Zanimos

La peinture à l'huile, disait le poète, c'est plus difficile, mais c'est bien plus beau que la peinture à l'eau. Le poète a toujours raison — c'est un autre poète qui le chantait. (Charité bien ordonnée, etc.) Plus beau, donc, admettons ; mais beau ? Pas toujours. Une visite récente au Musée des Beaux Arts m'a détrompé : certains peindraient au beurre que leur art ne serait pas plus indigeste.

Mais ne médisons pas : l'art est difficile, quand la critique est aisée. J'en souffre. Voici une confession : j'aurais voulu être un artiste, oui, mais animalier. Comme Pompon, le sculpteur, ou Géricault. J'en vois des cultivés qui font la grimace : Géricault, un peintre animalier ? Si, si : tout de même, tous ces chevaux ! Et le Radeau de la Méduse !

Bref, artiste animalier. Attendrir mes amis à coup de chatons, illustrer les calendriers des postes, faire des moulages de canaris : voilà un doux rêve. Un pis aller, certes : c'est au premier jour qu'il aurait fallu exercer, à la droite de Dieu, pour barioler le zèbre et peinturlurer le paon. Mais, quoi, portraiturer des yorkshires dans les quartiers chics, on s'en contenterait : les vieilles dames s'amourachent si facilement de nos jours, surtout des artistes, et leurs poches sont si profondes...

Ah... artiste animalier, si seulement. Ce n'est pas faute d'essayer, encore et encore, mais ce n'est point commode d'être à la mode quand on est un artiste comme moué. La ressemblance y est pourtant, le plus souvent. Une ressemblance synthétique, anisotrope et statistique, certes, mais quoi ! Dubuffet faisait bien des Portraits à ressemblance extraite, à ressemblance cuite et confite dans la mémoire, à ressemblance éclatée dans la mémoire de M. Jean Dubuffet, peintre. (C'est le titre d'une de ses expositions.)

Non, ce n'est pas la ressemblance, le problème... L'angle, c'est là qu'est l'os.

Je dessine des animaux beaux, émouvants, rigolos, tout ce que vous voulez mais qui regardent vers la droite. Tous. Sauf les cloportes, que je ne sais faire qu'en vue de dessus, et les puces qu'en vue de très loin. Mais sinon, tous mes animaux contemplent avec un sourire niais un horizon oriental indéfini. Cela me bride, comprenez-vous ? Quel sujet puis représenter, dans ces conditions ? La traversée des Alpes d'Hannibal et le renifflage du derrière de Médor. Une frise de wombats pour décorer une chambre d'enfant, à la limite, ou d'ibis pour l'intérieur d'une pyramide. Est-ce assez pour une vie ? Est-ce assez pour une œuvre ? Est-ce assez pour une carrière ?

Satané Mirza, tiens.

Commentaires

1. Le lundi 6 septembre 2010, 14:29 par bertrand

Une frise de wombats... Le rêve ! (et pas que pour décorer une chamre d'enfant)