Capote en tweed

Un vieux monsieur dans des tons ternes : pantalon couleur tourbe, gilet bleu marine sur une chemise à fines rayures grises, veste de tweed. Un nœud papillon excentrique comme seule touche de couleur : au-dessus du col, une peau grisâtre à plis et replis, une moustache blanche soigneusement taillée, des cheveux clairsemés. Un petit pas de vieillard prudent sur la moquette. Semi-detached house, tea-cosy, bow-window : un décor mille fois planté. Une table face à la rue, une tasse fumante, une machine à écrire. Les petits pas, feutrés, lointains d'abord, puis de plus en plus proches. Le vieux monsieur, déjà décrit. L'Oxford English Dictionnary pris au passage dans une bibliothèque bien remplie : d'Auden à Whitman, d'Austen à Wordsworth, entrelardée de Shakespeare et de Marlowe.

Le vieux monsieur s'installe, boit une gorgée de thé, tire vers lui sa vieille Imperial. Il hésite un instant et, comme le pianiste qui se relève à demi pour régler la hauteur de son tabouret, il fait le tour de sa chaise et la déplace de deux pouces vers la droite. Il se rassied, survole le clavier sans s'y poser et hoche la tête de satisfaction. Le romancier anglais s'apprête à écrire un roman anglais.

Les stéréotypes ont la vie dure.

Julian Barnes, David Lodge, Alan Benett, voilà ce que ces noms m'évoquent lorsque je les vois sur une couverture. Malgré tout ce que je sais d'eux, malgré les fragments biographiques, malgré les photographies, malgré même ce que j'ai déjà lu d'eux, j'en reviens toujours là. Comment voulez-vous, après, que je ne sois pas surpris quand on éjacule chez Lodge, quand Barnes se masturbe, quand on pisse bleu chez Benett !

So shocking.