage au cul des autobus, au nez des passants, au dos de pavés racoleurs, courir d'un même élan les dédicaces et les jupons, donner son numéro de téléphone pour toute dédicace, regretter envieusement le temps où les écrivains portaient les marques de la syphilis bien avant la rosette, finir à l'Académie et porter l'habit vert pour se prétendre encore tel, inventer des mémoires que ne croiront pas les anciens et que les jeunes ne liront pas ;
  • écrire pour avoir écrit et se replier en une retraite confortable après un unique chef-d’œuvre, promener sur les plateaux de télévision son élégance un peu poussiéreuse de théâtre désaffecté, patiner son humour et le ternir sous une couche de nostalgie vibrionnante, simuler une fécondité paresseuse et craindre l'aridité laborieuse, attendre en vain que les critiques évoquent le silence d'Ainola, ce qui n'arrivera jamais, personne ne se rappelle des silences, même de Sibelius, mourir oublié.

La vérité ne peut être que personnelle, contingente et partielle, sauf à jeter une pelote de pistes emmêlées comme les allées d'un labyrinthe éphémère et mouvant. Ma réponse du jour sera mièvre et humble. J'écris car on me le demande, comme un écrivain public. Mieux, j'écris parce que Romain me le demande : pour ce soir, je suis un plumitif amoureux, un amant épistolaire.

samedi 17 septembre 2011

Lettres à Maricou

Certains journalistes semblent des insectes xylophages qui ne sauraient s'éloigner trop de leur marronnier : ils se font termite pour explorer l'immobilier, scarabée doré pour approcher les riches, bête-à-bon-dieu pour contrecarrer les francs-maçons. Mais les métaphores sont trop dangereuses pour les manier à la légère : le journaliste en vermine, c'est le rêve de tous les exterminateurs. Disons donc que certains vont à la facilité.

Ma facilité, c'est Vialatte : c'est le nord que suit le pigeon, l'aimant auquel se colle la limaille, le beau meuble sous lequel roule la poussière. Plus qu'une facilité, un confort : les phrases de Vialatte, ce sont ces poêles auxquels Maigret passe sont temps à se coller ; son lyrisme ces fines à l'eau, dont il s’enivre.

Il y avait longtemps qu'on n'avait pas parlé de Vialatte ici.

Je referme ses Lettres à Maricou. Comme j'ai hésité à l'ouvrir, ce petit livre si joli ! Tout ceci est si compliqué, sous des abords si simples : on devrait, croit-on, se tenir aux écrits des écrivains, aux romans des romanciers, aux poèmes des poètes. Les grandes lignes sont là. Mais tous ces romans qu'il a laissés inédits, ne peut-on pas les lire eux aussi ? Il était journaliste, on lit ses chroniques. Auvergnat, on lit son Auvergne absolue. À force de tirer sur le fil, tout le vêtement vient et révèle des endroits plus intimes. On se convainc qu'une correspondance d'écrivains est toujours de la littérature, ou au moins un à-côté suffisamment proche pour justifier l'intrusion d'un lecteur. Mais Maricou n'était pas écrivain ! Les lettres à Maricou ne sont pas celles à Pourrat : l'une charnue, l'autre barbu, Vialatte remarquait ces nuances. Ce sont les lettres d'un amoureux de vingt-trois ans ! Comment oser les lire ?

Je les ai lues pourtant et j'ai bien fait, car Vialatte amoureux reste Vialatte. Fantaisiste : Henriette Maricou y est tantôt Yetto, tantôt mon vieux Maricou. Provincial : dès la deuxième lettre paraît l'adjectif sous-préfectoral. Inattendu : je vous aime comme un veau. Et poétique, lettré, triste. Son rire semble toujours cacher comme une douleur et, quand il pleure enfin, il continue d'en rire.

Vialatte, écrivain notoirement méconnu, chroniqueur de génie, aura donc marqué un genre mineur de plus : la correspondance d'amour non réciproque.

jeudi 8 septembre 2011

Romans historiques

Des contrées lointaines, des époques reculées, voilà ce que cherchent certains lecteurs. Qu'ils aillent donc à Concarneau dans les années cinquante ; qu'ils lisent donc Le Chien Jaune de Simenon.

Concarneau, où je n'ai jamais mis les pieds, qui n'est pas une sous-préfecture, est une terre battue par les vents, où la nuit semble permanente, que la pluie détrempe. Un animal mystérieux y rôde qui effraie des autochtones idiosyncratiques : un médecin sans patient, des bourgeois ruinés, des notables volages. À l’Hôtel de l'Amiral, on prend une bière dans l'après-midi, un pernod avant de dîner, un calvados après.

On n'imagine pas l'exotisme des années 50. Pas de voiture, sinon pour s'y faire assassiner : Maigret marche à toute heure et par tout temps. Pas de technologie, ou si peu : seul l'hôtel a l’électricité, les maisons s'éclairent à la lampe à pétrole. Pas de communication : Maigret ne téléphone jamais lui-même, on lui passe des appels, on parle pour lui à l'opératrice. Pas de télévision : on passe la soirée au restaurant de l'hôtel, le dimanche matin à la messe, les scènes de crimes égayent le quotidien.

Mais ces absences choquent moins que ces mœurs aujourd'hui disparues. Toute cette domesticité, humble et terne, qui contraste tant avec la petite bourgeoisie : Maigret qui tutoie spontanément la serveuse de l'hôtel ; ces médecins, ces journalistes, ces artisans, qui tous ont une bonne ; ce bourgeois désargenté qui cire lui-même ces chaussures tous les soirs pour laisser penser qu'on le fait pour lui. Et les femmes, qui sont toujours la femme de quelqu'un : elles sont bourgeoises, elles sont maîtresses de maison ; elles tiennent la caisse de la boucherie de leur mari. Quelle alternative ? Serveuse ou fille commune, du pareil au même, que les clients troussent et que Maigret tutoiera. Ce rapport décomplexé à l'alcool, enfin : Maigret boit toute la journée, se fait monter des bières au bureau, s'accoude au bar à côté des suspects et trinque avec eux.

Ont-elles seulement existé, ces années 50 ou sont-elles propres à Simenon ? Elles ne nous sont pas moins lointaines que le Moyen-Âge de Druon.

Un souvenir de mon enfance me les rend pourtant chères. Ce temps suspendu, terne et étouffé, c'est celui de mon arrière-grand-mère qui, sans le sou, à quatre-vingts ans passés, cachait des bonbons sous le coussin de sa chaise, de peur de manquer, et ressassait, encore et encore, les quarante sous et les deux draps que sa bonne lui avait un jour volés.

mercredi 15 septembre 2010

Bis repetita

Alan Bennett, à propos de la mort d'un humoriste :

The disciples were always the problem, The Goon Show was very funny, the people who liked it (and knew it by heart) less so.

Diaries 1996-2004, 28 février 2002

De même Le Grand Détournement, La Cité de la Peur, Kaamelot... La liste est sans fin.

jeudi 26 août 2010

Être et avoir été

Je viens de surprendre mon grand-père faisant l'amour à la bonne. Métaphoriquement, j'entends : pépé n'ayant jamais eu de bonne de son vivant, ce serait doublement suspect. La métaphore est douteuse, je frôle le cauchemar, essayons autre chose : je viens de surprendre Gandhi troussant Marie Curie. Pas franchement mieux. Reprenons du début.


Pouf, pouf.


Je viens de surprendre une autorité morale, un pur esprit, un Maître en plein ébat. Pire : en pleins ébats.

Cela s'intitule Être et avoir été et c'est d'Igor Markevitch.

Markevitch, il vous en souvient sans doute, n'a pas toujours été ce chef d'orchestre merveilleux qui dans les années cinquante dirigeait amoureusement le meilleur orchestre français : fils de Russe blanc, enfant prodige, compositeur pour les Ballets Russes de Diaghilev, le deuxième Igor (après Stravinsky), admiré de Milhaud, admiré de Scherchen, admiré de tous. La guerre arrive : résistant en Italie. Capitulation : le compositeur meurt, un chef d'orchestre ressuscite. La grandiloquence guette : génial dans Berlioz ; épatant dans Tchaikovsky ; obstiné dans Stravinsky.

À la fin des années 70, Markevitch se retourne et écrit : Être et avoir été. L'autobiographie d'un intellectuel qui aura traversé l'intelligentsia du siècle : l'index des noms propres résume ceux qui auront compté de 1912 à 1983. Cortot, Boulanger, Diaghilev, Cocteau, Chanel, Ramuz, Auric, Nijinsky, Ansermet, Monteux, Munch, tous, il les a connus. Je vous entends bailler : déjà vu, tout ça ; Brialy qui se remémore Moreau ; Ormesson qui raconte Chateubriand.

Certes mais tout de même : Markevitch ! L'intimité avec la musique, avec les musiciens, avec leurs femmes... Oups, c'est là que ça se gâte : les considérations sur la musique ? admirable ! tel musicien croisé en Suisse ? formidable ! le touche-pipi avec Serge Diaghilev ? ah, tiens... Et cela continue : Max Jacob ? oui, oui... Marie-Laure de Noailles ? oui, oui... C'est que, comprenez, il était monogame tous azimuts. On finit par être surpris quand il tient à préciser qu'il n'a pas couché avec Cocteau. Mais pourquoi donc ? C'aurait fait un beau chapitre, pourtant, un plan à trois avec Jean Marais. Mais où est la musique, là-dedans ?

Un instant... Serais-je pudibond ?

Non, simplement un imbécile, fruit de mon époque, qui pense que la musique classique est affaire de cadavres - au mieux, de vieux messieurs qui ne se souviennent pas de leur dernier rapport sexuel. Convenables, en tout cas, qui n'engrossent pas Marie-Laure de Noailles pendant que Charles (le mari) a le dos tourné. Foutaise ! C'est un grand vent d'air frais que ce lupanar : y voilà de la chair, du sang, du sperme !

Bach n'avait-il pas douze enfants, après tout ?

vendredi 16 juillet 2010

On n'apprend rien, jamais

Lundi dernier, l'aviez-vous remarqué ? la vérité a triomphé de la calomnie. Les chiens n'auront pas eu raison de notre République irréprochable.

Nous croyons que les hommes politiques ne sont plus capables de nous surprendre. C’est compter sans les louanges qu’ils se donnent à eux-mêmes après chaque pas de clerc qu’ils ont fait. Nous autres, gens de lettres, si notre pièce est un four, il nous faut bien en convenir, la critique est à nos chausses pour nous le rappeler, et la recette nous renseigne mieux encore. Les politiciens, il n’en est presque aucun qui sache tourner à sa gloire un désastre militaire qu’il a organisé, et se tresser des couronnes avec les étrivières qu’il a reçues.

Le plus fort est qu’il ne trompe personne, qu’il le sait, et que chacun fait semblant de le croire. Cette indulgence qui est passée dans les mœurs des Français, depuis tant d’années qu’ils vont de catastrophe en catastrophe, nous devrions nous rendre compte enfin, de ce qu’il nous en coûte. Il est temps et il est grand temps.

[…]

Mais les mots sont devenus une nourriture à l’usage des militants et des parlementaires : ils s’en contentent et oublient d’aboyer. La politique a vidé le langage de sa substance. En dépit de commentaires innombrables et quotidiens, l’histoire que nous vivons se déroule inexprimée.

François Mauriac, Bloc-notes de « L’Express » n°274 du 21 septembre 1956.

Relisez la date. Voilà : nous sommes un peuple idiot et amnésique.

samedi 8 mai 2010

Parenthèse poétique

MERDRIGAL

en dédicrasse

Dans mon cœur, en ta présence,
Fleurissent des harengs saurs.
Ma santé, c'est ton absence,
Et quand tu parais, je sors.

Léon-Paul Fargue, Ludions, cité par Charles Dantzig dans son Dictionnaire égoïste de la littérature française.

vendredi 30 avril 2010

Les aldéhydes non-énolisables subissent la dismutation de Cannizzaro

Charles Dantzig n’aime pas les clichés ; Romain, non plus ; les journalistes, si. Tous les matins, dans telle revue de presse, tel journal consacre sa manchette. Les températures sont conformes aux normales saisonnières, un ciel de traîne subsiste au sud de la Loire, les brumes matinales se dissipent toujours. Le Quai d’Orsay proteste, la place Beauvau punit, la Chancellerie comble les vides juridiques. Pendant ce temps-là, l’Élysée arbitre et Matignon gouverne. La Maison-Blanche, le Kremlin, le 10 Downing Street observent tout cela de loin. Dans tout l’Hexagone, les usagers sont pris en otages : on n’en sortira que par un Grenelle.

Les journalistes ont même un cliché pour parler des sujets rebattus : ce sont des marronniers. Le vrai pouvoir des Francs-Maçons, le grand classement des hôpitaux, dans quel lycée envoyer ses enfants ? qui gouverne vraiment la France ? Les cultureux n’y échappent pas : le palmarès des films de l’année, de la décennie, du siècle ! Et l’année Schumann, et l’année Chopin, et l’année Déodat de Séverac (plus rare). Les sportifs, de même : de ballons d’or en Jeux Olympiques, d’hiver en été, et le Tour de France tous les ans.

Mais, quoi ! on leur demande d’écrire, d’écrire et d’écrire encore. Que dire du monde, quand le monde dort ? Comment prendre le temps d’écrire, quand il s’affole ? Il faut noircir du papier, toujours, tous les jours, quoi qu’il arrive. Comme ces musiciens hollywoodiens qui composent au kilomètre : échappent-ils au cliché, à la redite ? Le thème du Seigneur des anneaux sonne déjà dans la troisième symphonie de Sibelius ; celui de Sleepy Hollow, dans le troisième concerto pour piano de Rachmaninov ; celui d’ET, on le devine dans le dernier mouvement de la Cinquième de Beethoven. (Si on se force un peu.) Paresse ? Réminiscence ? Raccourci pour rentrer plus tôt chez soi ?

Attention : voilà que je mélange tout.

Je comptais blâmer le cliché pour mieux vanter la citation et la redite, je confonds le tout dans mon troisième paragraphe, comment conclure dans le septième ? Puisque nous parlions de Rachmaninov : dans toutes ses œuvres, à un moment ou un autre, le thème se déforme, craque, se déchire ; quelques notes passent la tête par la fêlure, disparaissent à nouveau dans la mélodie, reviennent à la charge pour agrandir la brèche ; un coup final, le thème explose pour de bon, un monstre en sort, comme les serpents des Œufs fatidiques de Boulgakov. C’est le thème du Dies Irae. Ce n’est pas systématique, car l’effet est toujours différent, mais c’est inévitable. Alors, cliché ? Je ne crois pas.

On peut être hanté par des idées, des mélodies, des couleurs. (Klein, bleu ; noir, Soulages.) Ce n’est pas un cliché puisqu’il ne revient qu’à soi. Parfois, c’est un eczéma qui demande à ce qu’on le gratte, encore et encore. (Vialatte : Le progrès fait rage.) Parfois, c’est un havre, une position de repos, un point de chute. (Vialatte : Et c’est ainsi qu’Allah est grand.) L’artiste fait sienne son obsession ; ses disciples la reprennent par hommage ; la foule la répète par habitude — alors, c’est un cliché.

Il y a ainsi une phrase qui me revient souvent, comme un repas trop riche le long d’un après-midi trop chaud. Elle concerne le formaldéhyde, qui sent si bon l’amande mais qui est suicidaire. C’est une bien jolie phrase, sur un rythme de tango, pleine de mots mystérieux comme des noms de papillons précieux. Mais que faire d’une phrase pareille ?

mercredi 17 février 2010

Capote en tweed

Un vieux monsieur dans des tons ternes : pantalon couleur tourbe, gilet bleu marine sur une chemise à fines rayures grises, veste de tweed. Un nœud papillon excentrique comme seule touche de couleur : au-dessus du col, une peau grisâtre à plis et replis, une moustache blanche soigneusement taillée, des cheveux clairsemés. Un petit pas de vieillard prudent sur la moquette. Semi-detached house, tea-cosy, bow-window : un décor mille fois planté. Une table face à la rue, une tasse fumante, une machine à écrire. Les petits pas, feutrés, lointains d'abord, puis de plus en plus proches. Le vieux monsieur, déjà décrit. L'Oxford English Dictionnary pris au passage dans une bibliothèque bien remplie : d'Auden à Whitman, d'Austen à Wordsworth, entrelardée de Shakespeare et de Marlowe.

Le vieux monsieur s'installe, boit une gorgée de thé, tire vers lui sa vieille Imperial. Il hésite un instant et, comme le pianiste qui se relève à demi pour régler la hauteur de son tabouret, il fait le tour de sa chaise et la déplace de deux pouces vers la droite. Il se rassied, survole le clavier sans s'y poser et hoche la tête de satisfaction. Le romancier anglais s'apprête à écrire un roman anglais.

Les stéréotypes ont la vie dure.

Julian Barnes, David Lodge, Alan Benett, voilà ce que ces noms m'évoquent lorsque je les vois sur une couverture. Malgré tout ce que je sais d'eux, malgré les fragments biographiques, malgré les photographies, malgré même ce que j'ai déjà lu d'eux, j'en reviens toujours là. Comment voulez-vous, après, que je ne sois pas surpris quand on éjacule chez Lodge, quand Barnes se masturbe, quand on pisse bleu chez Benett !

So shocking.

samedi 2 janvier 2010

Autobiographie, suite

Je ne suis pas du genre à grimacer face à la médisance. (Voilà ce qu'on appelle une litote.) Les commérages, les ragots, le persiflage ne me déplaisent pas plus.

Pour autant, les autobiographies me mettent parfois mal à l'aise lorsqu'elles se mêlent d'autres vies que celle de l'auteur. Si je supporte tout à fait les impudeurs du narrateur, le détail de ses perversions, le dictionnaire de ses petitesses ; si je prends même un certain plaisir à lire des méchancetés ou des détails croustillants sur sa famille, l'alcoolisme d'une mère, les inhumanités d'un frère, les excentricités de l'inévitable tante un peu folle ; je suis toujours embarrassé quand un pan de la vie privée d'un personnage public m'est dévoilé.

Page 228 de son autobiographie My Lives, Edmund White s'inquiète soudain :

I can imagine some of my friends reading this and muttering TMI - Too Much Information or Are we to be spared nothing? Must we have every detail about these tiresome senile shenanigans?

J'imagine certains de mes amis lisant ceci et marmonnant TI - Trop d'informations ou Rien ne nous sera donc épargné ? Doit-on vraiment savoir tous les détails de ces manigances exaspérantes de vieillard ?

Un paragraphe plus haut, il expliquait qu'il ne se déshabillait pas pour sucer T. dans les premiers temps de leur relation, que son seul objectif était d'amener T. à jouir et de pouvoir goûter son sperme ; un paragraphe plus bas, il détaille comment il a amené T. à le fouetter. Un chapitre plus tôt, il évoquait Michel Foucault, Susan Sontag et un grand éditeur parisien qui, à l'article de la mort, pouvait encore s'assurer des coups d'un soir grâce à son pénis énorme. Encore plus tôt, c'était sa mère alcoolique et grasse, étouffant dans un corset, flirtant avec les hommes qui lui payaient à boire mais échouant à en séduire aucun. Le tout, très bien écrit, drôle et touchant, comme il est de coutume de le dire en quatrième de couverture.

Pourtant, il y a quelque chose là-dedans qui me gêne. Et ce n'est ni le sado-masochisme, ni le drame familial. J'ai sans doute une trop grande aversion et une trop grande crainte du name dropping. En ce moment-même, j'imagine mes amis lisant ceci et marmonnant TRL - Trop de références littéraires ou Doit-il vraiment nous faire part de toutes ses lectures d'auteurs obscurs ? Il y a toujours un risque de fanfaronnade à citer un nom connu : ne cite-t-il tel auteur que pour se glorifier de l'avoir lu ? tel philosophe que pour le prestige de l'avoir rencontré ? En me raisonnant un peu, je comprends bien pourtant qu'on ne peut pas écrire une autobiographie (encore moins la vendre, ensuite) si l'on prend soin de ne citer que les gens qu'on a croisé et dont on est sûr que le lecteur de les connaîtra pas.

En janvier de cette année-là, mon boucher, M. Caillefer prit sa retraite. Son remplaçant, M. Duplessy, ne parvint jamais à me le faire oublier.

Au pilon !

En fait, ce malaise en moi, lorsqu'on évoque les mensurations d'une semi-célébrité ou l'agonie d'un philosophe dans une autobiographie, je le dois probablement à ma mère. Que vont penser les voisins ? La peur du qu'en-dira-t-on, enracinée dans la petite-genterie, arrosée de bassesse de sous-préfecture, ma mère en a fait une morale. Une génération plus tard, instinctivement, j'en fais un principe de critique littéraire. Un mauvais principe, qui plus est. Je devine l'objection à venir : pourquoi la peur du qu'en-dira-t-on ne couvrirait-elle que les personnages publics et non la famille et les proches de l'auteur ? Pour la réponse exacte, demandez à ma mère. Je suis peut-être imbibé de cette morale familiale comme une éponge oubliée au fond d'un évier mais, pas plus que l'éponge ne saurait vous dire pourquoi son côté vert ne doit pas frotter le téflon, pas plus je ne saurais vous expliquer pourquoi ce qui se fait se peut et ce qui ne se peut pas ne se fait pas. Disons simplement que, de ce que j'en ai compris, dauber sur la famille et colporter à propos des voisins relèvent plutôt du sport ou de la bonne hygiène de vie que de l'interdit moral.

Un dernier nom, une dernière lecture, pour justifier ou pour empirer la méchanceté du paragraphe précédent. Dans ce qu'il prétend ne pas être son autobiographie, Julian Barnes écrit ceci :

Il faut écrire comme si ses parents étaient morts.

vendredi 23 mars 2007

Grammaire allemande

Das ist doch so einfach...

Lire la suite...

mardi 27 février 2007

Vieux pots...

(Bien laver avant usage.)

Lire la suite...

vendredi 19 janvier 2007

Petit bout de perfection

Plus c'est court, meilleur c'est.

Lire la suite...

samedi 9 décembre 2006

Pour mémoire

C'est ainsi qu'il faudrait savoir écrire :

Tous ces messieurs avaient lu des romans qui parlent de colonels russes. Ce sont des gens qui fument de gros cigares et qui entretiennent des danseuses célèbres ; ils roulent dans des troïkas et donnent des fortunes en pourboire. Des étudiantes chlorotiques préparent dans l'ombre, autour d'eux, des bombes qu'elles lancent sur les palais en criant Nitchevo ! dans un spasme hystérique. On boit, on joue, on se ruine, on se brouille, on se grise, on se réconcilie, on se confesse les uns aux autres, on se jette dans les bras de son ennemi en le traitant d'homme sublime, on se déchire, on s'entretue, et on s'achemine brutalement vers la sainteté par une longue série de crimes : telle est la vie ardente du Russe, son rythme slave et ses sublimes occupations.

Alexandre Vialatte, Le Fluide rouge

C'est ainsi qu'il faudrait savoir ponctuer aussi.

- page 3 de 5 -