En attendant l'apocalypse...

Pour l'instant, tout va bien.

Pas le moindre flocon en vue, les rues sont praticables, à peine reste-t-il quelques centimètres des dernières intempéries sur les toits, sur les branches, dans les recoins. Il gèle, certes. Mais la nuit est encore noire. Pour combien de temps encore ? Bientôt, le ciel virera au jaune, à l'ocre, et l'asphalte au blanc. Entre les deux, de grosses peluches zigzagueront lentement. La neige, quand elle se décide à tomber, ne semble pas pressée : les flocons se baladent, virevoltent de-ci de-là, remontent tout à coup, comme sur un coup de tête, dans un coup de vent. Il fera jour, d'un jour en sépia : le sol, le ciel, l'entre-deux, tous diffuseront la lumière des lampadaires, des phares, des néons. Il y fera clair comme dans une orange quand le soleil tape sur l'arbre, quand ses rayons percent la peau du fruit et en réchauffent les quartiers. Du moins, le piéton l'imaginera-t-il ainsi en avançant voûté, arqué, par réflexe. Pour ne pas se faire mouiller, il baissera la tête ; pour ne rien manquer du spectacle, il la relèvera. À cette oscillation verticale, le verglas ajoutera son incertitude latérale. La ville sera alors un grand magasin de jouet où danseront les culbutos, une grande banquise que traverseront des manchots.

Je viens de vérifier à la fenêtre : tout va bien encore.

Pas le moindre manchot en vue, pas de lumière féérique, la ville n'est pas encore enfermée dans cette orange rêvée, comme un monument dans sa boule à neige. Pourtant, demain, la fenêtre sera aveugle. On l'ouvrira sur un mur d'un blanc bleuté qu'on tâtera sans y croire. La main s'y enfoncera, on l'en retirera bien vite par peur de l'engelure. On montera vers les étages supérieurs, pour trouver une sortie. Au quatrième, au cinquième peut-être, on atteindra enfin la lumière. Dehors, ce sera un désert blanc, des dunes glacées, de loin en loin une oasis de cheminées et d'antennes de télévision, regroupées comme pour se tenir chaud. Pas âme qui vive. Alors on organisera le siège : les réserves sont maigres, mais les chocolats restant de Noël nous tiendront le mois. S'il fait vraiment trop froid, on videra la bibliothèque, on sauvera les livres et on brûlera le bois. On se blottira sous la couette pour se tenir chaud, on n'osera pas bouger, on lira toute la journée en attendant le dégel.

Je viens de vérifier à nouveau : tout persiste à aller bien.

Il faudra sans doute aller travailler demain, finalement. En attendant la prochaine Apocalypse...

Commentaires

1. Le jeudi 7 janvier 2010, 20:52 par FabriceD

Toujours rien...

2. Le vendredi 8 janvier 2010, 14:08 par Val

Ca sera peut-être pour demain, ou le jour d'après demain...

3. Le vendredi 8 janvier 2010, 20:09 par Monster Bill

Sans le "demain", aurait été particulièrement fin. Enfin, pour ceux que les références pourries n'effraient pas.