Alençon
Par RomainT le lundi 22 décembre 2025, 14:59 - Sous-préfectures et assimilées - Lien permanent
Où l'auteur déploie à plaisir son style de notaire.
Alençon ne nous a pas déçus, qui a porté haut les atours de la sous-préfectoralité la plus décomplexée.
Au printemps, en préparant un tour en Normandie, je calais judicieusement notre passage à Alençon le 14 juillet. Un lundi. C'est la préfecture, forcément tant soit peu vivante même un lundi fût-il férié ; et puis c'est l'été : tout le monde veut des touristes dans sa ville. Nous arrivons vers 15h pour un petit concert d'orgue dans la basilique un peu plus tard – j'y reviendrai. Tout est fermé comme attendu, le centre commerçant a connu heures plus glorieuses : de nombreux locaux sont vides. La radio est diffusée dans les rues, accentuant l'impression de ville endormie, si peu de passants se pressant pour l'écouter.
Au crédit d'Alençon, le peu de patrimoine (maisons à pans de bois, château, halle, mairie, basilique avec un admirable buffet d'orgue renaissance) est bien entretenu et se laisse admirer par l'un de ces parcours piétons que seules les villes de carrure sous-préfectorale proposent. Autre atout de la ville : le musée des beaux-arts et de la dentelle, deux belles collections et une découverte pour moi.
Il est temps : la bourgeoisie plutôt âgée d'Alençon et vos deux serviteurs de passage se pressent dans la basilique pour le concert d'orgue. Programme à thématique révolutionnaire, 14-Juillet oblige. L'organiste, la bonne soixante-dizaine, est dans un mauvais jour ou n'a peut-être pas beaucoup répété son programme : son heure d'orgue est émaillée de pains et d'accrocs. À la sortie du concert, on cherche où boire une bière puis dîner. C'est angoissant mais qui voudrait prendre la route pour aller ailleurs ? on se trouve déjà dans la plus grande ville de l'Orne !
On atterrit vite dans la seule brasserie ouverte. Nous sommes rejoints à la table voisine par l'organiste et les organisateurs du petit festival d'orgue. On assiste alors à un deuxième concert, de potins et ragots celui-là, sur les solistes en vue, leurs petits travers, les professeurs de conservatoire d'extrême droite, les églises où il est difficile d'accéder à la console lorsque l'on est enveloppé, etc. L'organiste revient sur un moment du concert de l'après-midi où il s'est complètement perdu, vantard : « Je me suis rétamé dans la fugue ! oh là là, comment j'allais me sortir de là... Toccata et fugue en ratage majeur ! Heureusement que j'ai un peu de métier. » On a repensé à Sens et à ces délices banales de province.