Urbi et orbi

Où l'Auteur invoque le fantôme de Marguerite Duras.

Ville ou village, la différence n'est qu'une question de cimetière. Ou, plutôt, de nombre de cimetières.

Les villages n'ont qu'un cimetière, qu'ils déportent en lisière, un petit cimetière gris, qu'on ne visite qu'à la Toussaint et quand un des innombrables vieux y va réclamer la place qui lui est réservée. C'est le cimetière du village et, par métonymie, par proximité et par contagion, le village est un peu celui du cimetière. Un peu plus chaque année. Les villes, elles, ont des cimetières, qu'elles nomment, qu'on visite, qui deviennent le centre d'un quartier. On les indique au touriste perdu pour l'aider à trouver la rue Henry Barbusse. Certains deviennent même monuments historiques, ou lieux de pélerinage.

Ainsi, Clermont-Ferrand a des cimetières - car Clermont-Ferrand est une grande ville, quoiqu'un enfant puisse difficilement en faire le tour à pied. Sans ravitaillement, du moins. C'est ce dernier point, d'ailleurs, qui différencie Clermont-Ferrand de Nevers. Ça, la présence écrasante du Puy de Dôme et la noirceur volcanique de la cathédrale.

Parmi ces cimetières, dans le quartier de Crouël, rue de Crouël, il y a le cimetière de Crouël.

Or, le cimetière de Crouël - je m'en suis rendu compte ce soir car la voie ferrée le longe - est surélevé. Il est entouré de hauts murs : d'un côté, au pied du mur, la rue ; de l'autre, à mi-hauteur du mur, le sol du cimetière. Pourquoi ? De deux choses l'une. Soit quelqu'un a abaissé toute la ville pour qu'elle soit un mètre plus bas que le niveau du cimetière, soit quelqu'un a réhaussé le cimetière. Pourquoi, donc ? Y aurait-il une sorte de caveau, comme sous le République à Lyon, où les cadavres auvergnats dansent un flamenco funèbre au son castagnetesque de leurs articulations entrechoquées ? Est-ce l'endroit où l'on sort ou, plutôt, où l'on entre, désormais, à Clermont, lorsqu'on est mort mais branché ?

Ces préoccupations hallucinées m'ont tenu jusqu'à Vichy. Cela impliquait des échos lointains de la Danse Macabre de Saint-Saëns, le tou-cou-toum des roues sur les rails et des souvenirs horrifiés d'une certaine soirée dont je suis sorti presque plus sourd que saoul.

Ensuite... Ensuite ? Eh ! bien, ma foi, entre quelques paragraphes de Vialatte, la contemplation du paysage qui défilait et l'écoute émerveillée d'une Symphonie de Schubert - la Grande - par Erich Kleiber, il y eut l'avant-bras d'un passager. Ne me dites pas que vous ne vous y attendiez pas. Enfin, au passager, vous vous y attendiez. À l'avant-bras, peut-être moins. Dans l'indispensable traîté sur la beauté masculine que le monde entier attend que j'écrive (avec une impatience soigneusement dissimulée), je consacrerai un chapitre entier aux avant-bras, deux aux mains et, peut-être, un petit bout de chapitre encore aux mollets. Mais, pour l'instant, il me suffira de dire que la limitation de ce passager à son avant-bras relevait essentiellement de la ruse, de la stratégie et de la tactique.

L'avant-bras fut la clef de mon succès (une clef d'avant-bras aurait écrit un sportif) : la demoiselle qui accompagnait l'avant-bras n'a même pas eu l'occasion de m'agresser du regard.

Commentaires

1. Le lundi 11 avril 2005, 09:00 par Val

gni

2. Le lundi 11 avril 2005, 09:25 par Plantex

J'émets quelques réserves sur l'Orthographe du prénom de Monsieur Barbusse. Même si l'on pourra me rétorquer qu'il n'y a pas de faute à un nom propre, je pense que Barbusse c'est Henri. C'est un célèbre écrivain français né à Asnière en 1873 et mort à Moscou en 1935 (belle époque...).
Je vous invite à consulter quelques citations de ce monsieur : www.evene.fr/citations/au...

3. Le lundi 11 avril 2005, 19:58 par Bibi @ Paris

Un avant-bras ? Kurt Schwarzengipfel ?

4. Le lundi 11 avril 2005, 20:55 par FabriceD

Oh... Monsieur a de belles références. :)

(Et de beaux avants bras, aussi, s'il m'en souvient bien.)