Billet optimiste

Deux pessimismes à éviter : d'un côté, croire à un âge d'or à jamais révolu, à un jardin édénique dont nous aurions été définitivement chassés, aux jeunes qui étaient plus jeunes quand nous l'étions aussi ; de l'autre, craindre une déchéance inéluctable, une souillure dont nous ne saurions plus nous laver, un lendemain qui ne vaudrait pas notre aujourd'hui apeuré. La même peur approchée de deux côtés différents, le même fatalisme masochiste.

Démonstration par le rut, puisque le printemps approche.

Les antiques, dont l'Antiquité était le présent, s'étaient inventé un âge d'or très pittoresque qu'ils avaient peuplé de Dieux, de Titans et de bestioles en tous genres. Prométhée, qui était un Titan, volait le feu au Dieu ; un aigle lui dévorait conséquemment le foie. Les hommes, au milieu de cette ménagerie, subissaient, égarés. Rares, ceux qui se rebellent : Hercule, dans son berceau, étouffe les serpents envoyés par Héra. Pendant ce temps, Zeus se change en cygne pour charmer Léda, en taureau pour engrosser Pasiphaé, en pluie d'or pour rejoindre Danaé.

Ça, un âge d'or ? Les mortels vivaient dans la peur, les fermiers n'osaient plus envoyer leur femme à la basse-cour : telle petite poule pouvait être Apollon ou telle oie, Bacchus. Comment savoir ? Les gens prudents devaient prendre les enfants du bon Zeus pour des canards sauvages, et réciproquement. Une giboulée de mars, une averse de grêle, une chute de neige pouvaient causer une grossesse, et les rayons de lune, et l'éclat du soleil. Le lit conjugal n'était plus qu'une mauvaise farce : cette femme était-elle bien l'épouse aimée ou Aphrodite déguisée ? cet homme barbu, était-ce Héra, jalouse, qui venait se venger ? étais-je même moi-même qui honorais l'être cher, ou un simple vaisseau pour un dieu en goguette ?

Les amours étaient angoissées et suspectes à force d'être météorologiques, zoologiques et vaudevillesques. Pour parler en ingénieur, notre époque a gagné en fiabilité et en sécurité. Cet homme est un homme, cette femme est une femme. (Sauf exceptions.) On y a perdu en fantaisie, sans doute : ce n'est pas tout les jours que l'on couche avec une pluie d'or, les douches dorées ne sont qu'un pis-aller ; mais la gêne a disparu, faisant place au plaisir.

Le corps n'est plus ce mauvais déguisement de mardi gras qu'empruntaient des divinités en manque de loisirs ; il exulte et ne demande qu'à sentir, qu'à jouir, qu'à aimer. Demain, le printemps sera là : le corps se dévoilera de nouveau. La peau se soumettra aux caresses du soleil, au frôlement des regards. La jeunesse se montrera, tout en fraîcheur, en muscles et en pulpe.

L'avenir s'annonce radieux.

Commentaires

1. Le lundi 8 mars 2010, 11:23 par Bertrand

Sans oublier : ventre plat avant l'été !