Les amibes de mes amibes sont mes amibes.

C'est vrai des Amish, aussi.

Ce que j'aime le plus, dans l'épuisement, ce n'est pas la sensation de flotter à côté de son corps. Vous savez, cette drôle d'impression d'être comme un dessin d'enfant où le trait est net mais où le crayola a débordé. Comme un passant interrogé aux informations régionales de France3 Auvergne quand la télévision est mal reglée ; et que le passant porte une chemise à carreaux ; à carreaux rouges, ce sont les pires, ils bavent comme aucun autre. Comme Harry dans un de ces états, aussi. Tout flou, tout léger, tout fragile. Le moindre souffle vous fait frissonner. Ce n'est pas tant le froid que la peur d'être emporté, arraché à soi-même. Ou l'envie, peut-être plutôt, d'être emporté, arraché à soi-même. De voler au dessus de la ville, d'aller se poser à la pointe du Crayon, d'aller se moquer des anges de la Basilique de Fourvière. Surtout des grands qui ressemblent à des hérons. (Les petits gros me rappellent mon grand-père.) De faire le pitre, de virevolter et de voltiger pendant que son soi pesant fait les courses chez Carrefour, ou travaille jusqu'à pas d'heure, ou blogue pour ne rien dire. Rien qu'à y penser j'ai les bras qui picottent, et le visage aussi : ils se sentent pousser des plumes, il devine le souffle du vent. D'ailleurs, il doit bien y avoir un vent, un vent de fatigue, pour faire dériver ainsi les pensées lorsque la raison, le sérieux et les convenances ne les ancrent plus au réel. Un vent comme je les aime.

Pourtant, ce n'est pas ce vent de folie que j'aime le plus dans l'épuisement.

Ce que j'aime le plus, dans l'épuisement, c'est l'instant où les petites amibes violettes commencent à danser autour de vous. Et où vous décidez de les ignorer. De faire quelque chose d'important, rien que pour les narguer : remettre des CDs dans leur boîte, rechercher les piles que vous avez achetées la semaine passée, bloguer même à la limite. Ça les agaces, ça, les petites amibes violettes, car ce sont des gamines mal élevées qui veulent avoir toute votre attention. Alors elles dansent plus près encore. Elles se mettent entre vous et ce que vous regardez. Elles se frottent à vous, elles vous caressent. Elles se glissent dans votre pantalon, même. Vous en êtes à vous concentrer pour marcher, vous avez du mal à retenir quel pied il faut avancer une fois le pied droit posé au sol, vous redoutez les inégalités du terrain (surtout que les petites amibes violettes diminuent la visibilité), bref vous n'avez pas l'esprit à la gaudriole, et soudain une gêne dans le boxer. Surpris, vous en cherchez la cause - quel beau jeune homme ? quel sculptural éphèbe ? Personne. C'est un coup des petites amibes violettes. Elles sont joueuses. Mais douces, aussi. Vous êtes là comme un con au milieu d'une rue piétonne, le cerveau mal irrigué, à attendre de vous envoler - elles vous guident, elles vous portent, elles vous choient.

C'est cet instant précis que je préfère, dans l'épuisement : l'instant où les petites amibes violettes vous prennent par la main jusqu'à votre lit, vous bordent et racontent au creux de vos rêves des histoires merveilleuses.

Commentaires

1. Le mercredi 15 juin 2005, 22:43 par saxeco

tout ça pour dire que tu as des morbacks... :)

2. Le jeudi 16 juin 2005, 07:37 par Virginie

Et mieux vaut être dévoré de remords dans la forêt de Forbach que dévoré de morbacks dans la forêt de Francfort.

3. Le jeudi 16 juin 2005, 23:40 par saxeco

si c'est des morpions pédés, essaye le sprayPacs ca marche peut etre.

4. Le lundi 20 juin 2005, 17:53 par Rakhmaninov

Moi perso ça ne fait pas comme des amibes violettes qui dansent un peu dans tous les sens, mais ça ressemble plutôt à une photo de collisions dans un accélérateur de particules, assez psychédélique aussi dans son genre...

Et merci encore pour l'accueil, au fait !