Fahrenheit XXX

Où l'Auteur essaie de faire croire que la contemplation d'un bellâtre est source de réflexions métaphysiques.

Vous souvenez-vous des premières publicités télévisées pour le parfum Fahrenheit, de Christian Dior ?

Un type marche sur un ponton de bois, au milieu d'un désert de terre rouge. Il fait chaud, l'horizon ondoie. L'homme, grand, costaud, ruisselle de sueur. Mais il marche, imperturbablement, sur ce fichu ponton. On devine son inconfort, on aimerait pouvoir l'aider, on craint pour lui. Pour ajouter à la tension, une voix off - masculine et étrange - compte à rebours et en anglais. Soudain, on voit au loin l'océan, très bleu contre le sable si rouge. La voix off devient la voix de l'espoir : l'homme marche vers son salut, ce compte à rebours, c'est celui d'une renaissance. Cela dure une éternité, il n'y a aucune péripétie notable, je passe rapidement, donc. Enfin, l'homme arrive à l'océan et... Se retrouve aussitôt face au désert !!!

Plus jeune, cette publicité me terrorisait.

D'accord, vous direz-vous, mais pourquoi nous raconte-t-il ça ? Bonne question, merci de l'avoir posée. Imaginez-vous que j'ai vu l'autre jour la nouvelle publicité pour Fahrenheit. Publicité notable pour plusieurs raisons :

  • le mannequin est superbe ;
  • le mannequin ne marche pas sur un ponton mais attend que le temps passe dans un ascenseur ;
  • le mannequin est superbe ;
  • pour la première fois de ma vie, une publicité pour Fahrenheit ne me fait pas peur, ce qui est peut-être lié à ce que je suis désormais un grand garçon ou, plus vraisemblablement, au fait que...
  • le mannequin est superbe.

Au risque de décevoir mon lectorat, je n'ai malheureusement pas de lien à vous proposer vers une photo du mannequin (qui, pour mémoire, est superbe). Croyez bien que ce n'est pas faute d'avoir cherché. Mais je m'égare...

Si je vous parle de tout ceci, c'est parce que cette publicité soulève, outre mes draps la nuit dernière lors d'un rêve particulièrement plaisant, quelques questions philosophiques intéressantes lorsqu'on la confronte aux précédentes - celles qui faisaient peur. Rien que pour vous, Lecteurs, je vais prendre sur moi, affronter mes démons et... me souvenir.

Vers une renaissance de l'humanité par la technologie ?

Je l'ai dit, la marche du bonhomme était une marche vers une renaissance, vers une nouvelle humanité. Mais, et c'est là le point important, c'était une marche. Le bellâtre d'aujourd'hui, lui, fait ce chemin en ascenseur ! Qu'est-ce à dire, sinon que l'humanité, incapable désormais de se réinventer en et par elle-même, devra désormais évoluer (évolue déjà ?) par la technologie ? En ce sens, les publicités pour Fahrenheit ne sont-elles pas à rapprocher de 2001, a Space Odyssey ?

Toucher du doigt l'Infini et tutoyer Dieu ?

Le premier bonhomme, le pas superbe qui transpirait à plein seau, où marchait-il ? Sur un ponton. Et quelle est la caractéristiques première d'un ponton ? D'avoir les pieds dans l'eau et la tête au soleil, comme le riz et ceux qui le cultivent, mais ça n'a pas grand rapport avec ce à quoi je veux arriver. Quelle est la caractéristique seconde du ponton ? Je vous le donne en mille : l'horizontalité. Et celle de l'ascenseur ? La verticalité. Par ce basculement, on voit clairement que l'homme veut, grâceà la technologie, transcender son humanité (échapper au ponton) pour accéder à la divinité (on accède à la divinité par ascenseur, c'est bien connu). Cet interprétation, qui peut je l'accorde sembler extrême, est néanmoins corroborée par le fait que le mannequin est beau comme un dieu.

Humanité et CPC, même destin ?

Je l'ai dit, la marche du premier bonhomme se terminait sur un échec. L'homme qui avait voulu réinventer son humanité se retrouvait irrémédiablement face à celle-ci. Qu'en est-il du bellâtre de l'ascenseur ? Je ne vous l'avais pas dit pour ménager mes effets : l'ascenseur s'ouvre... sur un désert de nuages rouges !!! Les optimistes y verront le signe d'une divinité possible (le champ de nuage) et humanisée (le rouge des nuages, comme le rouge du sable, est le rouge du sang, symbole de la mortalité de l'homme). Les pessimistes y verront l'emprisonnement inéluctable de l'homme en lui-même : on change de prison (le nuage contre le désert, le paradis contre l'enfer ?) mais la prison est toujours prison (la mortalité).

Voilà. La prochaine fois que vous serez surpris en train de baver devant le mannequin de la nouvelle publicité Fahrenheit, vous pourrez affirmer sans rougir que vous étiez perdu dans des pensées métaphysiques.


Mise-à-jour : Grâce à l'excellentissime Stitch - qui, de toute évidence maîtrise mieux Google que moi - je puis désormais vous offrir la possibilité de baver philosopher quelques secondes.

Commentaires

1. Le vendredi 17 décembre 2004, 21:08 par Stitch

C'est vrai qu'il est mignon, je regrette pas d'avoir cherché!
Par contre, quelqu'un peut il me dire pourquoi les pubs pour les parfums sont toujours des oeuvres d'art ou presque, alors que les pubs pour les lessives ne le sont jamais (même pas ou presque)?