Tout est sous contrôle

Business as usual.

J'entre chez Decitre, je salue le libraire et je commence mon tour d'inspection. P comme Pratchett, Where's my cow? n'est pas encore paru ; W comme Waugh, rien que je n'ai pas déjà lu ; L comme Lodge, je résiste à acheter Out of the shelter. Pendant ce temps-là, le libraire passe un coup de fil. Son grossiste l'a informé que le livre que Monsieur a commandé est de nouveau disponible. Monsieur l'oblige à rappeler le titre. C'est que la commande a plus d'un an ; le libraire n'a appelé Monsieur que pour savoir si elle était toujours d'actualité. Monsieur semble se rappeler, maintient sa commande. Bonne journée, Monsieur. Et merci de votre patience. Il n'a pas ne serait-ce qu'esquissé un sourire, mais ses yeux pétillent.

Je traverse la place Bellecour pour rentrer chez moi et je l'aperçois au loin. Je ne change rien à mon allure : je ne voudrais pas que les gens croient que je crois voir ce que je vois. Je me remémore les derniers épisodes de ma vie. Je n'ai pas bu une goutte d'alcool depuis samedi soir. Peut-être est-ce cela ? Mais en fait non. Une vieille dame semble l'avoir vu aussi : elle le fixe l'air mi-perplexe, mi-désapprobateur. Quand je passe à côté d'elle, elle semble hésiter à me poser la question. J'imagine déjà sa petite voix chevrottante : Jeune homme, savez-vous pourquoi cet autobus est rose ? J'imagine ma réponse concernée : Quel autobus rose, Madame ? Je ralentis pour lui laisser le temps de m'aborder, elle n'ose pas. Méchante petite vieille qui me gâche mon plaisir.

Quelque mètre plus loin, je croise un pull-over. Informe et gris à rayures oranges. Dedans, il y a un bellâtre du genre grand et famélique - un poète. Il y a longtemps, j'ai connu un pull informe et noir à rayures jaunes. Il emballait un bellâtre petit et costaud - un bonbon à la framboise. L'idée des deux côte à côte, façon frères Dalton, m'a fait éclater de rire. En public. Place Antonin Poncet, à 13h10 : si vous y étiez, l'imbécile heureux, c'était moi.

En retournant au boulot, dans le métro, j'ai rencontré la dernière représentante d'une espèce. Une dame qui n'avait pas toute sa tête. Qui hurlait qu'il est revenu, Raffarin ; qu'il est au Sénat ; qu'on pensait s'en être débarrassés mais qu'il est bien trop malin. Elle continue, s'interrompt pour rire, remplit le wagon de sa voix de gamine saoule. Les gens sourient : Raffarin n'a jamais été populaire qu'en cet instant. En descendant de la rame, elle conclut : Moi, j'aime Jippy. Un retraité de l'éducation nationale, reconnaissable à son collier de barbe blanche, lui sourit.

Il y a de ces pauses repas qui justifient la journée de travail.

Commentaires

1. Le mardi 20 septembre 2005, 13:51 par Bibi@CDI

Framboise ? Pourquoi une framboise ?

2. Le mardi 20 septembre 2005, 19:37 par FabriceD

La framboise, voyons ! Comme les bonbons dont je ne citerai pas le nom pour ne pas faire de publicité et pour ne pas me ridiculiser en confondant les Pimousses et les Régalads. Petits mais costauds. Tu sais c'qu'e't'dit, la framboise ? Tout ça, tout ça.

3. Le jeudi 22 septembre 2005, 21:50 par Pierre

Hahahaha
(au fait c'est Pimousse)