Un samedi à Paris

L'arrivée

11h45 —  Le train longe une station d'épuration dont j'aime bien le logo qui sort d'un étang. Ce serait assez bucolique si l'on oubliait d'où sort l'eau. L'eau : à sa vue, ma vessie se réveille, je veux aller au toilettes, mais Paris n'est plus très loin, si les toilettes sont occupées, je devrai aller aux suivantes, qui si elles sont occupées, etc., si je n'en trouve pas de libres avant Le Vert de Maisons, je risque d'être encore dedans en Gare de Lyon, il ne faut pas aller aux toilettes quand le train est à l'arrêt, en tout cas dans les Corail, est-ce vrai dans les TGV ?

11h50 — Maisons-Alfort, Alfortville, Le Vert de Maisons... Question rituelle : Tu préfères Maisons-Alfort ou Alfortville ? Ça n'amuse personne que Romain et moi. Les messieurs en costumes, debout depuis la station d'épuration, nous regardent avec condescendance. Je ne suis pas allé aux toilettes.

11h54 — Il faut parfois se reposer le goût, comme un sportif s'accorde une journée de relâche en culpabilisant un peu de son amollissement plaisant. J'aime l'architecture quand elle se rapproche de la géométrie : les lignes droites qui tracent des perspectives, les courbes qui faussent la gravité, les angles qui surprennent. Pour autant, une fois de temps, en bord de Seine, ce que j'aime Chinagora !

12h10 — Il n'y a pas plus belle vitrine de Paris que cette esplanade : les brasseries accueillantes, les vieilles pierres du beffroi, les trains de taxis pour le pittoresque. Sous un ciel gris, c'est poignant, sous le soleil, c'est charmant.

—  Si l'on pouvait croiser des toilettes publiques...

Question rituelle

Systématiquement, malgré les quolibets, en descendant du train, après deux heures de trajets côte à côte, je demande à Romain :

As-tu fait un bon voyage ?

Frustration récurrente

—  Où veux-tu aller ? Le Marais ?

—  Oh ! oui, tiens.

—  On passe par la Bastille ?

—  Oh ! oui, tiens.

—  Je te suis.

—  ...

—  Avoue que tu le fais exprès... C'est par là.

Parcours habituel

Gare de Lyon, Arsenal, Bastille, Le Marais, Hôtel de Ville, Île de la Cité, boulevard Saint-Michel, Gibert, la Chaumière à musique, quai Malaquais (Pas sur la bouche), Châtelet, Palais-Royal, Louvre, Tuileries, Faubourg Saint-Honoré, Champs-Élysées, etc.

Les parisiens en sont horrifiés et nous traitent comme des marathoniens.

Plus tard

—  Et maintenant, où veux-tu aller ?

—  Père Lachaise ?

—  Trop loin.

—  Montmartre ?

—  Trop loin.

—  Opéra ?

—  On en vient.

—  Ah, bon ?

—  Avoue que tu le fais exprès...

Début de soirée

Ce qu'on trouve à Paris : des chocolatiers, des chausseurs, des brasseries, des modistes, des boulangers, des maroquiniers, des bistrots, des bijoutiers et partout, partout, partout, des cavistes qui ont peur du noir. Le touriste vagabonde dans l'insouciance : il sera toujours temps d'offrir à nos hôtes une bouteille de vin. Croit-il. Un courant d'air un peu plus frais, le ciel qui rosit signalent soudain la soirée qui s'approche. Et, à mesure que l'obscurité avance, les cavistes disparaissent. Ils ne ferment pas, non, ils s'évaporent, comme cette part des anges qui s'enfuit des fûts les plus hermétiques. L'heure s'approche de sonner chez nos amis, les mains restent vides, l'angoisse sert le cœur et presse la vessie. À force de détours, on finit par trouver ce que l'on cherche. Romain paye, je me dandine d'un pied sur l'autre. Romain sonne à l'interphone, je me dandine d'un pied sur l'autre. On prend l'ascenseur, je me dandine d'un pied sur l'autre. On sonne, etc.

C'est ainsi que persistent des réputations.

Commentaires

1. Le vendredi 7 octobre 2011, 11:38 par Tofe

Arg ! Quels marathoniens ! Mais bon, la prochaine fois que vous passez sur Paris, n'hésitez pas à passer à l'appart (vers les Buttes Chaumont), on a de très jolies toilettes.