Exégèse (suite)

Théologie, cours n°2 : vision pessimiste pour la nouvelle année.

Dieu était diablement exigeant, au début de l'éternité. Il plantait des pommiers dont il ne fallait pas profiter, créait des serpents qu'il ne fallait pas écouter, dictait des règles qu'il fallait respecter. Sinon, colère divine. Tonnerre, déluge, apocalypse. Le grand jeu. On était avec Lui ou contre Lui, il n'y avait pas de juste milieu : les flammes de l'enfer étaient tout juste assez bonnes pour les anges renégats.

Et puis un jour...

Et puis un jour, trop ce fut trop : les hommes étaient corrompus, les femmes aussi, et  Dieu se mit une dernière fois en colère. On était en train de Lui ruiner Son grand œuvre et de Lui cochonner Sa Création. Une réprimande juste et mesurée, voilà ce qu'il fallait. Alors Dieu décida d'exterminer l'humanité. Pour son bien. Mais, très vite, Il se mit à douter : la mesure serait efficace, mais serait-elle bien pédagogique ? Aussi, qui pour le vénérer, une fois les hommes anéantis ? Il révisa donc son plan : Il tuerait tous les hommes, en masse, sauf un bonhomme et une bonne femme, un Monsieur et un Madame Tout-le-monde, à qui il reviendrait de repeupler la Terre.

Il choisit la méthode et il choisit Noé. Il lui apparut et lui donna un kit de survie : le plan d'une arche, quelques clous et un marteau. Et une bouée en forme de canard, au cas où. Les consignes étaient simples : construire l'arche, embarquer les animaux deux par deux, sauver la Création. Dieu avait été très clair, croyait-Il : deux bêtes de chaque espèce, dans l'arche, pour leur épargner la noyade...

Peut-être n'était-ce pas la bonne méthode. Ou peut-être pas le bon Noé. Peut-être n'aurait-il pas fallu prendre quelqu'un d'aussi docile, quelqu'un d'aussi crédule, quelqu'un d'aussi religieux. Peut-être aurait-il fallu choisir un rebelle, un esprit fort, un chenapan. Peut-être aussi Dieu n'avait-Il pas envoyé le bon message à propos du libre arbitre : ne mangez pas ces fichues pommes !, ce n'était pas forcément très encourageant.

Elle était belle, pourtant, l'Arche. Et elle flottait : c'était déjà beaucoup. Quarante jours et quarante nuits, il a plu. Quarante jours et quarante nuits, elle a tenu toute la Création bien au sec.

Et puis il a fallu débarquer les animaux. Les éléphants et les lions, les panthères et les guenons, les mille-pattes et les papillons. Et les poissons. C'est là, sans doute, que Dieu à compris son erreur : quand Noé a débarqué les poissons qu'il avait convaincus de monter dans son arche, quand il s'est inquiété de leur calme et de leur odeur, quand il a chercher à les ranimer. NFS, chimie, iono : rien n'y a fait.

Dieu, sur son nuage, regardait Noé, le dernier espoir, le Père de la nouvelle humanité, le sauveur de la Création, faire du bouche-à-bouche à des cabillauds. Le crétin avait cherché à sauver les poissons du Déluge. Là, quelque chose en Lui s'est cassé : à partir de ce jour-là, Dieu est devenu beaucoup plus coulant. Dieu est devenu amour.

Un jour, le maître d'école cesse de punir les cancres : c'est qu'il ne croit plus leur succès possible.

Commentaires

1. Le lundi 1 janvier 2007, 20:00 par Monster Bill

Tu as beaucoup plu à mes parents. Je te l'avais dit que tu écrivais bien. :-)

2. Le mercredi 3 janvier 2007, 21:52 par FabriceD

C'est gentil, MonsterBill, de m'avoir présenté à tes parents. Mais ne crains-tu pas que ce soit un peu tôt dans notre relation ?

3. Le jeudi 4 janvier 2007, 10:02 par Monster Bill

Il fallait en venir là, tôt ou tard. C'était un risque à prendre. Et tu as passé l'épreuve brillament. Il n'y a donc plus de crainte à avoir.

4. Le dimanche 13 mai 2007, 00:47 par Bneiharash

Il y a beaucoup de métaphores dans la bible, tout comprendre est bien plus difficile qu'il n'y parait

"Et l'homme mis son grain de sable pour salir, chaque fois un peu plus ce qui était simple, il l'a rendu compliqué en le déformant".

Tentés par les démons qui leur présentaient la connaissance du tout, ils ont pris le large. Normal. -->Quand c'est sale, il faut nettoyer.