Quarantaine

Un auditorium n'est pas un sanatorium.

S'il ne tenait qu'à moi, il y aurait des rabatteurs qui courseraient les jeunes, qui presseraient les vieux, qui pousseraient les voiturettes des impotents. Ils hurleraient Hoiotoho ! et Heiahaha !, ce serait terrifiant. On parquerait le tout dans une grande pièce, vide, froide et silencieuse, sous le regard hargneux de bibliothécaires spécialement entraînés ou d'autres cerbères à l'ouïe fine.

Et l'on attendrait, en silence, quarante minutes. Quarante minutes pour éliminer les tuberculeux, les pneumoniques et les bronchités ; pour exterminer les encrassés des bronchioles, les gratouilleux du pharynx, les encombrés des sinus ; pour anéantir les toussoteurs chroniques, les renifleurs mondains et les râleurs souffreteux. Qu'en ferait-on ? je ne sais pas encore : on les piquerait à la pénicilline, peut-être (mais, nous dit-on dans un français douteux, les antibiotiques, c'est pas automatique - alors que faire ?). En tous les cas, on les jetterait dehors. Sans pitié mais avec ménagement.

Alors, seulement, on laisserait le public entrer dans les salles de concert. Ce ne serait pas de l'élitisme, ni de la ségrégation ; simplement un acte de charité : qui ne peut rester quarante minutes sans tousser est trop faible pour subir une symphonie de Mahler. Ce serait à ce prix, enfin, qu'on pourrait entendre des solos de cor de postillon libres de tout crachotis.